République Centrafricaine : Un Mauvais Début D’année Pour des Milliers de Nouveaux Déplacés à Paoua.
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Ecrit par Bruno Djoyo
Une vague de nouveaux déplacés aux histoires poignantes a envahi les rues de Paoua dans la préfecture d’Ouham-Pendé après une recrudescence de violence dans cette partie de la République centrafricaine (RCA). Le Programme alimentaire mondial (PAM) fournit une aide alimentaire à plus de 70 000 personnes dans la région. Voici les histoires des personnes derrière ces chiffres. C’est le carnet de route de Bruno Djoyo.
Paoua située à 479 km au nord-ouest de Bangui qui connaissait une relative accalmie depuis 2016, est retombée depuis décembre dernier, dans de violents affrontements opposant les membres du groupe RJ (Révolution Justice) aux combattants du Mouvement national pour la libération de la Centrafrique (MNLC). L’impact sur les civils a été immédiat.
« J’ai entamé l’année 2018 dans les larmes et le deuil car mon père a été assassiné le 1er Janvier, sur le pont de Bémal à 52 Km de Paoua Axe Bétoko » raconte Ngaouram Célestine, jeune mère âgée de 20 ans.
« Mon père qui était le Chef du village Béboura 1 n’a pas eu droit à des obsèques dignes de son rang, car sa dépouille mortelle a été dévorée par des porcs » poursuit Célestine, le ton meurtri par ce qu’elle vit.
C’est comme si le sort s’acharnait à faire comprendre que non seulement les années se suivent et se ressemblent en RCA, mais les histoires aussi. Ngaro Marvin, âgé de 36 ans, a aussi perdu son père, lui aussi chef de village (Béogombo 1), tout comme celui de Ngaouram Célestine. Il a également été abattu selon les dires de Marvin, dans son champ à Bémal — 34 Km de Paoua, par des hommes à cheval qui semaient la panique.
« A cause de ces affrontements sanglants, nous n’avons pas pu aller récupérer son cadavre pour venir l’inhumer décemment » a-t-il conclu.
La conséquence directe de cette psychose suite à l’attaque des villages voisins est le flux des déplacés qui ne tarit pas dans la ville de Paoua. Ces hommes, femmes et enfants jonchent les artères de la ville avec des stigmates de la souffrance présents sur leurs visages et ont un besoin criard d’assistance humanitaire.
Le PAM a démarré des séries de distributions afin d’apporter assistance à plus de 70.000 personnes en situation d’urgence. Le PAM est en train de tout mettre en œuvre afin d’acheminer un maximum de vivres pour assister les personnes déplacées.
« Grâce aux vivres que nous avons reçu du PAM, je parviens enfin à nourrir mes deux filles. Les voir jouer une fois rassasiée, me réconforte malgré cette tragédie que nous vivons », nous témoigne Célestine, que nous avons rencontré lors d’une des nombreuses distributions que le PAM a organisé.
« Si le PAM ne distribuait pas ces vivres, je peux vous assurer que de nombreuses familles allaient mourir de faim » lance sourire aux lèvres, Ngaro Marvin, avec un sac de riz sur la tête.
Bien que répondant à la situation d’urgence qui prévaut, les équipes du PAM ont aussi des regrets. Depuis deux ans déjà, 80% des activités de soutien au marché des petits agriculteurs menées par le PAM en RCA étaient exécutés dans cette zone. Paoua était devenu le grenier de la RCA en matière de production d’arachide et de haricot.
« Cette situation nous désole car le bureau de Paoua était l’un des bureaux les plus stables où le PAM RCA envisageait entamer cette année de nombreuses activités de résilience », confie Mahoua Coulibaly, la chef du sous-bureau de Paoua. « Hélas, la situation actuelle vient faucher tous ces espoirs ».
Non loin du site de distribution une scène inédite se déroule. Des jeunes hommes se battent pour récupérer des cartons d’huiles vides estampillés du logo PAM.
« A la nuit tombée, ces cartons me serviront de natte, de lit sous l’arbre où mes parents et moi passeront la nuit à la belle étoile » explique Isaac, le vainqueur de cette bataille des cartons.
C’est aussi cela les réalités de cette ville depuis ce retour à la violence.