Monzo, N26 et Revolut : disrupteurs de la fintech ?

Les trois startups les plus en vue de la fintech européenne se sont réunies dans le bateau Tech Crunch Disrupt à Berlin. Qui tombe à l’eau ?

Lilas D.
Yellow Vision
4 min readDec 12, 2017

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Tech Crunch, le média de référence américain de la nébuleuse tech et startup, faisait en tout début de semaine son grand raout “Disrupt” à Berlin. Traditionnellement organisé à New York et San Francisco — on compte une édition également organisée à Londres en 2015 — l’événement a permis de réunir startups prometteuses et entrepreneurs à succès. Elle a également reflété les enjeux majeurs du moment : blockchain, santé connectée, etc. Parmi les dizaines de conférences programmées, une des plus attendues était sans doute la rencontre entre les PDG des fines fleurs de la fintech Revolut (Nikolay Storonsky), Monzo (Tom Blomfield) et N26 (Valentin Stalf).

En l’espace de 20 minutes, la politesse et les sourires Colgate, auxquels ce genre de conférences est souvent habituée, ont été remisés au placard. À la place, on a eu droit à un échange un peu tendu, dents serrées et poker face, révélant la guerre sans merci que se livrent ces startups pour conquérir votre compte en banque. Récit.

Trois startups, trois approches

Présentons d’abord les protagonistes. N26 (précédemment Number 26) et Monzo sont deux banques mobiles. La première, créée en Autriche et en Allemagne en 2013, est désormais présente dans six pays (dont la France). Elle permet d’ouvrir très rapidement un compte en banque, d’avoir une carte bancaire et, depuis peu, une assurance. La seconde est exclusivement disponible au Royaume-Uni et offre des services similaires, en y ajoutant des outils qui se veulent adaptés au quotidien, comme la possibilité de diviser une addition ou de rembourser une personne en passant par l’app. Vrai plus lors des voyages : l’absence de commissions bancaires lors de l’utilisation de la carte à l’étranger. Face à ces banques mobiles, il y a Revolut : un service mobile d’échange de devises adossé à un portemonnaie virtuel. Créée en 2015, l’application permet d’échanger de l’argent dans la devise de votre choix aux taux interbancaires, donc sans frais de banques et sans commissions. L’application permet également d’envoyer de l’argent à ses amis et de diviser des dépenses.

Do you actually like each other ?”

Si on commentait cette rencontre comme un match de foot, on dirait que N26 joue à domicile : sous-entendu sans grande crainte d’être bousculé. Valentin Stalf, avec son look de jeune premier, déroule à plusieurs reprises les éléments de langage attendus pour présenter son nouveau produit (une carte premium en métal adossée à de nombreux avantages exclusifs) et une stratégie qui consiste à occuper l’espace de parole pour parler le plus possible de N26. Tom Blomfield le talonne pour souligner l’alignement et les différences de Monzo (se concentrer sur un développement au Royaume Uni). De son côté, Storonsky est plutôt taciturne et réservé. On craint le pire : un échange mou pendant 20 minutes alors qu’on espérait tant de cette rencontre entre les 3 mousquetaires de la fintech. Mais c’est là que Romain Dillet, le modérateur de la conférence, réveille un peu la salle : “Backstage, you all didn’t talk much. Do you actually like each other?.” Rires du public. Silence gêné.

Calculs et marché

Et il devient assez vite apparent que non, ils ne s’aiment pas beaucoup. Quand Valentin Stalf parle de l’avenir de son service, il tacle au passage Revolut dont le CEO vient d’officialiser une nouvelle fonctionnalité : la possibilité d’acheter et d’échanger des crypto monnaies (Litecoin, Bitcoin, Ether). Interrogé sur le futur de N26, il répond : “Nous voulons offrir le meilleur de la banque pour le marché de masse. Se concentrer sur les crypto monnaies est une approche qui se défend mais qui ne concerne qu’une frange de la population.” Tom Blomfield confirme : “C’est un produit de niche pour les utilisateurs qui veulent profiter des variations de taux de change, cela ne répond pas à un problème que 99% des utilisateurs veulent résoudre.” Selon lui, c’est un service qui ne concerne que des milliers de gens sur une planète qui en compte des milliards. Sèchement, Nikolai Storonsky, visage impénétrable, l’arrête net : “C’est un drôle de calcul : nous avons 3000 inscriptions à notre service par jour, Monzo et N26 en ouvrent beaucoup moins pour un service bancaire classique. Et Revolut est encore considéré comme un produit de niche…”

De fines platebandes

Si l’on peut en effet penser que l’échange se crispe sur un détail, il cache en fait de manière à peine voilée la compétition très rude qui existe entre ces trois services. À mesure qu’ils se développent, leur périmètre entre en concurrence frontale. Ainsi, on apprend que N26 va se développer en Angleterre, jusqu’alors terrain de chasse de Monzo et Revolut. Mais surtout, les deux banques en ligne doivent redouter l’arrivée de Revolut sur le même terrain qu’elles : l’app a entamé les démarches pour obtenir une licence bancaire européenne en novembre. Elle s’est également lancée la première aux États-Unis, devançant ainsi le déploiement de N26 et Monzo de l’autre côté de l’Atlantique. Si ces détails ne sont pas évoqués lors de la conférence, ils expliquent un peu de l’ambiance à couteaux tirés qui y règne.

Cette rencontre “poil à gratter” aura donc eu le mérite de pimenter les consensus mous auxquels ce genre de conférences nous ont habitués, mais aussi de poser la question de la pérennité d’autant de services concurrents sur le même secteur. Il y a fort à parier qu’au moins l’une de ces startups risque d’y laisser des plumes dans les prochaines années. Alors… qui tombera à l’eau ?

Disclaimer : L’auteur.e de cet article utilise Revolut et N26.

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