Travail, Nourriture & Argent : la voie vers l’auto suffisance-Mon voyage au coeur de la bande sahélienne.
Au Tchad, la région de la bande sahélienne subit sécheresses, pénuries alimentaires et malnutrition mais le Programme Alimentaire Mondial (PAM), grâce à un don de 500 000 Euros de la France, travaille avec les communautés locales sur des projets permettant de faire face à ces défis. Dans les régions du Batha et du Bahr el Gazel, plus de 3 000 personnes travaillent sur des projets où elles reçoivent de l’argent en échange du temps consacré au développement d’actifs communautaires qui bénéficieront à plus de 16 000 femmes, hommes et enfants. Je vous invite à me suivre pour découvrir ces projets.
Sur le site de Souka, 185 participants, hommes et femmes, ont participé à des travaux d’aménagements dont toute la communauté bénéficie.
Chacune des familles participantes reçoit un transfert en espèces de 1 200 francs CFA (environ 2 Euros) par nombre de jours travaillés. Le programme d’Assistance Alimentaire pour la création d’Actifs s’intègre dans la stratégie du PAM visant à aider les communautés vulnérables à s’éloigner de la dépendance vis-à-vis de l’aide alimentaire et à créer des actifs leur permettant de faire face aux chocs tels que la sécheresse.
Grâce a une diguette de 834 mètres et un bassin (appelé en terme technique déversoir) de 27 mètres sur 2 de profondeur, la surface cultivable pour les cultures de contre saison a pu être augmentée. Ces cultures sont réalisées après la saison des pluies au fur et à mesure que l’eau se retire.
Grâce à l’humidité du sol argileux, et sans qu’il soit besoin d’arroser, le béré-béré (sorgho blanc) va pousser pour être récolté en janvier. Il sera utilisé soit pour la consommation personnelle des familles,oit pour la vente. Un apport décisif avant la période de soudure de juin à septembre.
Souleymane Ahmat est âgé de 48 ans, il est père de 8 enfants. Il ne ménage pas ses efforts en creusant à la force des bras la terre qui va accueillir les jeunes pousses de béré-béré.
“Allahmdoulilah” (Dieu merci), affirme Souleymane dans un sourire.
“Le travail est dur mais le résultat nous encourage. Cette année, avec la construction de la digue, on a augmenté la surface d’exploitation de 2 500 mètres carrés”.
A 69 ans, Ahmat Adam a 4 femmes et 25 enfants. Cela fait 19 ans qu’il travaille sur ce terrain, c’est la première fois qu’il voit une aussi grande surface cultivée.
“Grâce à cet apport, nous avons pu nous nourrir convenablement mais nous avons également pu acheter des chèvres, des poules, des habits pour les enfants”. Ahmat poursuit : “Nous sommes très contents, la communauté s’est rapprochée, nous sommes plus soudés, déterminés à poursuivre sur cette lancée et à aménager encore plus de terrain ».
“Notre priorité est de pouvoir assurer notre autosuffisance alimentaire mais aussi d’accroitre l’alphabétisation des enfants. Actuellement, les enfants fréquentent uniquement l’école coranique, avec les bénéfices réalisés nous pourrons les envoyer à l’école.”
A 59 ans, Dougah Abdoulaye est mère de 9 enfants. Elle aussi a bénéficié des distributions de cash et elle aussi a choisi d’investir dans l’achat de chèvres et volaille. Sans oublier les repas qu’elle a pu diversifier :
“ On a pu préparer des menus variés avec de la viande, du poulet, de l’huile, du riz, des tomates, du piment…” se réjouit Douga.
A quelques kilomètres de là, le site de Rassal Fil où, grâce aux travaux réalisés par la communauté, la surface emblavée est passée de 45 à 70 hectares. Les participants ont même dépassé les objectifs fixés : prévue pour s’étendre sur 400 mètres la digue atteint une longueur de 900 mètres.
Alio Souleymane, le chef du groupement, affiche sa détermination :
“On ne va pas s’arrêter là”.
Un optimisme tempéré par une menace. Cette menace, qui prend la forme insidieuse d’une chenille, a été cette année la cause de nombreux dégâts dans les cultures au Tchad et dans d’autres pays en Afrique.
Mais le chef de village Adef Alassane se montre combatif:
« Nous devons sauver la récolte sinon ça risque d’être dur ».
Fatimeh Abderrahmane, 40 ans, 8 enfants constate:
« Quand on a faim on ne peut pas travailler mais grâce à l’argent reçu en échange de notre travail j’ai pu acheter des volailles, elles sont en train de se multiplier et c’est vraiment très positif pour l’avenir”.
Amleh Adam, la quarantaine, affirme non sans humour :
“Cela faisait des années que je voyais des chèvres chez les autres et jusqu’à maintenant jamais je n’avais pu m’en procurer. Et bien pour la première fois j’ai pu m’acheter une chèvre ! Et elle vient de mettre bas et vous ne devinerez pas : ce sont des jumeaux ! Je peux donner son lait aux enfants” !
Nous reprenons la route et après une trentaine de minutes je découvre sur le site de Zobo une véritable oasis de verdure parsemée de manguiers, papayers, citronniers.
Ce site est géré par groupement féminin créé en 2014 dont la présidente est Sadia Ali, 40 ans, 10 enfants. Plus de 160 femmes sont impliquées.
Un puits, des canaux d’irrigation, une pompe : l’autonomie est complète et les résultats sont visibles.
Halim Abderassoule, la cinquantaine, est très fière:
“Nous contribuons chacune a la caisse commune à hauteur de 250F CFA par mois : cela nous permet de nous entraider. Moi-même j’ai pu acheter de la nourriture mais aussi un âne et des cahiers pour les enfants.”
Comme le constate Sadia, la présidente :
“Nous comptons sur nos propres forces, nous pouvons nourrir nos familles, vendre le surplus, acheter des médicaments si nécessaires. Nous avons aussi un foyer amélioré qui nous permet d’économiser le bois de chauffe : la cuisson est plus rapide, la même quantité de bois dure 1 semaine au lieu de 3 jours”.
Ces foyers améliorés commencent à se multiplier : dans le village voisin d’Amdjoufour tous les ménages en possèdent au moins un.
Une touche finale, pour achever mon périple, avec la photo de famille a Bregue Birguit. Ici un magasin communautaire a été construit : il va permettre d’entreposer en toute sécurité les récoltes de sorgho en attendant de vendre les précieux sacs ou de consommer les céréales…
Texte & Photos: WFP/Nathalie Magnien
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