Uber, l’antisocial

Cela fait quelques semaines que rien ne va plus pour Travis Kalanick. Tout a commencé avec l’accusation du CEO d’Uber de collaborer avec l’administration Trump, mais la situation a pris une autre ampleur avec l’accusation d’harcèlement sexuel et de sexisme sévissant dans l’entreprise et tout dernièrement, la confrontation en caméra cachée entre le CEO et un chauffeur Uber… Retour en 3 actes sur les déboires d’un CEO qui perd son sang froid.

Sébastien Louradour
Yellow Vision
4 min readMar 10, 2017

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Acte 1 : #DeleteUber

Manifestation devant les bureaux d’Uber à San Francisco

L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a été un épisode compliqué à gérer pour Travis Kalanick. Celui-ci, accusé de collaborer avec la nouvelle administration, a du rendre les armes et démissionner début février de son poste de membre du conseil économique de la nouvelle administration. Il faut dire que la situation commençait à devenir intenable. Tout a commencé au cours d’une journée de grève de taxi à l’aéroport JFK de New-York en soutien aux travailleurs immigrés mis en danger par la politique migratoire de Trump. Uber a annoncé au cours de la grève que les prix ne subiraient aucune augmentation, ce qui arrive généralement lorsque la demande dépasse l’offre. Interprété comme une façon de tirer avantage de la grève, la riposte ne s’est pas faite attendre et le message #DeleteUber appelant à supprimer l’app de son portable s’est diffusé comme une traînée de poudre. Après coup, il s’est averé que cette annonce avait en fait été une énorme erreur de communication de la part d’Uber. La compagnie voulait en effet permettre aux manifestants présents à l’aéroport de repartir à un tarif non prohibitif. Mais que voulez-vous, quand on est Uber, difficile de passer pour le gentil même quand on a décidé de vraiment l’être…

En réaction à cette mobilisation citoyenne spontanée et imprévue, Uber a réalisé une campagne dénonçant fermement l’immigration ban lancé par Trump, en affirmant vouloir soutenir financièrement les chauffeurs concernés par l’ordonnance et finalement en voyant Travis Kalanick démissionner du conseil économique de Trump. Difficile en revanche de savoir si cela a été fait par conviction ou par nécessité de stopper l’hémorragie de suppressions de comptes (200 000 suppressions avaient alors eu lieu…).

Acte 2 : sexual harassment

Mi février, une ingénieure d’Uber, qui a démissionné de la compagnie en décembre 2016, a affirmé dans son blog avoir été harcelée sexuellement pendant plus d’un an sans que la direction des ressources humaines, pourtant au courant, ne se saisisse du sujet. La raison ? Le manager concerné est un “high performer”, donc impossible de s’en séparer. Dans un long post intitulé Reflecting On One Very, Very Strange Year At Uber, l’ingénieure a par ailleurs décrit une ambiance de travail difficile où les managers ne cessent de se tirer dans les pattes. Une enquête est en cours, et bien sûr, une fois encore, Travis Kalanick a été très ferme en affirmant que de tels comportements ne pouvaient avoir lieu chez Uber. Celui-ci a également organisé une réunion interne avec 100 collaboratrices pour ouvertement évoquer le sujet du harcèlement sexuel et du sexisme. Une collaboratrice n’a alors pas hésité à dire que la compagnie vivait un problème systémique dans ce domaine…

Travis Kalanick n’est pas du genre à baisser la garde même en fin de soirée avec un chauffeur Uber

Acte 3 : caméra cachée

Comme le rappelle Bloomberg dans son article révélant la vidéo d’un chauffeur Uber échangeant de manière tendue avec le CEO d’Uber, la situation des chauffeurs est devenue précaire. En 2012, le prix au mile d’une “Black Car” à SF était de 4,90$, il est passé aujourd’hui à 3,75$. La minute est quant à elle passé de 1,25$ à 0,65$, pas de quoi se précipiter pour se lancer dans le métier. Et c’est globalement ce que va expliquer Kamel Fwazi, le courageux chauffeur d’un soir de Travis Kalanick. A la fin de la course réalisée par le CEO, on voit le chauffeur engager la discussion en affirmant que sa situation financière s’est considérablement dégradée à cause de la baisse systématique des prix des courses. Le CEO lui tient alors tête en lui lançant qu’il n’a pas baissé les prix sur les “Blacks cars”et que s’il a du baisser les prix par ailleurs, c’est à cause de la concurrence féroce à laquelle il fait face. La conversation se termine brutalement avec Kalanick qui finit par dire, avant de claquer la portière, que certaines personnes ne veulent pas prendre leurs responsabilités sur les malheurs qui leurs arrivent et qu’ils préfèrent reporter la faute sur les autres. Très chic.

Difficile de vous cacher que cet épisode de mauvaise fois associé à un comportement légèrement agressif a encore une fois peu plu. Depuis, le CEO d’Uber, a encore une fois su faire preuve de repentir en lâchant qu’il lui fallait fondamentalement changer en tant que leader et désormais grandir. Alors, Antisocial, le patron d’Uber ? On vous laisse juger par vous même.

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Sébastien Louradour
Yellow Vision

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