Retrouver son autonomie alimentaire : ne plus survivre mais se reconstruire

Bamon Christine habite à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Cette femme résiliente de 43 ans se bat pour que ses cinq enfants grandissent dans les meilleures conditions possibles et soient en bonne santé. Aujourd’hui à la tête d’un petit commerce de bananes, elle permet à ses deux aînés d’être scolarisés au lycée de Daloa, une ville du Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire. Une véritable victoire pour cette mère de famille seule à la tête du foyer et pour qui, fut un temps, il était difficile d’assurer ne serait-ce qu’un repas par jour. Avec beaucoup de pudeur et de sincérité, elle nous partage son histoire.

Portrait de Christine Bamon. Photo : WFP/Marie Dasylva

« Ma priorité a toujours été l’éducation et la santé de mes enfants. Aujourd’hui, je permets à mes aînés de passer leur baccalauréat en ville grâce à l’argent que je leur envoie pour l’hébergement et l’alimentation. Quand j’ai payé tout ça, il ne me reste pas grand-chose mais c’est ma responsabilité. »

Christine habite un petit village à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, non loin de la frontière avec le Libéria. A la suite de la crise post-électorale de 2011 elle s’est réfugiée avec ses enfants chez ses parents, avant de rejoindre le Libéria, en laissant derrière elle son mari et tous leurs biens. Avec le retour de la paix et de la stabilité, Christine et ses enfants rentrent en Côte d’Ivoire en 2013 par leurs propres moyens, avec l’espoir de reprendre le cours de leur vie. Après deux années loin de chez eux, Christine veut retrouver son foyer et son mari, et permettre à ses enfants de rattraper leur retard scolaire. Mais le retour s’avère être beaucoup plus difficile que prévu : la famille n’a plus de domicile, ni d’économies, ni de moyens de subsistance.

En effet, les rapatriés qui retournent dans leurs localités d’origine sont dans un état de vulnérabilité accru, ils peuvent difficilement subvenir à leurs besoins nutritionnelles et alimentaires, alors que la communauté qui les reçoit est déjà en insécurité alimentaire. A cette difficulté, la famille doit faire face à la disparition du mari de Christine qui est introuvable. Leur ancienne vie est définitivement résolue.

Christine, en compagnie de sa dernière fille et de son amie de longue date, Inès Ouo et sa fille,
devant le seul mur de sa maison encore debout. Photo : WFP/Marie Dasylva

« Quand la crise a commencé j’ai d’abord rejoint mes parents chez eux avec mes enfants. Une nuit, nous avons entendu les tirs tellement proches qu’avec mes enfants nous avons fui au Libéria, en espérant que mon mari nous rejoindrait plus tard. Mais il n’est jamais arrivé et aujourd’hui encore je me demande s’il a pu atteindre le Libéria, s’il est vivant, si lui aussi nous recherche. Mais je dois continuer d’avancer pour mes enfants et me battre. »

A leur retour, la famille est accueillie par un oncle de Christine, qui commence alors une activité de vente de bois pour pouvoir nourrir sa famille et inscrire ses enfants à l’école : un travail physique et éprouvant.

Trois ans après son retour, la communauté consciente des difficultés rencontrées par Christine l’informe de l’existence des activités de création de moyens de subsistance et génératrices de revenus mises en place par le Programme Alimentaire Mondial (PAM). Elle rejoint alors l’une des fermes avicoles du projet en 2016, après une formation sur les bonnes pratiques et la gérance communautaire. A la suite de la construction de la ferme, le PAM a mis à la disposition des 15 bénéficiaires de la ferme 250 poussins avec l’alimentation et les vaccins nécessaires pour démarrer l’activité. L’ensemble des participants ont reçu des kits alimentaires et / ou des transferts d’argent pour répondre à leurs besoins alimentaires et ceux de leurs familles dans l’attente des premiers gains. Après 30 jours, les premières poules ont été vendues, permettant aux 15 bénéficiaires de la ferme de dégager les premiers bénéfices, qui vont leur permettre d’agrandir la production. Les bénéficiaires ont également conservé une partie des bénéfices pour la création d’une deuxième ferme.

Christine dans la ferme avicole. Photo : WFP/Marie Dasylva

Les deux transferts d’argent reçus par Christine lui ont permis d’investir dans un commerce de vente de bananes douces pour compléter son activité au sein de la ferme. Progressivement, elle arrête son activité de vente de bois et scolarise ses deux aînés au lycée de Daloa, un peu plus au centre de la Côte d’Ivoire, tandis que les trois cadets fréquentent l’école du village.

« Mon message à toutes ces personnes en difficulté comme moi, est qu’il faut nous préparer à être autonome, et pour ça nous devons investir et profiter de l’appui du PAM pour faire de bonnes choses. »

Christine se bat désormais pour retrouver son autonomie totale alors qu’en 2016, 20 % de la population dans les régions de l’Ouest et du Sud-Ouest vivait en insécurité alimentaire avec des capacités d’adaptation et de consommation alimentaire sérieusement compromises et un accès à la terre compliqué. Les ménages doivent faire face aux pénuries alimentaires et non alimentaires, tandis que 25% ont une consommation alimentaire faible et modérée.

Compte tenu de la persistance de l’insécurité alimentaire au sein des populations vulnérables, en particulier les rapatriés récents et anciens, le PAM en collaboration avec le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (UNHCR), est venu en aide aux rapatriés et aux populations hôtes à l’Ouest de la Côte d’Ivoire, dans le cadre d’un programme de rapatriement volontaire (2013–2017). Pour subvenir aux besoins alimentaires et nutritionnels immédiats des rapatriés et les mettre à l’abris de la faim pour une période initiale de trois mois, des paniers alimentaires complets ont été distribués aux rapatriés dès leur retour en Côte d’Ivoire.

Distribution alimentaire aux bénéficiaires des activités FFA. Photo : WFP/Marie Dasylva
Distribution alimentaire aux bénéficiaires des activités FFA. Photo : WFP/Marie Dasylva

Parallèlement, en vue de rétablir les moyens de subsistance, renforcer la résilience et promouvoir la cohésion sociale au sein des communautés fragiles, le PAM avec l’appui d’une ONG locale (Développement Rural A l’Ouest — DRAO) a mis en place des activités génératrices de revenus, tels que des fermes avicoles, des étangs piscicoles, l’aménagement et réhabilitation de bas-fonds, et autres activités agricoles. Les participants reçoivent des kits alimentaires et / ou des transferts d’argent pour les épauler le temps qu’ils puissent s’auto alimenter.

Pour les bénéficiaires, c’est autant de nouveaux projets de vie que le début d’une reconstruction.

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Marie Dasylva
Histoires du Programme Alimentaire Mondial

@WFP communications associate in Côte d'Ivoire. Programme Alimentaire Mondial en Côte d'Ivoire #SDGs #zerohunger #ODD2