Salesforce, la techcompany qui domine San Francisco

La Salesforce Tower, tour la plus haute de San Francisco, devrait ouvrir ses portes dans les prochains mois. Son impact ne va pas se résumer à transformer la “skyline” de la ville : Marc Benioff le charismatique CEO de Salesforce veut également imprimer la puissante culture de sa société.

Sébastien Louradour
Yellow Vision
5 min readJun 1, 2017

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Un vent frais saisit les piétons en ce début de journée de mois de juin à San Francisco. Rarement habituée à des températures dépassant les 18 degrés, la ville qui fût il y a tout juste 50 ans le point de rendez-vous et d’émergence du mouvement hippie se fond dans un brouillard humide. En se situant au loin, sur l’autre versant de la baie, on peut apercevoir à travers l’épais nuage uniforme qui drape désormais la péninsule de San Francisco une tour s’extraire par sa taille imposante. Haute de 295 mètres, celle qui sera, une fois terminée, la seconde plus haute tour de la côte Pacifique américaine portera alors le nom de Salesforce Tower.

Salle comble et cris d’acclamement surgissent de la salle. Stephen Curry, la star de NBA qui interviendra un peu plus tard aura tout juste droit au même degré d’enthousiasme. Le petit microcosme de la Tech est réuni à San Francisco pour l’un des événements les plus en vue du monde des startups et Marc Benioff, le charismatique CEO de Salesforce, vient de faire une annonce qui n’a laissé personne indifférent : nommer dans son entreprise, valorisée 64 milliards de dollars, un “Chief Equality Officer”, comprendre un Vice-Président en charge de l’égalité. Mais ce domaine, Marc n’en est pas son coup d’essai.

Succès et solidarité

Succès et solidarité sont deux mots qui sont tout sauf opposés aux yeux de Marc Benioff. Alors que Salesforce s’apprête à devenir l’un des principaux pourvoyeurs d’emplois de la ville (une fois la tour Salesforce terminée), son CEO s’est emparé de sujets dont certains devenus politiquements brûlants ces derniers mois : égalité de salaires hommes/femmes, droits des LGBTQ, accès à l’éducation pour tous.

Selon lui, se battre pour l’égalité est un combat aussi important à mener pour une entreprise que la croissance, l’innovation, les nouvelles idées et la création de nouvelles technologies.

$3 Millions pour supprimer les inégalités de salaire homme/femme

S’agissant du salaire des femmes par exemple, après avoir réalisé un audit comparatif très détaillé sur les écarts de salaires hommes/femmes, la société a pris la décision d’investir 3 millions de dollars pour totalement supprimer les inégalités salariales. L’audit ayant en effet révélé que 6% des femmes salariées (16 000 employées) ne bénéficaient pas d’un salaire équivalent aux hommes ayant la même position dans l’entreprise. Dans un univers tech encore très masculin, et souvent peu tendre avec la gente féminine, cette annonce n’est pas passée inaperçue.

Un plan d’investissement massif pour l’apprentissage

Récemment Marc Benioff a également annoncé sa volonté de créer à travers le réseau Salesforce près de 5 millions de postes d’apprentis. Prenant modèle sur l’Allemagne et la Suisse, il considère que ce modèle, en particulier à l’heure de l’arrivée de l’intelligence artificielle, est indispensable pour conserver un haut niveau de formation, notamment dans le domaine de la tech. Après une rencontre à la Maison Blanche, Marc Benioff a également convaincu le Président Trump d’engager le gouvernement dans cette voie, après que Trump ait annoncé à l’issue de la rencontre “let’s go for that 5 million”. Parfois l’Amérique, c’est simple.

Un engagement durable dans la ville

Salesforce est également engagé dans de nombreux programmes pour accompagner les associations et ONG. Depuis 15 ans l’entreprise a versé près de 137 millions de dollars en donations et proposé ses services de façon gratuite ou à un très faible coût à près de 30 000 organisations. Les salariés de l’entreprise on quant à eux donné de leur temps à hauteur de 1,8 millions d’heures grâce à un programme qui permet de consacrer jusqu’à une semaine par an pour accompagner un projet associatif.

Salesforce, le CRM qui a battu toute la concurrence

Voici un petit rappel pour à qui l’entreprise Salesforce dit vaguement quelque chose. Crée en 1999, juste avant l’explosion de la bulle internet, Salesforce s’est très vite imposé dans le marché du CRM (Customer Relationship Management), une chasse gardée de géants comme SAP, IBM, Microsoft ou Oracle. Pour faire simple, c’est un logiciel qui permet aux entreprises de vendre, et aux commerciaux de vraiment mieux vendre. Mais ce qui a fait le succès de Salesforce est avant tout son intuition d’avoir proposé une solution cloud, à l’époque où les coûts d’implémentation de logiciels CRM étaient colossaux. En se positionnant ainsi sur le modèle de SaaS et de plateforme, Salesforce a su s’imposer d’abord auprès de petites entreprises puis ensuite auprès de grands groupes pour finir comme leader mondial du CRM.

Une influence durable sur San Francisco

L’influence de Salesforce sur San Francisco est aujourd’hui multiple. Il s’agit certes de l’emblème de la réussite de la tech sur la ville, et la tour qui domine désormais la baie en est l’illustration symbolique la plus évidente. Mais l’emprise de Salesforce ne se résume pas qu’à cela. Alors que la société Uber, autre géant de la ville, est empêtrée dans un scandale de sexisme généralisé, Salesforce incarne le succès éclairé. La capacité de conjuguer valeurs sociétales fortes et succès économique contribue à construire le mythe de la capitale des droits civiques mutée en tech-city bienveillante. Pour renforcer encore cette image, le dernier étage de la Salesforce tower, plutôt qu’être réservé à son dirigeant comme c’est souvent le cas, sera dédié à accueillir gratuitement des événements organisés par les associations locales. Et une fois terminée, les derniers étages de la tour joueront le rôle d’écrans géants dédié à diffuser des oeuvre d’art animées et visibles à plusieurs miles.

Alors que San Francisco s’apprête à célébrer cet été les 50 ans de “Summer of Love”, qui fut en 1967 le rassemblement annonçant l’émergence de la contre-culture flower power, Marc Benioff s’apprête à faire entrer dans l’histoire de la ville la domination de la culture tech. Rendez-vous dans 50 ans pour savoir cela méritera une commémoration.

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Sébastien Louradour
Yellow Vision

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