Comment j’ai survécu à mon premier Design Sprint ?

Manila Vanisaveth
Le Laptop
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7 min readJun 19, 2019

J’ai survécu à mon premier Design Sprint de cinq jours version Laptop ! Le mot peut vous sembler fort, mais je vous promets, cette expérience était riche en émotions ! Cinq jours pour définir le bon problème, générer des idées, prototyper une interface et la tester auprès d’utilisateurs.

Enthousiasmée par la lecture de Sprint de Jake Knapp, je suis intriguée. Impression confirmée lors du dernier Meetup sur le Design Sprint au Laptop. Un témoignage m’interpelle : « Je ne peux vous dire qu’une chose, vivez-le et vous comprendrez ! » explique-t-elle avec une émotion. Il n’en faut pas plus pour me convaincre ! Ma semaine de Design Sprint est bloquée. Je suis prête à vivre cinq jours intenses et à pratiquer sur un cas concret.

JOUR 1 — S’immerger dans le sujet

Je vous plante le décor. Dix-sept inconnus rassemblés autour d’une problématique commune : FranceConnect. Notre matinée est consacrée à la compréhension du service. Après un rapide sondage, je comprends qu’une personne sur deux l’a adopté dans mon entourage, comme 9 millions de Français. Je ne l’ai jamais utilisé. La cliente nous explique sa problématique : pourquoi seulement 62,5 % des authentifications via le bouton FranceConnect aboutissent ? Nous la questionnons pour nous assurer qu’il s’agit du bon problème à résoudre. Réflexe de designers, nous créons un service map à l’aide de post-it pour exposer toutes les étapes du parcours. Nous pouvons définir l’enjeu de FranceConnect (business challenge) : Comment pourrions-nous simplifier la compréhension du service FranceConnect alors que ce service est encore méconnu ?

Création de notre service map

L’après-midi s’avère révélatrice pour comprendre les attentes des utilisateurs. Sur 5 utilisateurs interviewés, aucun ne connaît FranceConnect. La claque ! Nous sommes loin des 50 % d’utilisateurs de mon cercle ! Suite à ces retours d’expérience, nous créons des empathy maps, une cartographie des usages, freins et attentes des utilisateurs. L’un des points communs identifié est clair : la méconnaissance du service. J’ai envie de comprendre pourquoi.

Interview et empathy map de Sophie

Après ces premiers apprentissages, nous formons quatre groupes aux profils complémentaires avec pour mission de réaliser quatre prototypes. Il est temps d’utiliser le fruit de nos recherches utilisateur.

La méthode du How might we ? ou Comment pourrions-nous… Nous aide à reformuler les freins sous forme de questions pour réfléchir aux opportunités et solutions. Nous identifions trois axes principaux :

  • Expliquer simplement le service
  • Faciliter son utilisation
  • Sécuriser l’utilisateur
Quelques exemples de How might we… ?

Pour l’utilisateur, nous pourrions poser le problème ainsi (design challenge) : Face à la multitude de sites, comment pourrions-nous aider l’utilisateur à se connecter simplement et en toute sérénité pour faciliter ses démarches ?

Bilan : une journée riche en informations et surtout l’impression d’avancer vite pour trouver des solutions.

JOUR 2 — Déclic pendant la journée d’idéation

J’ai passé la soirée avec des tonnes d’idées en tête. Je suis prête à me lâcher. La journée commence par un benchmark pour trouver l’inspiration et esquisser nos idées. Nous testons plusieurs méthodes d’idéation comme le crazy 8 qui consiste à croquer 8 idées en 8 minutes et c’est un beau challenge. Ensuite, je développe MA meilleure idée en 5 minutes, je suis plus à l’aise. Je prends conscience du rôle de nos trois facilitateurs face aux frustrations de 17 participants. Il faut accepter de lâcher prise pour avancer. Lorsque chacun présente son idée au groupe, je réalise la valeur du temps de création individuel. Nous choisissons ensuite les meilleures idées pour concevoir notre solution : FranceConnect est une solution qui permet aux Français d’avoir une identification numérique unique et sécurisée pour faciliter l’accès à̀ tous les services publics et partenaires privés.

Les phases d’idéation

En deux jours, nous avons déjà notre storyboard. Le meilleur est encore à venir !

JOUR 3 — Comment nous avons produit 4 prototypes en une journée ? (Je n’en reviens toujours pas !)

Un peu touchy comme journée. Nous devons réaliser notre prototype. La pression s’installe. Elle est plutôt motivante. Nous détaillons toutes les étapes du parcours en wireframes, les croquis de chaque page. En quatre heures, notre prototype papier est suffisamment convaincant pour un premier crash test. C’est un exercice que j’aimerais tester lors d’ateliers que je pourrais animer. Maintenant, nous réalisons notre prototype sur le logiciel Sketch.

L’interface n’est pas parfaite, mais elle suffisamment aboutie pour que l’utilisateur ait l’impression d’utiliser un véritable site. Les facilitateurs veillent à ce que nous nous répartissions équitablement les tâches. C’est à la fois effrayant et excitant de voir le projet se réaliser sous nos yeux, en à peine trois heures. L’un des enseignements de nos tests : l’utilisateur ne comprend pas qu’il peut utiliser son identifiant Ameli pour se connecter au site des impôts. Pour lui, c’est confus. Notre parti pris : créer un identifiant unique grâce à FranceConnect. Nous mettons davantage en avant le bouton FranceConnect sur le site des impôts par rapport à l’identification classique. L’utilisateur est ensuite invité à créer son identité numérique unique sur une plateforme dédiée. Plus besoin de noter tous ses codes, FranceConnect permettrait alors de se connecter rapidement via son identifiant et un code de sécurité unique reçu par SMS.

Du wireframe au prototype de l’interface

À la fin de ce troisième jour, nous avons quatre prototypes à tester. Quelques heures de plus pour les fignoler et nous sommes prêts pour la phase de tests.

JOUR 4 — La réalité des tests utilisateurs

Plutôt impatiente par cette journée de tests. Nous avons la matinée pour préparer notre grille d’entretiens qui permet de valider ou non nos hypothèses : les utilisateurs cliqueront-ils sur le bouton FranceConnect ? Leur donnerons-nous envie de choisir FranceConnect plutôt que le mode d’identification classique ? Nous avons 1 h 30 chrono pour tester notre prototype avec Virginie et Fiona. C’est court, mais il faut faire avec les contraintes ! Nous menons les tests en équipe. Je me charge des interviews. Je suis attentive aux réactions et aux émotions. Mes partenaires sont maîtres du temps et interviennent quand des précisions sont nécessaires.

Résultat des tests. Déroutant ! Virginie ne se dirige pas comme nous l’avions imaginé vers le bouton FranceConnect. “Il faut que ça aille vite !”. Elle ne veut pas changer ses habitudes. Voilà un point à améliorer lors d’une prochaine itération. À l’inverse, Fiona est intriguée par le bouton FranceConnect mais n’a jamais déclaré ses impôts (c’est le site sur lequel nous avons choisi de réaliser notre prototype). Elle se montre curieuse et clique. Au final, elles donnent une moyenne de 7 sur 10 à ce service d’identification numérique unique. Sans se concerter, les quatre équipes ont proposé la création d’une identité numérique unique FranceConnect pour faciliter les démarches administratives des utilisateurs. Le client est présent lors des tests et nous apprend qu’un tel projet est irréalisable pour des raisons de sécurisation des données et dans le délai imparti. Gros coup de stress ! Je rentre à moitié sereine.

JOUR 5 — Comment gérer la restitution au client quand nos projets s’avèrent irréalisables ?

Cette nouvelle journée s’annonce compliquée après la révélation de la veille. Nos facilitateurs désamorcent la crise. Certes les prototypes sont impossibles à développer en l’état, mais les tests apportent des éclairages importants. Même si le sprint ne nous a pas aidés à résoudre la problématique de départ, il a permis d’apprendre qu’au-delà de la compréhension du service, il faut le rendre beaucoup plus clair et visible. C’est ce que nous soulignons lors de la restitution au client.

Restitution de toutes les étapes : recherche, idéation, prototypes et tests utilisateurs

Ce que je retiens : le Design Sprint est obsédant !

Je l’avais à l’esprit jour et nuit. Passant par plusieurs phases pendant ces cinq journées. L’enthousiasme du défi. Les questions qui reviennent sans cesse. Le doute qui s’installe, rapidement balayé par la dynamique et la bienveillance collective. Je comprends la nécessité de prendre du recul sur soi, son équipe et le projet. Et comment faire d’une contrainte de temps un allié. J’étais déçue d’apprendre à la fin que notre solution est impossible à concevoir. De plus, ne pas avoir l’occasion de retravailler sur le projet pour aboutir à une proposition réalisable était frustrant. Mais dans notre cas, c’était la règle du jeu ! Cette version du Laptop est différente de celle de Jake Knapp, notamment les interviews du Jour 1 pour comprendre nos utilisateurs. Avoir vécue l‘expérience me motive à utiliser cette méthode. Mon prochain défi : animer un Design Sprint !

Crédits Photos Pauline Thomas @ Le Laptop

Pour aller plus loin :

Lectures . Sprint : Résoudre les problèmes et trouver de nouvelles idées en cinq jours de Jake Knapp, Braden Kowitz, John Zeratsky

Gamestorming : Jouer pour innover. de James Macanufo, Sunni Brown, Dave Gray

Prochaine Formation Design Sprint du Laptop : 30 septembre au 4 octobre 2019

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Manila Vanisaveth
Le Laptop

I’m a UX enthusiast : strategist, researcher, designer