Ravagee par les conflits, une Centrafrique entre espoir et desespoir
La violence meurtrière de ces dernières semaines a déplacé (déraciné) des dizaines de milliers de personnes en République Centrafricaine, menaçant de réduire à néant les fragiles acquis de développement de l’un des pays les plus pauvres au monde. Malgré l’insuffisance des ressources et un déficit significatif de financement, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a mis en place une stratégie lui permettant d’intensifier ses opérations et d’élargir son assistance pour atteindre 100 000 personnes nouvellement déplacées qui ont désespérément besoin d’aide. Voici quelques-unes de leurs histoires.
Ornella Princia Npanga tousse, en décrivant comment les rebelles les ont chassées de leur maison. Sa famille et elle souffrent de paludisme et ont attrapé un rhume après avoir passé des jours à se cacher dans la brousse sous une pluie battante.
A leur retour, ils ont trouvé leur petite maison pillée et les proches qui n’ont pas pu s’enfuir tués. Aujourd’hui, perdue au milieu d’un bidonville constitué de cabanes en bois, leur « maison » est couverte d’un toit en toile, à l’instar de centaines d’autres éparpillées dans la cour de l’église catholique romaine locale.
“Nous n’avions rien à manger, jusqu’à maintenant”, dit Npanga, un jeune homme de dix-huit ans mince et fragile, assis à côté de grands sacs de haricots secs et de farine enrichie fournis par le PAM.
Juste à proximité, de jeunes hommes redistribuent soigneusement les vivres à une foule en attente. Les enfants jouent le long d’étroits chemins de terre jouxtant des égouts de fortune. Les femmes étalent quelques feuilles de manioc sur des bâches pour les faire sécher. Elles serviront à agrémenter les plats qui seront cuisinés avec les rations de vivres fournies par le PAM.
Les vivres étaient initialement destinés à nourrir environ 14 000 personnes. Mais entre la phase de planification et la livraison, le nombre de personnes déplacées a pratiquement doublé aux alentours d’Alindao, une petite bourgade constituée de huttes en briques avec des toits en chaume, nichée dans les plaines luxuriantes du sud de la République Centrafricaine. Le PAM est donc obligé de rationner la nourriture afin de pouvoir fournir des vivres à toute la population déplacée concentrée dans cette zone.
“Les gens s’inquiètent pour leur avenir” déclare Barnabe Ngedendji, agent du PAM chargé de surveiller la distribution de l’aide alimentaire à Alindao. “Ils ne peuvent pas se rendre dans leurs champs pour cultiver, ils ne peuvent pas mener une vie normale. Chacun veut retourner chez soi mais ce n’est pas possible.”
Ces préoccupations font écho à beaucoup d’autres recensées lors d’une récente visite du PAM dans les zones touchées par la dernière vague de conflits que traverse une Centrafrique où près d’un citoyen sur cinq est déplacé.
C’est la saison des pluies, et les agriculteurs devraient commencer à planter les semis en vue de la prochaine récolte. Mais de nombreux champs, situés le long de routes cahoteuses en terre battue, foisonnent d’un enchevêtrement de mauvaises herbes. Des villages entiers sont à l’abandon et parfois noircis par les incendies.
Dans la ville de Bangassou, la mosquée locale est en ruine. Les combats ont déplacé les chrétiens et les musulmans qui vivaient autrefois en harmonie. Certains ont traversé la rivière Mbomou à proximité pour chercher refuge en République Démocratique du Congo.
“Avant, nous vivions ensemble, nous partagions ce que nous avions”, déclare Abdoulaye Aladji, 24 ans, qui explique comment des milices venus d’ailleurs ont attaqué la ville et incendié sa maison familiale. Certains des combattants résidaient à Bangassou, dit-il.
“Nous les connaissons”, ajoute-il. “Ce sont nos voisins”.
“La situation est extrêmement complexe”, explique Abdoulaye Sarr, qui dirige le bureau régional du PAM à Bambari, situé à environ 350 kilomètres au nord de Bangassou. “Il faudra beaucoup de temps et de négociations pour trouver une solution”.
Autour de lui, les travailleurs chargent de gros sacs de vivres du PAM sur les camions en attente. L’assistance alimentaire sera envoyée dans des villes reculées qui, comme Bangassou et Alindao, sont ravagées par les conflits. Répondre aux besoins sans cesse croissants des populations affectées par les conflits est un défi sans cesse renouvelé pour le PAM, du fait du mauvais état des routes, des pluies diluviennes et l’insécurité.
De nombreuses personnes déplacées se sont réfugiées non loin du bureau du PAM à Bambari qui, jusqu’à présent, a été épargné par les combats. Les rues animées de la ville — où les marchands vantent leurs marchandises constituées de sandales en plastique, d’essence et des vêtements d’occasion — laissent entrevoir un avenir post-conflit plus prometteur.
A quelques kilomètres de là, Eric Gbolilda et sa famille élargie désherbent des terres qu’ils n’ont pas cultivées depuis deux ans. Trois chiens sommeillent sous un chaud soleil.
“Avant, il y avait trop d’insécurité pour cultiver”, dit-il. «Nous vivions de l’assistance fournie par le PAM».
Cette année, la famille Gbolilda plante des haricots, des arachides et du maïs. Ils sont reconnaissants pour les pluies abondantes et la tranquillité. Et ils espèrent que les deux dureront.
-Traduit par Maimouna Ndiaye