Confusion sur l’islamo-gauchisme : « chasse aux sorcières » ou réalité voilée ?

Bryan Simon
Youth’s Horizon
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4 min readMar 1, 2021

Alors que le sujet de la précarité étudiante préoccupe les français et leur Gouvernement, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal prend la parole sur un sujet qui, bien qu’ayant déjà pu faire polémique, a fait exploser les débats ces dernières semaines : l’islamo-gauchisme.

Elle annonce d’abord sur CNews, puis devant l’Assemblée Nationale le 16 février sa demande d’enquête au CNRS (centre national de la recherche scientifique), dans une trajectoire de distinction entre ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion. D’après les propos de Vidal, certains universitaires se disent eux-mêmes empêchés par d’autres de mener leurs recherches, en faisant référence notamment aux études post-colonialistes. En outre, la ministre veut contrôler la présence de “l’islamo-gauchisme” dans les universités, alors même que le porte-parole du Gouvernement Gabriel Attal rappelle “l’attachement absolu à l’indépendance des enseignants chercheurs” sur lequel insiste notre président Emmanuel Macron. Cette position est d’ailleurs partagée par l’ensemble du Gouvernement ne souhaitant pas entrer en conflit avec la jeunesse alors que la crise sanitaire les affecte.

Islamo-gauchisme; entre phénomène réel et néologisme aberrant, nombreux sont les avis tranchants et tranchés sur un sujet qui fait aujourd’hui polémique, et dont nous n’avons pas de définition précise et reconnue.

L’association des mots “islam” et “gauchisme” signifierait une tendance gauchiste présente au sein des universités, alimentée par une tolérance, ou pour certains une “complaisance” à l’égard d’un islamisme, radical ou non, ou encore de l’islam dans son ensemble pour d’autres. Plus généralement, et sans que l’on sache réellement le raccourci emprunté, le terme “islamo-gauchisme” est utilisé pour désigner un militantisme prenant voire radical controversé ; une “cancel culture”, refusant et dénonçant tout propos ou acte jugé “problématique” ou allant à l’encontre du courant de pensée majoritaire.

En octobre 2019, la philosophe Sylviane Agacinski a dû renoncer à la tenue de sa conférence intitulée «L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique» à l’université de Bordeaux suite aux pressions effectuées par des associations féministes : la philosophe étant engagée contre la PMA pour toutes les femmes. M.Mélenchon (France Insoumise) accordera un tweet à cette annulation : “D’accord ou pas avec elle, cette philosophe est un grand esprit. Elle nous aide à penser.”

Après des annulations successives de conférences universitaires pour cause d’homophobie, de racisme ou encore d’islamophobie, il est en effet question de savoir si nous sommes spectateurs d’une émancipation radicale des étudiants, rejetant des propos problématiques n’ayant pas leur place à l’université; ou de l’effet d’un endoctrinement visant à imposer sa vision des choses et à censurer tout ce qui va à l’encontre de cette dernière.

Effectivement, en octobre 2020, Frédérique Vidal affirmait que “L’université n’est ni la matrice de l’extrémisme, ni un lieu où l’on confondrait émancipation et endoctrinement” dans sa tribune pour L’Opinion.

Et c’est de cela qu’il semble finalement s’agir : la confusion entre “émancipation” et “endoctrinement”; la ligne fine qui les sépare est finalement placée et déplacée selon les discours. Les universités possèdent une certaine liberté académique à laquelle elles sont attachées, et c’est cette même liberté qui permet l’ouverture des esprits et donne sa qualité à la recherche; le progrès nécessite la découverte.

Alors que certains s’offusquent de ce bafouement de la liberté d’expression, d’autres s’indignent de l’impact voire de la dangerosité des propos tenus par ces maîtres de conférences, allant parfois à l’encontre des progrès inhérents aux sociétés occidentales de ces dernières décennies, concernant par exemple les droits des femmes et le racisme.

Cependant, le XXIème siècle serait-il réellement un siècle de progrès si toute opinion, dès lors qu’elle est jugée dérangeante, est réprimée ?

C’est ainsi que prônent les défenseurs de la liberté académique universitaire : pour forger un esprit critique et acquérir ses propres convictions, il s’agit de confronter toutes les idées d’un débat et non pas de réduire au silence l’idée jugée dérangeante.

Faire annuler arbitrairement des conférences, tout comme dénigrer et vouloir contrôler le militantisme étudiant est synonyme de mise sous silence des idées. L’université est avant tout un lieu de recherche, de développement des idées qui suppose l’ouverture de l’esprit ainsi qu’une approche critique des connaissances transmises. Elle est, et doit rester un lieu qui favorise le progrès au fatalisme, le débat à l’écoute passive et le dialogue à la censure.

En ce sens, une étude approfondie doit être menée pour savoir si l’islamo-gauchisme existe, et si oui qu’est-ce que cela signifie réellement, quitte à déranger ceux qui pensent qu’une telle étude fragiliserait les relations de la France avec le monde arabe. Qu’il s’agisse d’une émancipation ou d’un endoctrinement des étudiants, il est tout aussi impératif de saisir l’importance que prennent les courants nous venant tout droit des Etats-Unis à l’image du wokisme, et surveiller certaines dérives pour ne pas avoir à faire face à des scandales Evergreen version française.

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Bryan Simon
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