Digital Nomad : ne pas transformer le rêve en cauchemar

Muriel de Dona
yoplanning
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19 min readNov 8, 2018

Le digital nomadisme est un concept assez récent qui permet de lier travail et voyage. Un Digital Nomad a seulement besoin d’un ordinateur et d’une bonne connexion Internet pour exercer ses missions. Il peut donc travailler depuis n’importe quel pays, n’importe quel lieu : sur le coin d’une table d’un café, dans son salon, dans un espace de travail partagé, sur le transat d’une plage paradisiaque…

Sur le papier, l’idée fait rêver. Pourtant, on commence à voir apparaître quelques récits désenchantés de ceux qui l’ont testée. Quand le rêve laisse place à la réalité on peut ressentir de la solitude, le manque de son pays, un sentiment d’exclusion, des difficultés à se motiver, la peur de sortir de sa zone de confort, une certaine pression à la productivité ou encore un contrôle excessif de la hiérarchie. Tant de raisons qui peuvent transformer le rêve en cauchemar.

Chez Vakario (créateur de Yoplanning), sans vraiment le vouloir, nous pensons avoir trouvé une formule qui fonctionne. Nous vous partageons ici quatre des grands principes qui permettent d’éviter les écueils cités ci-dessus.

Être un Digital Nomad sédentaire

Voyager c’est bien, vivre ailleurs c’est mieux

Chez Vakario, même si rien ne nous y oblige, nous avons pour habitude de rester plusieurs mois au même endroit. Conseiller à un nomade de ne pas (trop) bouger peut paraitre paradoxal. Et pourtant il s’agit là de la clef pour vraiment ressentir le pays.

L’âme d’un pays ne s’approprie pas d’emblée, elle s’apprivoise. Il n’est pas possible de s’imprégner de la culture du pays en ne faisant que passer dans un lieu. Pour y parvenir, il faut prendre le temps de faire ses courses, lire les journaux locaux, lier des amitiés avec ceux qui y sont nés, adopter leur façon de travailler, cuisiner des produits que vous ne connaissiez pas, voyager dans les campagnes alentours, trouver un vrai logement (et ainsi connaître les subtilités de la location)…

S’installer plus durablement dans un lieu permet aussi de ne pas toujours être concentré sur la prochaine destination. On peut ainsi enfin défaire le contenu de sa valise et bénéficier de davantage de confort. En effet, tout ce qu’on achète ne devra pas forcément rentrer dans ses bagages. Il est donc possible, par exemple, de s’acheter un écran qu’on revendra en partant et ainsi travailler plus confortablement.

Et côté entreprise, cela apporte plus de stabilité : vous savez où sont vos salariés et ils passent moins de temps dans les transports.

Se faire des amis locaux

Rester dans un même lieu permet surtout des liens avec ceux qui vivent sur place. Nous évitons ainsi de ressentir le blues du voyageur et le manque de liens profonds qui l’accompagne parfois.

Ceux qui changent très régulièrement de destinations sont souvent frustrés par la répétition des mêmes conversations. Ces dernières se limitent bien souvent aux questions classiques : “Comment t’appelles-tu ? D’où viens-tu ? Quels pays as-tu visités ?”. En restant longtemps au même endroit, il est alors possible de dépasser ce stade. Nous avons le temps de revoir plusieurs fois les mêmes personnes. Nous créons ainsi des anecdotes et souvenirs communs. Nous sommes aussi suffisamment en confiance pour partager des conversations plus profondes.

Rester au même endroit permet surtout de sortir du cercle des expatriés et autres voyageurs et avoir l’occasion de lier de véritables amitiés avec des locaux. Nous devenons d’abord une tête connue pour les habitants du quartier : l’épicier du coin nous reconnaît, l’habitué d’un café nous fait un signe de tête quand on s’installe… Puis l’un d’entre eux nous propose de le rejoindre pour un afterwork ou un dîner entre amis et c’est le début d’une belle amitié. Celle qui dépasse les conversations superficielles des premiers échanges. Celle grâce à qui nous découvrons le pays avec l’oeil de ceux qui y sont nés et pas uniquement celui du touriste.

Découvrir la magie

Bonus non négligeable : nos amis nous font découvrir des endroits magiques qui ne sont listés sur aucun guide touristique. Et ça, ça n’a pas de prix. Imaginez que l’on vous donne rendez-vous devant un café qui ne paie pas de mine, sans fenêtres apparentes, sur le bord d’une route bruyante. Jamais vous ne vous y seriez arrêté et pourtant, dès la porte franchie, vous êtes transporté ailleurs. Vous quittez le bruit assourdissant des moteurs et autres klaxons pour vous retrouver directement plongé dans la jungle. De la verdure partout, des cascades, une petite rivière remplie de poissons qu’il faut franchir pour rejoindre une table en hauteur… Magique. Ou alors ils vous donnent l’adresse d’un bar caché au fond d’une ruelle sombre derrière un entrepôt désaffecté. Vous pensez être perdu. Arrivé au bout de la ruelle, face à une porte sans écriteau, vous hésitez à rebrousser chemin avant de finalement oser pousser la porte. Et là, la magie opère à nouveau. Des dizaines de lumières indirectes éclairent un endroit chaleureux, où des canapés jouxtent des tables éclairées à la bougie. Vous vous installez sur l’un des coussins moelleux qui jonchent le sol d’une grande mezzanine. Vous passez la tête entre les barreaux de la balustrade pour mieux voir le trio piano/guitare/voix qui joue en contre-bas. Et là, le temps s’arrête.

Sédentaire… pour voyager davantage

“Et si on allait au Cambodge ce week-end ?” , “Je prends mon lundi dans 15 jours, on va à Cuba ?”, “Il y a un bus pour New York qui part dans 2 heures, on y va ?”

Ce genre de propositions vous fait rêver ? Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit de questions routinières pour les créateurs de Yoplanning mais je reconnais qu’elles n’ont rien de saugrenu pour nous. Car l’autre avantage d’être un Digital Nomad sédentaire est d’habiter un point central à partir duquel il est facile voyager. Des destinations exotiques sont ainsi accessibles à moindre coût et peuvent s’envisager sur une courte durée.

Avantage supplémentaire : vous pouvez laisser votre gros sac de 30 kilos chez vous et partir découvrir les destinations alentours avec un petit sac à dos. Vous êtes ainsi plus libre. Plus libre de ses mouvements mais aussi de ses choix : on peut quitter l’aéroport en scooter ou quitter une guesthouse sans avoir besoin d’en réserver une autre pour y déposer ses affaires. Vous cumulez ainsi le double avantage de pouvoir voyager léger et de bénéficier de votre confort une fois revenu à votre destination d’accueil.

Puis, quand l’envie vous vient de changer de terrain de jeux, rien ne vous empêche de quitter votre point de chute et d’emporter toutes nos affaires dans un autre continent.

Car un nomade reste un nomade et chez Vakario nous restons rarement plus d’un an au même endroit.

Tirer parti des décalages horaires

Ouvert 24h/24

Pas facile de se coordonner lorsqu’une même entreprise travaille sur trois ou quatre fuseaux horaires différents. Chez Vakario, nous avons eu jusqu’à douze heures de décalage horaire entre nos bureaux. Je vous laisse imaginer le casse-tête pour organiser une réunion d’équipe. Pas facile aussi de ne pas oublier la fatigue du collègue qui termine sa journée quand on commence fraîchement la sienne. Mais une fois la bonne organisation trouvée, on trouve plein d’avantages au décalage horaire.

L’un d’entre eux est de se permettre d’être tout le temps ouvert. Sans besoin de faire les 3x8, il y a toujours quelqu’un de disponible dans une entreprise de Digital Nomads. Si vous vous organisez bien, vous pouvez ainsi toujours avoir une personne connectée pour répondre à vos clients. Cela s’avère très pratique si vous avez des utilisateurs répartis dans le monde entier, à l’instar de Yoplanning.

C’est également génial de pouvoir travailler la moitié de la journée sans être dérangé et de quitter le bureau le soir en sachant que le projet avancera pendant son sommeil.

Laisser de côté l’immédiateté

Autre avantage au décalage horaire : il nous habitue à ne pas avoir de réponse instantanée de la part de nos collègues.

La moitié de la journée, certains de nos collègues ne sont pas disponibles car il n’est même pas encore 7h du matin chez eux ou qu’il est 20h passé. L’habitude est prise d’utiliser les outils de communication en mode passif. Sans attendre de réponse immédiate. Petit à petit, on réfléchit davantage avant d’envoyer un message : est-ce qu’il sera utile ? est-ce que je ne peux pas seulement envoyer un résumé quand j’aurais bouclé ce que je dois faire au lieu de lui envoyer un état des lieux toutes les demi-heures ? La communication devient plus intelligente. On envoie moins de messages et on résume davantage les idées. Mal utilisés, les outils de communication à distance peuvent nous aliéner, bien utilisés ils nous libèrent.

Quand la pression à l’immédiateté s’envole, on peut travailler sans être dérangé. Chacun est libre de couper ses notifications s’il veut se concentrer. S’il y a une vraie urgence, on se téléphone. Mais c’est très rare.

C’est avant tout une histoire de confiance mais c’est aussi une question d’habitudes. On s’habitue à avoir un retour immédiat mais on s’habitue aussi vite à ne plus en avoir.

Adieu présentéisme

Le décalage horaire nous fait également perdre cette habitude d’horaires obligatoires. Le 9h-18h est oublié. Si mon collègue ne répond pas c’est peut-être parce qu’il n’est pas encore levé, ou parce qu’il fait une sieste, ou alors il est sorti prendre l’air ou parti surfer car les conditions étaient parfaites ce matin. Ou bien il est tout simplement concentré et il a coupé ses notifications. Peu importe. Quand vous perdez l’habitude d’avoir à votre disposition tous les gens au même moment, vous perdez l’habitude de relever — consciemment ou inconsciemment — les horaires de présence des collègues. C’est le meilleur moyen de lutter contre le présentéisme. Ainsi, vous travaillez à 100% et vous vous reposez à 100%. Du coup, quand à 18h Max souhaite un bon après-midi à Dorian, ce n’est pas pour être cynique, c’est vraiment parce que c’est le début de l’après-midi chez lui.

Le présentéisme ne disparaît pas en même temps que l’idée du bureau commun à tous les salariés. Même en télétravail, certains restent devant leur écran au cas où on les contacterait alors qu’ils rêvent d’une pause. Le présentéisme se perd parce que la pression à l’immédiateté a laissé place à une vraie confiance et à une meilleure gestion. Le meilleur moyen d’y parvenir est de couper ses notifications même quand on est devant son écran. On se reconnecte ainsi quand on le souhaite, quand on l’a choisi. On ancre alors le message : “ ce n’est pas parce que je ne réponds pas que je ne travaille pas”.

Si on perd cette culpabilité, on perd aussi celle qui pousse à travailler davantage pour prouver qu’on n’est pas juste en train de se dorer la pilule à la plage. Et c’est beaucoup plus sain.

Ne rendre personne indispensable

Difficile aussi de réaliser qu’il est trois heures du matin là où son collègue vit quand il est le seul à pouvoir résoudre un bug problématique. Si le problème n’affecte pas les utilisateurs de Yoplanning, on pourra passer à une autre tâche en attendant patiemment son retour. Dans le cas contraire, il faudra mettre les mains dans le cambouis et trouver une solution sans son aide.

Lorsque vous avez dû solutionner un problème que seul votre collègue aurait pu résoudre, vous allez tout faire pour ne plus revivre cela. Le décalage vous force donc à créer une base de connaissances commune et de la mettre régulièrement à jour. Il vous force également à davantage échanger sur vos difficultés et le moyen de les résoudre.

L’idéal est d’échanger régulièrement les responsabilités pour que chacun soit capable d’endosser le rôle de l’autre. Chacun apprend à mettre son ego de côté et ne plus vouloir être indispensable. On transforme ainsi une contrainte en une opportunité de faire mieux.

Recréer un bureau ailleurs

Un Digital Nomad peut choisir chaque jour où il installera son bureau. Le lundi il peut être dans son salon, le mardi dans un café en ville, le mercredi dans une bibliothèque, le jeudi sur le transat d’une plage paradisiaque… Pour beaucoup cela relève du rêve. Mais ils n’imaginent pas les complications logistiques que cela entraîne et le possible sentiment de solitude qui peut en résulter.

Ne pas (toujours) travailler à la plage

Etre dans un vrai bureau crée un environnement favorable au travail. Tout d’abord, pour ne pas être dérangé par les bruits alentours (des enfants qui jouent sur la plage, des amis qui parlent bruyamment à la terrasse du café…).

Mais aussi car cela permet de créer un environnement propice à la concentration. Le cerveau adore les habitudes et s’il comprend que vous êtes dans un lieu dédié au travail, vous lui facilitez la tâche. En changeant d’environnement tous les jours, vous lui demandez un effort supplémentaire. Vous perdez donc inutilement du temps et de l’énergie.

Avoir un bureau fixe permet également de ne pas trimballer son matériel tous les jours. Même lorsque son bureau se résume à son seul ordinateur, on peut avoir envie de ne pas le prendre tous les jours. Tout d’abord pour ne pas prendre le risque de se le faire voler mais aussi pour ne pas le trimballer en soirée ou à la salle de sport si on enchaîne directement après le boulot. On prend ainsi davantage soin de son matériel qui ne sera pas rempli de sable au bout d’un mois.

Cela permet également d’accéder à de meilleures conditions de travail : avec un deuxième écran, une chaise confortable, des livres… Sortir fréquemment de sa zone de confort, c’est bien. Retrouver un cocon c’est bien aussi. Nous avons tous besoin de nouveautés, d’incertitudes, de surprises pour rester intéressé et motivé. Mais nous avons aussi paradoxalement besoin de confort, d’habitudes pour nous rassurer et nous permettre d’être plus productif.

Cependant, si le changement de lieu n’est pas quotidien, il peut être positif. Il permet de casser la routine et de mieux travailler. Ceux qui bénéficient de quelques journées de télétravail dans l’année le savent : ils ont l’impression d’avoir abattu deux fois plus de travail qu’en temps habituel. Mais si cette exception devient la règle, les côtés négatifs prennent vite le pas sur le positif.

Ne pas (toujours) travailler à la maison

Un Digital Nomad pourrait choisir de toujours travailler depuis son lieu d’habitat. Tant que cela ne devient pas une habitude, aucun problème. Dans le cas contraire, c’est là que les problèmes apparaissent.

Chez Vakario, nous travaillons rarement depuis la maison. Avoir un vrai lieu de travail (espace de coworking la plupart du temps) permet de créer un environnement propice au travail. Cela nous force également à nous préparer, nous habiller et surtout sortir. On peut ainsi vraiment profiter du pays quand on sort du bureau.

Se rendre dans un vrai bureau permet également de davantage cloisonner travail et loisirs. Une séparation claire pour que l’un n’empiète pas sur l’autre est ainsi créée. Quand on ferme la porte du bureau, la journée est finie, on peut faire une vraie coupure. En effet, pour avoir testé le 100% remote où l’on reste devant son ordinateur jusqu’à 30 secondes avant de dîner et que l’on poursuit en soirée ou le week-end, on peut vite se laisser envahir par le travail. Pour ceux qui auraient le problème inverse, il y a moins de distractions ou d’envie de s’éparpiller dans des tâches ménagères ou autres.

De plus, faire le trajet domicile travail permet de marquer le début ou la fin de la journée. La frontière est claire. Et en bonus, on se vide la tête.

Se créer un cocon social

Certains rêvent de fuir leur bureau : ne plus entendre le collègue qui joue avec son stylo, ne plus subir le résumé du week-end de Jean-Michel ou la mauvaise haleine de Martine de la compta. Ils imaginent le paradis que cela serait de ne plus perdre des heures dans les transports. Pour les heures de transport ou de bouchons, là il n’y a pas de doutes, c’est tout bénef. Pour le reste, quand on n’a plus de bureau fixe, on en viendrait presque à regretter Jean-Mi.

L’être humain est social, il a besoin de rire, de discuter et d’échanger. Il a besoin de complicité, d’anecdotes et de références communes. Ce qui est difficile quand on est un travailleur nomade, c’est de ne plus avoir de collègues présents physiquement. Ne plus connaitre l’émulation d’un groupe face à un tableau blanc, ne plus partager de pauses café, ne plus se raconter son week-end, partager un afterwork ou une pause déjeuner ensemble.

Tous ces éléments qui peuvent sembler être une perte de temps agissent en fait comme les panneaux de signalisation marrons sur l’autoroute (les fameux panneaux d’animation culturelle et touristique) : ils viennent rompre la routine et vous maintiennent éveillés. Ils vous permettent de bien vous arrêter pour mieux repartir. Ils vous stimulent aussi par leurs idées, leurs questions, leur expérience.

Même si rien ne nous y oblige, nous choisissons quasi systématiquement de nous établir dans un lieu fixe. Nous appartenons ainsi à un groupe qui peut nous apporter de l’aide, du soutien, des éclats de rire, des idées, un réseau.

Ces coworkers font un peu partie de l’entreprise étendue. On peut ainsi bénéficier de leur vision externe sur notre business, des connaissances et expériences des uns et des autres, des conseils d’un avocat (big up Yvan)... C’est très enrichissant.

Créer un esprit d’équipe et une culture commune

On ne rate pas ce qui se passe au bureau quand il n’y a pas de bureau

Un des écueils connus des Digital Nomads ou télétravailleurs est le sentiment d’exclusion. En étant à distance, on rate les échanges stratégiques, les conversations informelles et les anecdotes partagés par ceux qui restent au siège social. Petit à petit, on peut se sentir mis de côté et ne plus se sentir intégré à l’équipe. Le risque est de se démotiver et s’exclure soi-même complètement.

“ On ne loupe pas ce qui se passe au bureau quand il n’y a pas de bureau.” Cela peut paraître couler de source mais il s’agit là d’une des raisons principales qui fait que ça fonctionne pour nous. En effet, la majorité des effectifs est nomade. Par conséquent, même s’il existe un siège social, il ne constitue par l’endroit “où tout se passe”. Ceux qui n’y sont pas ne peuvent donc pas tout rater. Pas de sentiment d’exclusion possible.

Ajoutez à cela le fait que chacun a créé des liens avec ses voisins de bureau, on se sent doublement intégré : à l’entreprise et à son lieu de travail.

Quitter le virtuel pour le réel

Pas facile de créer du lien et d’échanger efficacement avec ses collègues lorsque la plupart des conversations se font via écrans interposés. Pour partager une culture commune et un véritable esprit d’équipe, rien de tel que de travailler ensemble quelques temps dans un même lieu et de répéter l’expérience aussi souvent que possible.

Se voir une fois par an lors d’un séminaire n’est pas suffisant. D’autant plus que ce genre de rendez-vous a lieu dans un contexte particulier : pour faire des activités de team building, réfléchir à la vision globale de l’entreprise ou plus trivialement pour faire la fête. On ne travaille donc pas ensemble dans des conditions réelles.

Le secret est donc de pouvoir travailler sur des tâches quotidiennes, comme on le fait d’habitude, mais avec son (ou ses) collègue(s) à côté de soi. Et c’est là que nous pouvons ressentir l’émulation du groupe. Généralement les idées fusent, on se sent reboosté et des points problématiques se débloquent.

Cela permet aussi de connaître les habitudes de travail de chacun et d’éviter les quiproquos qui peuvent être nombreux par écrit. Il y a moins de malentendus quand on sait que son collègue n’aime pas parler le matin ou qu’il pratique l’humour noir.

Au delà de cela, se voir régulièrement permet d’avoir des anecdotes communes, des repères communs… et donc de créer de la complicité.

Se mettre dans la peau de l’autre

Chez Vakario, nous avons la chance d’avoir pu partager l’environnement de travail d’un ou plusieurs de ses collègues durant quelques semaines. Nous avons pu connaître les us et coutumes du pays, discuter avec leurs voisins de bureaux, déjeuner dans les mêmes petits restos qu’eux, se retrouver dans leur bar habituel en bas du bureau, ressentir les particularités météorologiques (que ce soit le froid canadien ou la saison des pluies au Vietnam). Ainsi, quand nous échangeons à distance, nous sommes davantage en mesure de comprendre l’état d’esprit et les difficultés de son ou sa collègue. Il est plus aisé de comprendre le retard de son collègue en réunion quand toutes les routes se sont transformées en patinoire chez lui. Ou alors qu’il cherche à écourter la réunion quand il est dans la seule pièce non climatisée de son bureau à Saigon ou encore qu’il est fatigué car il ne dort plus à cause de puces de lit qui ont envahi son lit. On construit alors une véritable empathie et non pas une empathie feinte mise en avant par la plupart des sociétés.

Échanger les bonnes pratiques

L’avantage d’avoir des collègues répartis un peu partout dans le monde est de s’enrichir des expériences des uns et des autres. Chacun peut nous dire comment le marché fonctionne chez lui, quelles sont les bonnes pratiques qu’il a observées, comment sont positionnés les concurrents, qu’est-ce qui intéresse les potentiels utilisateurs de Yoplanning…

Au delà de cela, le plus enrichissant est de découvrir les différences culturelles de chaque pays. Notamment de voir comment la notion de travail est vue d’un pays à l’autre. Dans certains pays ce n’est qu’un gagne pain dont il est facile de changer, dans d’autres il s’agit d’une véritable fierté, dans d’autres c’est la promesse d’un avenir meilleur.

Au Canada j’ai été frappée de voir combien il était mal vu de rester tard au bureau. Pour les Canadiens, partir après 18h voire 17h30 signifie que nous n’avons pas été efficaces dans la journée. Là-bas, il y a une vraie vie après le travail. En finissant tôt, il devient possible de faire du sport, retrouver ses amis, “magasiner”…

Et aussi… profiter

Apprécier l’instant présent

En quittant son pays et ses habitudes, il y a forcément des choses qui nous manquent. Au Vietnam, je rêvais d’une baguette de pain bien croustillante. Au Canada, je lorgnais sur les plateaux de fromage hors de prix. A Bali… non à Bali pas grand chose ne me manquait ;)

En étant concentré sur ce qui nous manque ou ce qui ne va pas, toute notre attention est concentré sur le négatif. Il n’y a plus de place pour le positif. Il est alors difficile de voir tout ce que nous avons présentement la chance d’avoir. Et c’est le meilleur moyen d’avoir des regrets ensuite : regrets de ne pas avoir assez profité, ne pas avoir assez échangé avec des locaux, ne pas avoir visité certains endroits incontournables…

Ceux qui ont l’habitude de vadrouiller le savent : le manque de ce que l’on a trouvé ailleurs est encore plus grand quand on rentre au pays.

L’idée est donc d’être capable d’apprécier pleinement ce que l’on trouve dans chaque pays, au moment précis où l’on s’y trouve. Ne pas penser à ce qui nous manque ailleurs mais apprécier consciemment ce que chaque endroit offre : ok je n’ai pas de baguette mais je sirote des noix de coco bien fraîches toute la journée, pas de reblochon mais des mie goreng délicieux, pas mes amis d’enfance mais des gens incroyables qui font voir la vie sous un autre angle…

Il y a toujours du positif. Et si vraiment le négatif l’emporte, ce moment deviendra sans doute une anecdote plus tard. Après tout, nous sommes bien partis pour cela aussi : l’aventure !

Sortir des sentiers battus

Parfois, le manque peut nous faire passer à côté des plus belles expériences. Je pense à ces gens qui cherchent les fast-foods et autres grandes chaînes dès qu’ils débarquent dans un pays. Ou à ceux qui choisissent de s’installer dans les quartiers prisés par les expatriés. Ou encore ceux qui passeront tout leur séjour sur la plage d’un grand hôtel sans découvrir l’intérieur des terres. En faisant ces choix, on rencontre les mêmes personnes, on mange la même nourriture et on passe surtout à côté des plus belles expériences.

Alors bien sûr quand on est un Digital Nomad, cela fait parfois du bien de retrouver un bout de son pays. Je me souviens d’ailleurs d’une purée de pommes de terre dégustée dans un restaurant français à Ho Chi Minh City qui m’a directement ramenée le dimanche midi, entourée de ma famille, à creuser un puits dans ma purée pour y ajouter la sauce. J’avais trouvé ma madeleine de proust. Mais je l’ai d’autant plus appréciée qu’elle n’était qu’une parenthèse dans un bouillonnement de nouveautés, de changements d’habitudes et de découvertes.

Si vous faites le choix d’être un Digital Nomad, ce n’est pas pour emporter vos habitudes. C’est pour les bousculer. Il ne faut donc pas hésiter à sortir de sa fameuse zone de confort : rouler en scooter au milieu d’autres centaines de scooter, acheter un banh mi dans la rue et le manger sur place, tester la bénédiction par l’eau d’une grande prêtresse balinaise, manger des scorpions (spoiler : ce n’est pas bon)… et surtout échanger avec les habitants.

Le Digital Nomad est aussi et surtout là pour profiter du pays visité, il n’est pas là uniquement pour travailler.

Trouver l’équilibre

Notre façon de vivre le digital nomadisme peut paraître paradoxale. Nous nous situons à la croisée du salarié classique et du digital nomad baroudeur.

Travailler avec nous c’est un peu comme changer de job tous les six mois tout en gardant les mêmes conditions de travail et en poursuivant les projets qui vous plaisent. Sauf que… tout le reste change : l’environnement, le bureau, les horaires, la façon de voir le travail, les escapades du week-end…

S’il n’y avait qu’une chose à comprendre de cet article c’est que toute est une question de mesure. Ce n’est pas parce qu’on choisit un mode de vie qu’il faut appliquer tous ses principes à la lettre. Chacun doit trouver l’équilibre qui lui convient. Prendre un peu de ce qui est prescrit et y ajouter ce qui lui est nécessaire.

Et pour que ça marche, cet équilibre doit être en mouvement permanent. Cela est particulièrement vrai pour l’équilibre entre routines réconfortantes et nouveautés.

Varier régulièrement le dosage de l’un et de l’autre évite de s’ennuyer, se lasser ou subir. Cela préserve aussi l’équilibre mental qui peut être fragilisé.

Nous apprécions davantage des événements lorsqu’ils sortent du quotidien. Ajouter du changement tout en construisant des habitudes réconfortantes permet de toujours voir la nouveauté comme une parenthèse enchantée. Si l’extraordinaire devient votre ordinaire, la magie disparaît. Et s’il y a bien une chose que nous ne voulons pas perdre, c’est la magie.

Trouver la formule “gagnant-gagnant”

Pour conclure, j’ajouterais une précision plus pragmatique. Si ce mode de fonctionnement est maintenu, c’est aussi parce qu’il profite à l’entreprise.

Déjà parce qu’il permet tout d’abord d’attirer les meilleurs talents là où ils se trouvent ou là où ils souhaitent aller.

De plus, ce mode de vie attire principalement des salariés autonomes, créatifs, investis et débrouillards. Ces qualités sont en effet essentielles pour voyager et sont particulièrement recherchées en entreprise.

Autre point : avoir des collaborateurs qui voyagent partout dans le monde permet d’étendre son réseau et de multiplier les opportunités. Nous avons ainsi construit des nouveaux partenariats, rencontrés des investisseurs et conquit de nouveaux marchés. Tout cela n’aurait sans doute pas été possible sans avoir une personne établie sur place.

Enfin, avantage non négligeable pour les entreprises basées en France : il est possible d’embaucher un V.I.E. (volontaire international en entreprise). Ce statut permet de bénéficier d’avantages financiers non négligeables et de déléguer toute la gestion administrative et juridique à Business France, l’organisme qui gère ce super statut.

Là aussi il s’agit d’une notion d’équilibre : entre épanouissement et profitabilité. Et quand le juste équilibre est trouvé, la magie fait à nouveau son apparition.

PS : Nous avons commencé à partager quelques unes de nos photos prises durant nos aventures respectives, anciennes ou récentes, à retrouver sur Instagram

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