L‘image et la photographie dans une solution numérique : essentiel et stratégique

Jonathan Scanzi
évolt stories
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7 min readJul 13, 2016

Il y a un an, date à laquelle j’ai écrit cet article, j’étais un entrepreneur seul déjà passionné par le design et la photographie. Aujourd’hui, j’ai co-fondé Évolt, une agence d’innovation service, avec mon ami Pierre Chapignac et l’image et la photographie me semblent toujours être un enjeu stratégique.

En tant que concepteur de solutions numériques (sites web, applications, etc.) et grand amateur de photos, j’essaie d’être au fait des dernières tendances en la matière. Je réalise une veille quasi quotidienne autour du webdesign, des interfaces utilisateurs et tout ce qui peut m’inspirer autour de ces sujets.

Inutile de préciser que la tendance du flat Design envahit la sphère numérique. Des interfaces minimalistes, des aplats de couleurs et beaucoup d’images. Énormément d’images ! Il n’y a qu’à donner quelques coups de souris sur des sites d’inspiration comme siteinspire.com ou encore awwwards.com pour s’en rendre compte.

Le fait est que l’image occupe une place prédominante sur bien des supports digitaux. À ce titre, elle devient un facteur clé de succès dans une stratégie de conception.

Il est alors intéressant de s’interroger sur ses caractéristiques, son rôle, sa fonction et ses impacts vis-à-vis d’un projet. Voici donc quelques idées et réflexions “un peu en vrac”.

Universalité, polysémie et synchronie, les caractères intrinsèques de l’image

L’image comme langage universel

L’image est une base de communication très puissante, car elle repose sur un “concept d’universalité”. Dans ce qui nous permet d’interpréter un objet (par exemple), l’image reste une constante tandis que le nom ou même la fonction sont une variable ; souvent liée à une communauté avec une culture spécifique comprenant une langue. Comme le montre le schéma ci-dessous, l’image reste invariante, quelle que soit la langue utilisée. Les fonctions peuvent, elles aussi, varier suivant la culture et le type ”d’objet”. In fine, l’image permet de s’adresser à une cible plus large, de façon simple, rapide et incisive.

Un caractère polysémique et synchronique

Dans un site web, il est toujours question de véhiculer des messages. L’avantage majeur d’une image par rapport à un texte, c’est que l’on peut transmettre plusieurs messages en même temps. On dit qu’une image est polysémique et synchronique.

De manière générale, il semble acquis, une fois pour toutes, que le code iconique est surtout esthétique, séducteur, qu’il frappe l’imaginaire, l’affectif, l’irrationnel, et que ses fortes charges connotatives favorisent la multiplication des interprétations, contrairement au code linguistique, seul susceptible de transmettre des significations précises et dépouillées.

L’organisation de la réception de l’image et l’accès aux sens (plutôt qu’au sens) sont probablement progressifs et séquentiels… Même rapide, la lecture de l’image est certainement temporelle et spatiale. Il y a, dans la plupart des cas, une succession chronologique dans la perception, l’identification et l’interprétation des différents éléments de l’image, donc des paliers de déchiffrement, avant la saisie définitive du sens. De même que, confronté à une image tant soit peu complexe, l’oeil balaie la surface spatiale du message iconique selon des cheminements dont certains commencent d’être connus et généralisés en lois.

Ainsi, l’image offre un format de lecture beaucoup plus riche de messages et de sens.

Par exemple, combien de mots vous faudrait-il pour décrypter l’émotion, le sens et les messages de cette photo de Marc Riboud ?

Marc Riboud — Washington D. C, 21 octobre 1967. Devant le Pentagone, lors d’une marche pour la paix au Vietnam, Jane Rose Kasmir donne un beau visage à la jeunesse américaine.

Les différentes fonctions de l’image

L’image peut aussi avoir plusieurs fonctions, dépendant surtout de l’intention stratégique. Pourquoi ai-je besoin d’une image ? Quel est mon objectif ? Quelle est la nature de mon message ? Quelle fonction mon image doit-elle remplir ?

En effet, l’image peut prendre plusieurs caractères différents : informative, documentaire, symbolique, divertissant, illustratif/décoratif, faire vivre l’action, l’image comme preuve !

Elle a une fonction narrative, lorsqu’elle prend le relai d’un récit ou l’accompagne (exemple : la bande dessinée).
Elle a une fonction expressive lorsqu’il s’agit d’expression artistique, symbolique, pour faire naître une émotion (exemple : des peintures impressionnistes qui font primer le ressenti, le partage d’un émoi).
Elle a une fonction argumentative lorsqu’il s’agit de convaincre, d’adopter une attitude, un produit ou au contraire l’éviter (exemple : des publicités).
Elle a une fonction explicative lorsqu’elle apporte une explication.

L’image comme clé de l’Expérience Utilisateur

L’image pour naviguer rapidement entre les idées

Aujourd’hui, quelques médias ont compris l’intérêt de cette navigation dans les idées à travers l’image. Par exemple, le LA Times offre l’opportunité à ses lecteurs une double lecture du journal : une navigation classique à travers les articles ou une exploration des sujets directement par les photos.

La nouvelle version du LA Times par code and theroyhttp://www.latimes.com

Dans un contexte où il s’agit de persuader ses utilisateurs dès les premières secondes, l’image peut s’avérer être une arme redoutable. (Mais elle peut aussi faire l’effet d’une bombe si la stratégie est mal pensée !)

Si l’avantage d’une image est de véhiculer plusieurs messages à la fois, c’est là aussi que réside toute la complexité autour de la création d’une image. Comment articuler les différentes idées pour offrir au lecteur une lecture synchronique, mais tout en conservant une logique de navigation dans les idées ?

L’image pour faire vivre une expérience

Dans certains cas, l’image permet d’immerger le spectateur dans un contexte pour lui faire vivre une véritable expérience. Bien entendu, cela dépend fortement de la nature de l’image et de l’intention de son auteur. Mais c’est aussi une question de présentation.

Site internet du photographe Ken Hermann : http://www.kenhermann.dk

Dans l’exemple ci-dessus, le photographe Ken Hermann accueille les visiteurs de son site avec une image en “full screen” (plein écran). Dès le premier coup d’oeil, l’auteur nous plonge littéralement dans son univers. Il nous fait vivre l’action et ressentir les émotions qui se dégagent de son image.

Dans la suite du site, le jeune photographe présente ses clichés sur fond blanc, de façon très minimaliste. L’intention n’est plus là même. Il expose ses photos en tant qu’oeuvre comme pourrait les présenter un musée. Le visiteur n’est plus “plongé dans l’image”. Ce type de présentation lui offre une deuxième lecture de l’image. Plus synthétique, plus contemplative, mais aussi plus analytique. C’est comme si on lisait une carte avec deux échelles différentes.

L’image personnalise l’expérience

L’interprétation d’une image reste en grande partie subjective. Chacun la décode, la ressent en fonction de sa connaissance, de ses expériences et de son contexte à un “instant T”.

Le visiteur s’approprie ainsi l’image. Il personnalise son expérience en grande partie grâce aux sentiments que cette image lui procure.

Ainsi un vétéran du Vietnam, n’aura pas le même regard que moi sur des photos de guerre. Le parent d’un ancien soldat aura encore un regard différent. Les exemples sont nombreux sur ce point.

Cela veut aussi dire qu’il faut, dans une certaine mesure, bien connaître à l’avance le public auquel on s’adresse. Ainsi, on pourrait appréhender l’expérience générée par les images et ainsi maximiser leur impact.

Conclusion

En tant qu’amateur de photo et pratiquant averti, je me réjouis de voir la place que reprend l’image dans les solutions numériques. Malheureusement, dans l’inconscient collectif, l’image semble tellement facile à produire ou à trouver qu’elle efface de l’esprit de beaucoup les enjeux stratégiques qu’il y a derrière.

Combien de fois ai-je entendu : “C’est mon cousin qui va faire les photos pour notre site web, il a un Reflex” ou encore “J’ai acheté des images sur une base de données”. Oui peut-être, mais quand l’image devient 80% du contenu avec des enjeux aussi importants, faut-il autant négliger cette question ?

Un bon photographe saura traduire vos intentions, vos objectifs en images. Il saura véhiculer vos messages à travers ses clichés. Il trouvera le ton adéquat pour apporter une expérience riche autour de vos photos.

Jonathan Scanzi, co-fondateur de l’agence d’innovation service Évolt

La vidéo au pouvoir ou le pouvoir de la vidéo S I M I L A I R E

P R É C É D E N T → L’écriture dans le design

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