Comment un géant peut penser comme une startup

Dans son dernier livre, Eric Ries, le célèbre auteur de “The lean startup” explique comment il a appris à General Electrics à innover.

Sébastien Louradour
Yellow Vision
4 min readDec 4, 2017

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The Startup Way, le dernier ouvrage d’Eric Ries revient sur un thème récurrent rencontré par les grands groupes : comment innover à la même vitesse qu’une startup. Dans son ouvrage précédent, l’auteur avait pris exemple sur le Lean Management pour montrer comment mettre en place une organisation capable de toujours orienter son activité en direction des besoins des utilisateurs finaux.

Bienvenue dans la machine à produire de la complexité

Eric Ries relate dans un article de Fortune l’expérience qu’il a vécu il y a quelques temps dans une réunion stratégique de General Electrics (GE). Celui-ci, invité par le board de GE assiste alors à la présentation d’un projet de nouveau moteur fonctionnant au diesel et gaz naturel. Au cours de la séance est présenté l’inévitable business plan sur 5 ans qui, basé sur des multitudes d’hypothèses économiques et des connaissances techniques très poussées, démontre la viabilité financière du projet. Le projet appelé Series X consiste en un plan de production de 5 types de moteurs adaptés à des usages tels que l’aviation, les locomotives, les navires, etc. Tout devait aboutir à une validation du projet, mais c’était sans compter sur la présence d’Eric Ries. Il faut dire que ce dernier détaille dans son précédent ouvrage toutes les raisons qui font que l’on ne devrait plus jamais bâtir un projet en partant d’un business plan…

Partir d’un “Minimum viable product”

Toute la rhétorique d’Eric Ries consiste à inlassablement répéter que se lancer corps et âme dans un projet sans en avoir jamais testé l’appétence auprès des utilisateurs finaux et le meilleur moyen de créer un produit coûteux à développer, long à concevoir et sans aucune certitude de le vendre au final.

A l’inverse, construire une preuve minimale de concept (Minimum Viable Product -MVP- en anglais) représente une opportunité de tester l’intérêt des utilisateurs avec un objet peu coûteux, puis de le faire évoluer par itérations jusqu’à aboutir au produit final. Une stratégie qui permet, si le produit ne trouve pas son marché, de l’abandonner sans à avoir à aller jusqu’au bout du projet.

D’un projet de 5 ans à un projet de moins de 6 mois

Eric Ries, après avoir écouté les ingénieurs et top executives présenter le projet Series X, se permet alors de prendre la parole et avancer ses pions.

Sa première question commence déjà à irriter la brochette d’experts présents dans la salle : “Ne faudrait-il pas envisager de commencer par un seul cas d’application et rendre le sujet techniquement plus simple à résoudre ?”

Alors que les ingénieurs annoncent en coeur que cela n’est pas possible, un d’entre eux commence alors à lancer une plaisanterie en disant que oui ce serait possible en achetant le moteur d’un concurrent, et en repeignant le logo par le leur… Si cette éventualité n’était évidement pas envisageable, cela conduit en revanche à un échange sur la façon de construire un moteur le moins cher possible. En concluant qu’un générateur électrique était le modèle le plus simple à construire, il apparut qu’un développement de 2 ans et non plus de 5 était suffisant.

La seconde question d’Eric Ries irrita encore davantage la salle : “Et combien de temps faut-il pour construire un seul de ces modèles ?”. Les ingénieurs annoncèrent alors que quelque soit le nombre de moteurs produits, cela ne changeait rien au temps incompréhensible pour bâtir une usine puis une chaîne de production. Mais la question de Ries n’était pas tant de savoir combien de temps de temps prenait la construction d’une ligne de production mais davantage de savoir combien de temps prenait la construction d’un seul moteur, bref, d’un MVP.

A partir de là, les ingénieurs réalisèrent que non seulement ils n’avaient pas besoin de créer un nouveau moteur, mais de simplement en modifier un déjà existant, mais qu’ils avaient par ailleurs en tête un client potentiellement prêt à tester cette technologie. A la fin de la réunion, on venait ainsi de basculer d’un projet à plusieurs centaines de millions, porté sur 5 ans avec une chance de réussite finale totalement imprévisible à un MVP de moins de 6 mois pouvant être directement testé par un client.

Les 5 règles d’or de la créativité en entreprise

L’histoire présentée ci-dessus montre à quel point les réflexes des grands groupes ont la dent dure. Malheureusement, dans la mesure où il n’y a pas un Eric Ries dans chaque réunion de comité exécutif pour rappeler les règles du lean startup, il faut trouver d’autres solutions pour transformer la culture des grands groupes. Parmi les réponses apportées par l’auteur : le Bill of Rights de l’employé :

  1. Le droit de savoir que le travail que je réalise chaque jour a du sens pour quelqu’un d’autre que mon chef
  2. Le droit d’avoir mon idée transformée en MVP et évalué de façon juste et rigoureuse.
  3. Le droit de devenir entrepreneur à n’importe quel moment, tant que je suis prêt à faire le travail nécessaire pour voir le projet naître et avec des ressources limitées
  4. Le droit de rester impliqué dans ce projet lorsqu’il monte en puissance tant que je contribue concrètement à sa croissance
  5. Le droit à détenir des parts dans le projet à la hauteur de ma contribution au succès, quelque soit mon rôle ou mon titre dans l’entreprise.

Pour aller plus loin, notre article “Comment appliquer Lean Startup aux grands groupes”.

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Sébastien Louradour
Yellow Vision

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