Entre conflits et dégâts climatiques

Le sort des personnes déplacées internes à Tombouctou

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La région de Tombouctou est la sixième région administrative du Mali. Son chef-lieu est la ville de Tombouctou située à 1000 kilomètres de Bamako la capitale. Suites aux conflits qui touchent la région depuis la crise de 2012 et la prise de la ville par les mouvements rebelles puis djihadistes, la situation alimentaire des habitants de la ville est assez préoccupante. Certains habitants sont obligés de fuir laissant derrière eux tous leurs biens car confrontés à des conflits communautaires ou aux inondations multiples qui frappent la région en saison pluvieuse (période de soudure). Les déplacements de populations sont de plus en plus fréquents.

Vue aérienne de Tombouctou entre inondation et désert, après la saison de pluie. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

C’est un lundi matin intense au sous-bureau du Programme Alimentaire Mondiale (PAM) à Tombouctou. « Nous devons y aller ! Les personnes déplacées de Hondoubomokoïna nous attendent ! » s’exclament mes collègues Zacharie et Bouya. Aussitôt nous prenons la route, direction le fleuve Niger. Le contraste entre la ville de Tombouctou entourée par de vastes étendues de sable et la soudaine verdure des berges du fleuve est surprenant. Arrivés sur la rive nous sommes accueillis par Mr Abouko Houssa, piroguier Bozo vivant au bord du fleuve qui nous embarque à bord de sa pinasse. Tous les moyens sont bons pour sauver des vies !

Abouko à bord de sa pinasse. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Abouko à bord de sa pinasse. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

« Regardez ces maisons, autres fois des gens vivaient et cultivaient la terre ici. Nos enfants jouaient tranquillement et nous travaillions pour gagner notre vie. Aujourd’hui la zone est complètement inondée et en ruine, » m’explique Abouko.

Les ruinent des maisons inondées Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Les maisons abandonnées. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

Après une demi-heure sur le fleuve Niger, nous arrivons à Hondoubomokoïna, situé à 19 kilomètres de la ville de Tombouctou. Ils sont 1050 personnes en détresse soit 175 ménages, hommes, femmes et enfants à nous attendre impatiemment. Entre les visages inquiets des mères et celui des pères soulagés en nous voyant arriver, je comprends que la situation est critique.

L’arrivée à Hondoubomokoïna. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Les personnes déplacées de Hondoubomokoïna. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Les personnes déplacées de Hondoubomokoïna. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

Assis sous une tente, ils attendent tous de recevoir une assistance pour se nourrir. Notre partenaire de mise en œuvre, l’ONG local ADAZ commence les distributions sous forme de coupons alimentaires qu’ils peuvent échanger auprès de commerçants locaux contre différents types de vivres.

Les bons d’achat alimentaires distribués par le PAM permettent aux personnes déplacées de se nourrir en achetant des produits auprès des commerçants locaux ce qui participe également à l’économie locale. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

A peine arrivée, une dame armée d’un sourire m’approche « Etes-vous du PAM ? je reconnais votre gilet. Vos collègues qui étaient venu nous voir quand nous n’avions pas de quoi manger avaient les mêmes habits ».

Cette dame s’appelle Aminata Cissé !

40 ans, mariée, mère de 6 enfants, elle commence à nous raconter son histoire « J ’étais enceinte quand j’ai dû fuir mon village avec mes enfants à la suite d’un conflit communautaire, j’étais désespérée car ne pouvant pas nourrir mes enfants ».

Mme Aminata Cissé et son bébé devant l’arbis de fortune qui est désormais sa maison. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

« Je vivais dans un village de l’autre côté de la rive depuis 20 ans. Il y a 2 mois, des bandits armés nous ont chassé ma communauté et moi en nous disant que nous vivions sur leurs terres. Ils nous ont donné 2 choix : partir en laissant tout derrière-nous ou rester et mourir » raconte-t-elle avec émotion en essayant de contenir ses larmes.

80 302 personnes déplacées internes (Novembre 2018) ont été répertoriées sur l’ensemble du territoire malien. Une période de soudure précoce et des inondations ont amené le gouvernement du Mali à faire appel à ses partenaires humanitaires pour répondre à leurs besoins de base, notamment le PAM pour l’assistance alimentaire.

Site accueillant les personnes déplacées de Hondoubomokoïna. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

« Heureusement peu de temps après notre arrivée sur ce site les autorités locales sont venues avec le PAM. Ils nous ont posé quelques questions avant de nous distribuer des vivres » s’exclame t’elle, cette fois avec un soulagement visible.

Mme Aminata Cissé recevant ses coupons. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

« La 1ere assistance que nous avons reçue était sous forme de vivres (niébé, huile, sel…), ensuite le PAM nous a proposé les coupons. Cela me convient mieux car mes filles aiment beaucoup les spaghettis et le riz ; c’est la 1ère chose que je prends quand je vais chez le commerçant. »

Mme Aminata après avoir échangé ses coupons contre des vivres. Photo : WFP/Bouya Baba

« Malgré ma situation encore précaire aujourd’hui, je reste très optimiste et j’espère qu’un jour le Gouvernement et ses partenaires nous aiderons à rentrer chez nous retrouver nos terres. Je pourrais ainsi reprendre mon activité de maraichage, vivre dignement sans aucune aide et permettre à mes enfants de retourner à l’école ».

Aminata cuisinant sous son hangar. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Aminata avec ses filles. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Malgré la situation difficile, les enfants d’Hondoubomokoïna gardent le sourire. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM
Malgré la situation difficile, les enfants d’Hondoubomokoïna gardent le sourire. Photo : WFP/Virgo Edgar NGARBAROUM

Grâce à l’appui financier du Luxembourg, Norvège, USAID, Monaco, Canada, Japon, Espagne, Allemagne, France, Suisse, Union Européenne, Royaume Uni et UN CERF, le PAM au Mali appuie le plan national de réponse qui permet de faire les distributions alimentaires d’urgence et ainsi sauver des vies. *

Cette année, c’est 683,655 personnes dans la même situation que Aminata qui ont bénéficié des distributions alimentaires d’urgence ou de l’assistance saisonnière (période de soudure).

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Virgo Edgar Ngarbaroum
Histoires du Programme Alimentaire Mondial

Communications Associate @WFP Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies au Mali. #SDGs #zerohunger #ODD2