Quand les déchets débordent
Nous vivons dans un contexte où l’écologie prend une place importante dans la société, où nous sommes de plus en plus sensibilisés à la notion de recyclage et de fait, la fréquentation des déchèteries est en augmentation. Comme le montre une étude de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui a recensé plus de 4 620 sites de déchèteries publiques en France en 2013, leur nombre a été multiplié par 12 en 25 ans. Cela dit, les nombreux passages journaliers en déchèterie provoquent des problèmes d’organisation et de gestion des déchets. Des usagers, qu’ils soient particuliers ou professionnels, se plaignent des queues abondantes à l’entrée de certaines infrastructures, de la mise en place de charges selon les quotas de dépôt de déchets, ou encore des modalités d’accès contraignantes (beaucoup de paperasse).
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il existe différents freins à l’utilisation des déchèteries.
Les professionnels sont les premiers concernés par les modalités d’accès aux centres de tri et de traitement des déchets, comme les horaires de dépôt.
“Une fois notre journée de travail terminée, impossible de trouver une déchèteries ouverte après 18H30”.
Or, certains sont obligés de décharger leur camion s’ils veulent pouvoir reprendre le travail le lendemain. Ils se redirigent alors parfois vers des zones de dépôt illégales.
Concernant les particuliers, il est alors question de contraintes d’accès car certaines déchèteries requièrent différents papiers administratifs et une demande de badge qui peuvent freiner les potentiels usagers.
“Mon frigo est tombé en panne il y a quelques mois (…) la déchèterie était le seul moyen de m’en débarrasser (…) une fois arrivé là bas, j’ai dû faire demi-tour pour aller chercher de la paperasse à la maison et revenir récupérer un badge d’accès (…) tout ça pour un dépôt (…) alors que je ne m’y rend que très rarement.” a déclaré Arnaud, utilisateur ponctuel de sa déchèterie communale.
Une mer de déchets au portes de Paris ?
De ce fait, certains se débarrassent de leurs déchets illégalement, en les abandonnant dans des plaines, créant des déchèteries sauvages et donc illégales. L’une des plus importantes connues de nos jours, se trouve dans une plaine qui s’étend de Carrières-sous-Poissy, à Triel-sur-Seine et Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines. Elle a vu le jour il y a une dizaine d’années et ne cesse de grandir depuis. Avec une superficie de 25 hectares, équivalente à 7 terrains de football, la plaine rassemble presque 8 000 tonnes de déchets. On y retrouve certaines dunes de plus de 2 mètres de haut de déchets de tous types, dont des déchets toxiques comme de l’amiante. Cette zone de dépôt suscite alors de nombreux problèmes, notamment environnementaux. La principale problématique porte sur la fertilité des terrains mais le bien être des habitants aux alentours est également en jeu.
La RSNE, Rives de Seine Nature Environnement, une association de protection de l’environnement qui intervient sur cinq communes des Yvelines, lutte depuis plusieurs années contre le développement de cette déchèterie sauvage. “Les infrastructures inadaptées aux professionnels encouragent les usagers à se débarrasser de leurs déchets de façon illégale (…) une pratique aux conséquences néfastes pour l’environnement.” a-t-elle déclaré. Les déchets de cette décharge sauvage proviennent de multiples sources mais à 90% de chantiers parisiens.
Si des déchets de particuliers se sont ajoutés à la pile, c’est par exemple dû à des démarches administratives contraignantes que nous avons évoquées plus haut. En effet, la déchèterie réservée aux particuliers demande la création d’une carte pour y accéder, ils préfèrent alors déposer leurs déchets au bord de la route lorsqu’ils aperçoivent ceux déjà présents.
L’association a une explication à de tels volumes de déchets : “Un réseau s’est mis en place pour traiter les déchets issus de chantiers parisiens car les déchèteries professionnelles sont insuffisamment calibrées et pas assez présentes sur le territoire”. Face à une multitude de chantiers en cours, notamment le Grand Paris comme nous l’expliquait un des membres de la RSNE, les structures ne peuvent accueillir de telles quantités de déchets. De plus, les horaires sont inadaptés et empêchent les professionnels du bâtiment de décharger leurs camions à la fin de la journée et le coût que cela implique est dissuasif.
Elle ajoute que malgré une loi qui oblige les distributeurs de matériaux de construction de mettre en place des filières de recyclage de leurs matériaux, rien n’y fait, car “l’Etat ne la fait pas appliquer”. C’est pourquoi elle affirme que la première étape pour limiter ces dépôts sauvages serait de “faire tout simplement appliquer la loi”, puis “d’inciter les communes concernées à débloquer le budget” nécessaire pour la dépollution de ces zones.
Des solutions envisageables ?
De nouvelles alternatives au traitement des déchets apparaissent. Certaines infrastructures utilisent le biogaz et peuvent ensuite l’utiliser pour produire de l’énergie.
Il est produit naturellement par la fermentation de nombreuses matières organiques, issues par exemple des déchets ménagers. La méthanisation des déchets fournit ainsi chaleur, électricité ou encore carburant. Les ordures sont compactées puis déposées dans des fosses recouvertes de plusieurs mètres de terre et sont parcourues par des drains horizontaux, qui collectent le biogaz, et verticaux, qui l’amènent à la surface.
Benoît Roche, Directeur Technique et Grands Projets chez Dalkia Biogaz, acteur au coeur de ce processus, s’est exprimé sur la problématique du traitement des déchets. Selon lui, “Le biogaz peut être une alternative pour le traitement d’UNE PARTIE des déchets” car, en effet, cette technique nécessite de des déchets composés de matière organique. Jusqu’à maintenant les communes utilisaient généralement des centres d’enfouissement mais le biogaz permet de capter et stocker le méthane produit et de le transformer en énergie : un processus alors rentable. Cependant, ce n’est pas une solution pour la plupart des professionnels, car, seuls les cantines, la restauration et l’industrie agroalimentaire peuvent en bénéficier.
Benoît propose alors d’autres pistes de solutions. Premièrement, faire appliquer les lois et plus particulièrement les lois comme la DEEE, ce qui permettrait de limiter les dépôts sauvages. De plus, certaines collectivités ont décidé d’ouvrir gratuitement leur déchèterie aux professionnels pour les encourager à se débarrasser de leurs déchets de façon légale. Cependant, l’argent doit alors être prélevé sur les impôts des professionnels ainsi que sur ceux des habitants de la commune.
La régularisation de l’accès et de l’utilisation des déchèteries est donc une problématique non négligeable pour la préservation de l’environnement. Certaines solutions sont envisageables et sensibiliser la population et les pouvoirs publics permettraient peut-être de faire bouger les choses.
Les décharges sauvages, résultat d’une mauvaise gestion et utilisation des déchèteries doivent être régulées et dépolluées car leur impact est bien trop néfaste pour la planète et le bien être de l’Homme.
Rédigé par Manon PIETTE, Joséphine BACH, Hugo WOGUEM et Solène PELAT
** Article réalisé dans le cadre d’un exercice pédagogique de reportage avec des étudiants en première année.**