John Zeratsky, co-créateur du Design Sprint : “Au début, les gens étaient enthousiastes parce que ça venait de Google”
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C’est chez Google que le Design Sprint voit le jour. Jake Knapp organise des ateliers de créativité et des brainstormings. Il comprend rapidement que les meilleures idées viennent autrement. Ses collègues de Google Ventures, parmi lesquels John Zeratsky et Braden Kowitz l’aident à la tester et à l’améliorer en travaillant avec de jeunes startups qu’ils financent alors comme Slack et Blue Bottle Coffee. Voici l’histoire du Design Sprint.
J’ai toujours aimé réaliser des projets. Travailler par moi-même. Enfant, je fabriquais des choses. La musique et l’art m’ont toujours plu. J’aime concevoir des projets qui récompensent la concentration ininterrompue et offrent des résultats à la fin. À l’université, j’ai commencé à travailler dans le journal du campus. C’était mon introduction au design. Tous les jours, nous passions par le processus de conception d’un quotidien. À la fin de la journée, je voyais le résultat de mon travail. Finalement, je me suis dit qu’au 21e siècle, je ne devrais peut-être pas me concentrer sur les journaux. Je me suis lancé dans le web design au sein d’une start-up.
Des process à rallonge
J’ai vite remarqué que le processus de conception devenait de plus en plus lent. Il nous fallait quelques mois pour passer de l’idée à la conception, puis à la réalisation de tests utilisateurs. Puis la startup pour laquelle je travaillais a été achetée par Google en 2007. J’étais sur un produit publicitaire très compliqué. À présent, le processus de conception prenait encore plus de temps. Il a fallu environ un an pour mener à bien ce projet. Et j’ai travaillé sur Youtube sur le nouveau design de la plateforme. C’était la première fois que nous introduisions la notion de chaînes sur Youtube. Avant ça, c’était juste des vidéos et des playlists. J’ai vraiment commencé à comprendre le design et les moyens d’accélérer les processus chez Google Ventures.
De consultant à facilitateur
Après un investissement, j’allais dans l’entreprise et je leur apportais mon aide en tant que consultant. J’utilisais mes compétences de designer et de rédacteur pour les aider à atteindre leurs objectifs. Au début, je pensais que je serais l’expert et lorsque je me rendrais dans une startup, je leur dirais quoi faire. J’ai vite compris que ce n’était pas une approche qui allait fonctionner sur tous les projets. Parfois, j’avais une bonne idée mais pas tout le temps. Je me suis rendu compte en passant d’une entreprise à une autre que je voyais de plus en plus de schémas. Je cherchais un système qui nous permettrait d’entrer dans n’importe quelle entreprise et d’être confiant que nous serions en mesure de les aider. Il ne fallait pas se fier à nos seules expériences de designers. J’ai vite compris que les compétences que j’avais en tant que designer et ma capacité à prendre une idée, la concrétiser et la présenter aux clients pouvaient aider toute entreprise à prospérer, même si elle ne se voyait pas comme une entreprise de design ou orientée design. C’est à cette époque que j’ai rencontré Jake (Knapp, ndlr). Jake commençait à expérimenter une méthode qu’il appelait le Design Sprint. À l’époque, il n’en avait fait que quelques-uns. C’était une manière de ne pas apporter des réponses toutes faites à ces entreprises, mais de les aider à trouver leurs réponses par elles-mêmes. Ça correspondait à ce dont nous avions besoin.
Concevoir le Design Sprint itération après itération
Jake était enthousiaste à l’idée de rejoindre l’équipe de Google Ventures et d’expérimenter. Permettre d’essayer continuellement des choses. Nous faisions des ajustements et nous affinions le processus du Design Sprint afin d’être sûrs qu’il fonctionnerait pour toutes les entreprises, dans tous les environnements. Quand Jake s’est joint à nous, nous étions trois. Il y avait Braden, qui était le chef d’équipe. Michael qui était chercheur et, moi. Le rôle de Michael était très important parce qu’il avait beaucoup d’expérience dans les entretiens utilisateurs et nous savions que pour que le Design Sprint soit utile, nous devions finir la semaine avec un test utilisateur. Il s’agit de prototyper très rapidement ce que vous présenterez à un client, mais cela peut prendre des semaines, voire des mois pour planifier un projet de recherche standard. Michael a donc été précieux parce qu’il a trouvé un moyen d’accélérer ce processus et nous permettre de terminer chaque sprint par un test. Braden et moi avions déjà travaillé avec des startups. Nous comprenions ce qui importait pour eux. Leurs préoccupations. Jake, Braden et moi sommes devenus un trio qui collaborait sprint après sprint. Nous tirions parti de nos expériences pour améliorer ce processus.
Design Sprint : pourquoi commencer par 5 jours ?
Beaucoup de gens voient la méthode de cinq jours et disent, “Whoa, c’est cinq jours ! Comment faire ? Comment allouer cinq jours ?” Nous pensons que c’est la bonne façon de faire, car nous avons expérimenté beaucoup de formats. On a fait des sprints de trois jours, des sprints de deux semaines. On a même fait des sprints d’un mois. Le processus de cinq jours est, à notre avis, une très bonne formule pour commencer. C’est comme si vous deviez cuisiner un nouveau plat. Vous trouvez une recette. Si vous la suivez étape par étape, vous obtiendrez un bon résultat. Une fois que vous l’avez réalisé plusieurs fois, vous commencez à l’ajuster et à la faire vôtre. Il est très important que les gens commencent par les cinq journées.
Design Sprint : le phénomène
J’ai été très surpris du chemin parcouru par le design sprint. Sur le site, il y a des histoires du monde entier, des gouvernements, de grandes entreprises, de plus petites entreprises et des associations à but non lucratif. C’est incroyable parce que nous avons développé cette méthode pour les start-ups technologiques, et nous savions qu’elle était utile pour toutes les entreprises. Mais nous n’imaginions pas jusqu’où elle se propagerait. Je pense qu’au début, les gens étaient enthousiastes parce que ça venait de Google et de la Silicon Valley. C’était un moyen qui les aiderait à être plus efficaces et peut-être plus innovants. Mais ce que j’entends beaucoup quand je donne des conférences sur le sprint ou que j’enseigne la méthode, c’est qu’ils apprécient la manière dont ça leur permet de se couper des comportements automatisés que l’on a souvent au travail. Vous savez, tous les e-mails et les réunions. Avoir l’impression que l’on n’a pas le temps de se concentrer sur ce qui compte vraiment. Le design sprint leur permet de mettre de côté ces modes “par défaut” en se focalisant sur le travail qu’ils veulent réaliser. C’est quelque chose qui est devenu important pour ceux qui adoptent le design sprint.
Il y a toute une communauté qui réalise des sprints et l’adaptent à leurs besoins. Je pense que l’idée de base qui consiste à travailler plus efficacement pour construire un prototype et le tester avec les clients ne doit pas changer. C’est essentiel. Mais il y a des parties de la méthode où nous nous sommes appuyés sur nos capacités de facilitateurs. Pour faire une cartographie le lundi, où nous schématisons le processus d’interaction d’un client avec notre produit ou notre service. Réaliser un story-board, où nous combinons tous. Les croquis qui ont obtenu le plus de votes pour faire un plan pour le prototype. Tout ceci commence par un tableau blanc. Nous étions à l’aise devant ce tableau blanc et nous avons choisi de nous exprimer par le dessin, mais beaucoup de gens ne sont pas à l’aise avec ça. Il y a donc eu d’excellentes contributions de la part de la communauté Design Sprint, de nouvelles façons d’aider à démarrer avec la carte et le story-board. Ils s’appuient sur d’autres techniques du Sprint. Sur l’idée des notes et du vote par exemple, qui est une technique où chaque personne travaille individuellement et contribue ensuite à son idée. Puis, il y a un tour de scrutin rapide pour déterminer quelles sont les meilleures idées du groupe. Ce sont deux ou trois choses que nous n’avions pas anticipées et qu’il fallait changer. Je suis vraiment heureux que les gens aient pu contribuer avec leurs propres idées.
Pour aller plus loin
Lire — Sprint de Jake Knapp, John Zeratsky & Braden Kowitz aux Editions Eyrolles