Les start-ups, indicateurs des usages de demain ?

Pierre Chapignac
évolt stories
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4 min readApr 29, 2015

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by Évolt

L’histoire de la stratégie des géants du net peut se décrire comme une suite de rachats de start-ups aux activités fort variées. Pour autant, la cohérence de ces rachats pose souvent question. De plus, cette course aux acquisitions a un impact significatif sur le prix des dites start-ups.

Cela aboutit logiquement à des interrogations de la part des investisseurs et des places financières : n’assiste-t-on pas au développement d’une nouvelle bulle sur les entreprises des technologies de l’information ?

Ne pas laisser échapper la prochaine killer application

Sur quoi repose ce phénomène ? On peut résumer la situation en disant que tous les grands du net sont hantés par le fantôme de Black Berry. Il y a encore peu d’années, cette société était le leader incontesté et apparemment indéboulonnable du téléphone portable haut de gamme à usage professionnel. Et aujourd’hui, cet ancien acteur majeur est en perdition parce qu’il n’a pas su prendre en compte une mutation des usages : l’hégémonie du tactile et des applications.

Les grands du net se posent avec angoisse la question des usages de demain.

Une nouvelle plateforme d’accès aux contenus comparable à ce que fut le choc du smartphone ou de la tablette peut surgir demain et déferler comme une innovation fulgurante. Et, celui qui ne sera pas prêt tombera du manège et ne pourra plus jamais y remonter. Quels seront les hubs techniques par lesquels transiteront les informations demain ? Les Google Glass ? L’automobile ? Un nouveau terminal ou un « vieux » terminal s’ouvrant à de nouvelles fonctionnalités ?

Cette question s’étend aux plateformes qu’il s’agisse de vidéo, de musique, etc. La cupidité n’est bien sûr pas étrangère à cette frénésie. En effet, derrière le contrôle des accès se profile le contrôle du marché publicitaire.

Le règne de l’incertitude ou l’incapacité de voir ?

Cette inquiétude marque-t-elle l’avènement d’une domination de l’incertitude, d’une prolifération des fameux « cygnes noirs » (1) ? Personne ne semble en mesure d’anticiper, de définir des lignes de forces prospectives suffisamment stables. Mais, cette apparente incertitude n’est-elle pas la conséquence de la persistance d’un point aveugle ?

Nous ne savons pas comprendre la logique profonde des usages. Nous ne mobilisons pas les sciences sociales pour analyser les lignes de force des usages.

Finalement, ce champ d’ignorance n’est qu’un révélateur d’un phénomène majeur : la stratégie de développement doit impérativement intégrer les dimensions sociologiques car l’enjeu de l’économie demain se situe dans la capacité de produire, de gérer, de mobiliser du social, du sociétal.

Les cygnes noirs sont à nos portes

Mais, la logique profonde révélée par le phénomène de la course aux start-ups est loin de se limiter aux feuilletons hollywoodiens de la Silicon Valley et aux états d’âme des financiers new yorkais. Nous assistons au basculement de l’économie.

Pour schématiser, on peut dire que l’économie passe d’une logique de demande et de fourniture de moyens à une logique d’usage et de services effectivement rendus.

Ainsi, prendre en compte les usages et se donner les moyens de les anticiper sont au cœur de de l’innovation et du développement de chaque entreprise, de chaque écosystème économique. Les entreprises qui ne sauront pas saisir cette nouvelle donne seront inévitablement les victimes de cruels cygnes noirs.

(1) La notion de cygne noir a été développée par le philosophe et économiste Nassim Nicholas Taleb. Il s’agit de phénomènes imprévisibles et très improbables dont les impacts peuvent aller jusqu’à générer des bouleversements.

Pierre Chapignac, fondateur associé de l’agence d’innovation service Évolt

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