Quel avenir pour les vidéos sur Internet ?

Paul Robein
Youdeo
Published in
4 min readJun 6, 2018

On s’est posé la question, voici nos réflexions.

Quoi de mieux qu’une loutre qui réfléchit pour illustrer cet article ?

“Tout le monde peut faire des vidéos.”

Lundi nous étions invités par le CNC et la SACD à une table ronde pour parler des nouvelles plateformes web et de l’approche différente, ou non, qu’elles imposaient à l’écriture. Il est vrai qu’aujourd’hui, grâce à internet, tout le monde est plus ou moins capable de faire des films / séries / vidéos. Le réalisateur Martin Scorsese a d’ailleurs affirmé que depuis les années 70, presque n’importe qui peut économiser pour se procurer une caméra. Elles ne sont plus seulement réservées au cinéma. S’il disait déjà ça à l’époque, on imagine bien qu’aujourd’hui avec un smartphone… Plus d’excuse :)

DE GAUCHE À DROITE : Jérémy Sahel, Sophie-Marie Larrouy, Inas Chanti, Timothée Hochet, Samuel Bodin, Tristan Schulmann et Souad Arsane

Sauf que c’est plus compliqué.

Ok, admettons que tout le monde puisse produire des contenus avec relativement peu de moyens. Serions-nous tous capables de devenir les Steven Spielberg de demain ? Outre la nécessité d’avoir un peu de talent, ce serait oublier une autre réalité fondamentale : la dimension économique. Cela a pris une grande place dans la discussion à laquelle nous avons assistée. Et pour cause, le problème majeur que rencontrent les créatrices et créateurs de vidéos réside dans leur modèle financier. Comment vivre de productions proposées gratuitement au public d’internet ? Pour avoir le luxe de prendre le temps de se dédier à ses vidéos, il faut avoir l’assurance d’une stabilité financière.

Quelques solutions.

Financement participatif, tips, visionnage de publicité… Il existe des façons de “se débrouiller”. Les guillemets sont importants car ça reste encore insuffisant. D’autres plateformes achètent à l’avance des productions, peu importe l’audience qu’elles toucheront in fine. Comme Studio+ avec la série T.A.N.K., par exemple.

A noter que la SACD propose une potentielle source de rémunération grâce aux droits d’auteur et que le CNC a lancé un fonds d’aide à la création pour les vidéastes. Encore faut-il être au courant de tout ça et réussir à aller au bout des démarches administratives (plutôt simples mais quand même).

L’audience, clé de tout.

Un autre point important qui est ressorti de l’échange, c’est celui de “la cible”. Le mot marketing qui désigne le public qui va regarder les contenus. Malheureusement, c’est un peu là que réside le nerf de la guerre. La dimension créative et le plaisir de partager des histoires se retrouvent dans l’ombre des chiffres et autres retours sur investissement qui peuvent inciter au formatage des films, séries et vidéos internet.

Des vidéos qui plaisent à une “cible” avant de plaire à soi ?

Aujourd’hui, par exemple dans le cinéma, les personnes qui peuvent sortir des films sans avoir à se poser cette question de “cible” sont rares. On pense à Wes Anderson, qui a évoqué, avec son long-métrage d’animation “L’Île aux chiens” (voir sa bande-annonce), avoir eu la liberté de le réaliser sans réfléchir à un public précis. En effet, son format en stop-motion aurait pu le destiner aux enfants alors que son propos politique en fait surtout un film d’adultes.

Malgré tout, il a bien fallu convaincre des producteurs et c’est le casting 5 étoiles (Scarlett Johansson, Bryan Cranston, Bill Murray, Jeff Goldblum, Edward Norton, Tilda Swinton …) qui les a rassurés sur son potentiel en salles.

Cela ouvre sur plein de questions :

La liberté créative n’est-elle possible qu’au détriment de la liberté financière ?

Doit-on forcément se plier à un formatage imposé pour se faire connaître ?

Plus que “se faire connaître”, c’est avant tout ‘‘faire connaître son travail” que l’on recherche nan ? Quel intérêt de le formater dans ce cas ?

D’ailleurs, comment espérer se démarquer si tout le monde propose les mêmes contenus formatés ?

Enfin, comment retrouver un vrai public pour créer librement une fois qu’on est suivi.e par une communauté de gens qui ne connaissent que des vidéos de nous qui ne nous ressemblent finalement pas ?

Ça rejoint le problème qui se pose quand on débute sur YouTube aujourd’hui :

Personne ne me connaît. Mes vidéos font peu de vues. Elles ne peuvent donc pas être monétisées. Comme elles ne rapportent rien à YouTube, elles ne sont pas mises en avant. Deux solutions dans ce cas :

1) formater mes vidéos aux tendances pour espérer me faire repérer.

2) Avoir un relais extérieur pour me donner un boost de visibilité.

En bref.

Il est vrai que ces plateformes ont permis à plus de monde de partager librement leurs contenus sur internet. Cependant la dimension économique en est encore à ses balbutiements et peu de personnes sont en mesure de pouvoir en vivre, voire juste rentrer dans leurs frais. Si l’audience est si importante, l’avenir réside peut-être dans les plateformes qui seront capables de diffuser des contenus qualitatifs adaptés aux bonnes personnes en laissant toute liberté créative à celles qui les réaliseront. Encore faut-il trouver le modèle économique capable de répondre à tout ça… Allez, on y croit !

Voilà, on avait ça sur le cœur. Il fallait que ça sorte. Si vous avez envie de réagir, commentez on en discute :)

Paul & Laëtitia

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