Une nouvelle crise menace les réfugiés Rohingyas à l’occasion d’un sinistre anniversaire
La saison des moussons pose de nouveaux défis pour les personnes vivant dans les camps situés à la frontière du Bangladesh
À l’occasion de l’anniversaire des six mois de la crise des réfugiés Rohingyas, Laura Philips, chargée de l’information au bureau du Programme Alimentaire Mondial (PAM) au Bangladesh, alerte sur les nouveaux dangers qu’annoncent la prochaine mousson et la saison des cyclones. Laura, présente à Cox’s Bazar depuis octobre dernier, nous explique comment la situation a changé depuis son arrivée.
Avec la mousson qui approche, quelle est la situation dans les camps et que pouvons-nous faire pour le désengorger et y améliorer l’accès ?
Le camp principal de Kutupalong et les autres camps improvisés sont surpeuplés, avec la multiplication des abris installés sur les pentes raides des sites. Le paysage est celui d’un océan de bâches ondulées qui n’en finit pas, laissant deviner le manque d’espace et d’intimité dans lequel les Rohingyas vivent.
La saison de la mousson, attendue pour les mois prochains, va augmenter les défis auxquels les camps de réfugiés devront faire face. Le PAM travaille ainsi à renforcer ses capacités logistiques et techniques, aux côtés de partenaires tels que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour réduire les risques d’inondation et de glissement de terrain.
Grâce à mon expérience dans le domaine de l’environnement, j’ai pu aider lors des débriefings avec les ingénieurs et experts en logistique. En arrivant à Cox’s Bazar, je n’aurais jamais cru que mes connaissances en érosion des sols, stabilisation des pentes et réhabilitation des terres me seraient utiles. Mais en regardant les abris, je pouvais voir où et comment les terrains seraient touchés. Comme on a pu le voir depuis le début de la crise, les moindres précipitations suffisent à entraîner des terrains glissants, des crues rapides et, principalement, des bains de boue.
“Nos ingénieurs font une course contre la montre pour construire des ponts et des routes”
Nos ingénieurs sont dans une course contre la montre pour construire des ponts et des routes, renforcer les terrains instables et les différents sites contre les vents violents. Nous étudions différentes options afin de porter secours au plus grand nombre possible de réfugiés au cas où les sites deviendraient inaccessibles, y compris en ayant recours à des porteurs et au stockage de la nourriture au plus proche des communautés.
À long terme, nous allons devoir répondre aux effets de la déforestation — les camps se trouvent sur un terrain qui était autrefois recouvert par la forêt, où 350 éléphants flânaient dans leur habitat naturel. Le défrichement de cette forêt a laissé la terre nue, exposée et vulnérable aux risques naturels et à la dégradation des terrains.
Des opérations telles que la plantation d’herbe à vétiver — un type de plante qui permet de stopper l’érosion des sols — et la mise en place de système de cultures en couloirs — où des rangées d’arbres sont plantées avec un large espacement, dans lesquels nous pouvons y cultiver différentes plantes — nous permet de stabiliser les sols, assurer un réseau radiculaire important, et améliore l’écoulement et l’évacuation des eaux, limitant la vulnérabilité des terres aux aléas météorologiques.
Qu’avez-vous constaté à votre arrivée à Cox’s Bazar ?
C’était chaotique, une véritable tempête. Les routes de Kutupalong et les camps de fortune étaient parsemés de vêtements, jetés des camions par des personnes essayant de les aider. Des familles ne sachant où aller étaient disséminées sur les bords de route. C’était un océan de visages confus, de désespoir et d’enfants en pleurs. Il était évident que ces personnes venaient de subir un terrible traumatisme, et que répondre à leurs besoins nécessiterait une aide et des ressources massives.
En atterrissant à Cox’s Bazar, j’ai dû m’y retrouver dans un amas d’informations. Les gens arrivaient par milliers. Ainsi, déterminer les lieux où ils s’installaient et collecter ces informations pour lancer l’intervention du PAM était une tâche immense.
Avez-vous constaté des progrès ?
La situation s’est stabilisée, et le personnel du PAM, la réponse et la couverture ont considérablement augmenté.
Nous avons désormais 19 points de distribution de nourriture où les familles reçoivent 30 kilos de riz, 9 kilos de légumineuses et 3 litres d’huile. Afin de répondre aux taux élevés de malnutrition, les femmes enceintes et allaitantes, ainsi que les enfants de moins de 5 ans, quel que soit leur état nutritionnel, reçoivent un porridge spécialement enrichi en nutriments.
Le PAM remplace également progressivement les distributions de nourriture en nature par les bons électroniques qui peuvent être utilisés dans les commerces agréés du PAM dans les camps, donnant la liberté aux réfugiés de choisir une alimentation diversifiée et de conserver leur dignité.
“Nous espérons pouvoir fournir à tous les réfugiés des bons électroniques d’ici la fin de l’année 2018”
Les personnes vivant dans les camps sont inscrites sur les plateformes d’enregistrement du PAM grâce aux données biométriques, pour que nous puissions assurer une assistance adaptée aux besoins de tous. Nous espérons pouvoir fournir à tous les réfugiés des bons électroniques d’ici la fin de l’année 2018.
Par ailleurs, ces six derniers mois, notre travail est passé d’une réponse d’urgence à des projets sur un plus long terme, y compris des travaux d’ingénierie afin d’améliorer l’accès aux camps et encourager l’utilisation d’énergies renouvelables. Alors que les femmes et les enfants doivent marcher pendant des heures afin de ramasser du bois à brûler, qui les expose à de nombreux risques, le PAM et ses partenaires mettent en place un projet de gaz de pétrole liquéfié (GPL) qui concernerait 18 000 familles Rohingyas dans les camps. Le PAM vise à ne plus dépendre du bois de chauffage d’ici la fin 2018.
À l’aube de la prochaine mousson, le PAM intensifie ses mesures de préparation et recrutera des réfugiés Rohingyas pour différentes activités — y compris les travaux de drainage, de réhabilitation, d’amélioration des accès routiers et de pré-positionnement des provisions— qui atténueront les effets des phénomènes météorologiques les plus extrêmes.
Depuis août 2017, plus de 688 000 Rohingyas ont fui la Birmanie pour trouver refuge au Bangladesh. Grâce aux efforts coordonnés du Programme Alimentaire Mondial (PAM), des organisations locales et internationales ainsi que du gouvernement du Bangladesh, des centaines de milliers de réfugiés ont ainsi pu recevoir de la nourriture vitale, de l’eau, un abri, des soins de santé et des services de protection.
Pour en savoir plus sur le travail du PAM auprès des réfugiés Rohingyas au Bangladesh, cliquez ici.
Initialement publié sur insight.wfp.org le 23 février 2018.