PAM RCA : L’enfer des ménages vulnérables de l’enclave du PK5

En République Centrafricaine où les populations continuent de subir l’impact des violences qui secouent le pays, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) met tout en œuvre pour venir en aide aux déplacés internes. C’est le cas dans l’enclave du PK5, quartier musulman et poumon économique de la capitale centrafricaine Bangui, considéré comme une zone hautement dangereuse pour le personnel humanitaire. Dans ce quartier totalement retranché, où les habitants vivent dans un climat de méfiance et de peur, le PAM a soutenu 160 ménages vulnérables soit 800 personnes dans le cadre des distributions générales de vivres aux personnes déplacées. Retour sur les histoires atypiques de certaines des personnes rencontrées lors de cette récente distribution.

Aïcha Moussa en compagnie de Hussein et Hassan, ses sympathiques garçons de 5 ans. PAM/Bruno Djoyo

Ecrit par Bruno Djoyo

Bangui — PK5 : Il est 9H45 lorsque des manutentionnaires déchargent les vivres dans la cour de la mairie du 3e arrondissement sous le regard joyeux des futurs bénéficiaires de l’assistance du PAM et des badauds qui ont accouru par curiosité. Cela se passe dans le célèbre quartier PK5 qui, il y a peu, défrayait la chronique, suite à l’opération Soukoula lancée le 8 avril par les Forces Armées de Centrafrique, la MINUSCA ainsi que les Forces de Sécurité Intérieures pour désarmer les groupes armés dans cette zone.

Les incidents qui ont suivi le déclenchement de cette opération ont poussé les populations de plusieurs quartiers à se déplacer en plus d’entraîner la suspension des activités et des mouvements de la plupart des humanitaires à PK5 et dans les quartiers environnants. Les meurtres des civils lors de ces affrontements ont fait réapparaître des tensions intercommunautaires.

« Les crépitements des armes ont tellement retenti dans notre secteur qu’au moindre bruit qui s’apparente à la détonation d’une arme, mes enfants paniquent. Ils sont encore traumatisés. », nous raconte Aïcha Moussa, cette maman de 4 enfants, dont Hussein et Hassan, sympathiques garçons de 5 ans qui sont venus avec elle au site de distribution. « Nous avons vécu l’enfer et nous voulons absolument quitter ce quartier, mais nous ne savons pas où aller, ni comment faire » confie-t-elle.

10H — Après le déchargement des vivres du camion, Marlène Francine Bilaud qui est Monitoring Assistant au PAM entre en action pour expliquer comment les vivres — riz, sel, huile, haricots, céréales et farine enrichie pour prévenir la malnutrition chez les enfants — doivent être partagés.

Déchargement du Camion du PAM. PAM/Bruno Djoyo

Pour ces familles sans ressources et sans revenus, il devient très difficile de se nourrir. D’autant que les incidents sécuritaires nés au lendemain de l’opération Soukoula ont réduit l’accès au PK5 et freiné la reprise des activités de commerce dans ce quartier qui représente le poumon économique de la République Centrafricaine. Cette distribution de vivres représente donc une véritable bouffée d’oxygène pour ces personnes vulnérables qui ont un réel problème d’accès à la nourriture.

« Au nom de mes 8 enfants et de toute ma famille, je voudrais exprimer ma gratitude au PAM pour ces vivres que nous avons reçus, surtout parce que c’est la période du Ramadan » témoigne Oumoul Koussoumi cette autre mère qui a des jumelles de 3 ans, Husseina & Hassana.

Oumoul Koussoumi , la mère des jumelles de 3 ans, Husseina & Hassana. PAM/Bruno Djoyo

Les jumelles d’Oumoul sont nées en 2013 au Nigeria aux environs de 20 heures, 2 heures après qu’elle soit partie de Bangui précipitamment, fuyant les exactions des groupes armés. Un an et 1 mois après sa fuite au Nigéria, la voici de nouveau en train de fuir les milices de Boko Haram pour se réfugier en République Centrafricaine où les violences n’ont cessé de s’intensifier depuis 2017. « Aujourd’hui je suis cardiaque et je vis constamment dans la peur à cause de tout ce que j’ai traversé ».

Husseina & Hassana. PAM/Bruno Djoyo

Avec la recrudescence des violences en République Centrafricaine, le nombre de foyers de tension assistés par le PAM est passé de 7 en juin 2017 à 31 en mai 2018, soit 452 000 personnes affectées et nécessitant une assistance alimentaire d’urgence.

Vers 12h45, alors que la distribution est sur le point de se terminer, nous croisons Yaviké Khadija, une femme de 35 ans qui tient précieusement dans ses bras une partie des vivres reçus du PAM. « Mes filles sont orphelines depuis moins d’une semaine car leur papa qui s’était réfugié à Bambari suite aux incidents sécuritaires du PK5, afin de trouver un travail lui permettant de subvenir à nos besoins est malheureusement décédé » témoigne cette dernière.

Yaviké Khadija et ses jumelles de 03 ans. PAM/Bruno Djoyo

La crise humanitaire en République Centrafricaine reste complexe et multiforme, caractérisée depuis le début de l’année 2018 par un regain de violence qui s’est étendu dans des zones qui étaient considérées comme relativement stables. En avril 2018, l’on comptait 669 997 personnes déplacées à l’intérieur du pays et 582 377 réfugiés dans les pays limitrophes, soit un centrafricain sur 4 qui est soit réfugié, soit déplacé interne.

« Ce soir, mes filles pourront se délecter de la bouillie que je leur ferai avec les vivres que j’ai reçus », nous dit Khadija.

Pour répondre à la crise humanitaire qui secoue la République Centrafricaine le PAM a intensifié ses opérations d’urgence, passant de 241 000 à 614 000 personnes ciblées pour les distributions générales de vivres et de 25 000 à 53 252 enfants pour la prévention de la malnutrition.

Hussein et Hassan. PAM/Bruno Djoyo

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