Les services aux commandes de l’automobile

Pierre Chapignac
évolt stories
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4 min readApr 2, 2015

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by Évolt

Dans son article « BMW ou la stratégie de l’écosystème », Jonathan met en lumière l’articulation gagnante entre produit et service. Il répond à la question « Comment un service fondé sur la prise en compte pleine et entière des usages des utilisateurs peut permettre l’avènement de nouveaux produits encore perfectibles ? ».

Ce faisant, l’auteur ouvre la voie à une hypothèse de plus en plus accréditée par les différentes évolutions en cours : le développement futur de l’automobile passe par les services substituant ainsi le leadership des services au leadership du produit de référence de l’époque industrielle.

Une dynamique servicielle

Cette hypothèse a plusieurs conséquences. La première est celle soulevée par l’article de Jonathan. L’enjeu de l’industrie de l’automobile est aujourd’hui moins industriel que serviciel. C’est en concevant les services qui vont favoriser, fluidifier et faciliter la mobilité basée sur l’automobile que le développement du secteur sera assuré.

Ce ne sont pas des progrès techniques spécifiques à l’automobile qui vont être une force motrice mais le développement des services.

Toute l’effervescence autour de la voiture connectée le démontre amplement. Bien sûr, les services ont une assise technologique avec le numérique. Mais, il s’agit de technologies qui assurent la maîtrise de l’information, ressource de base du service. Il ne s’agit pas de technologies propres à l’automobile.

Le leadership de l’écosystème

La seconde conséquence résulte directement de la précédente : l’écosystème tend à devenir le pivot autour duquel la mobilité s’organise. L’existence d’un écosystème n’est pas un phénomène nouveau dans l’automobile. Le véhicule s’insère en effet dans un ensemble complexe fait d’entretien, de route, d’assurance, d’accès au carburant, etc. sans lequel la voiture ne pourrait pas remplir son rôle.

Mais, cet écosystème a été subordonné au produit automobile. C’est la dynamique associée à ce dernier qui impulsait le développement de l’écosystème. Aujourd’hui, c’est l’écosystème qui prend le leadership. Le développement du véhicule électrique est dépendant de la mise en place d’un réseau d’accès à l’énergie électrique.

Demain, le véhicule automatique obligera à une évolution de l’environnement de service (assurance, droit notamment en terme de responsabilité, etc.).

L’industrie automobile et l’économie de la fonctionnalité

Les deux impacts évoqués ci-dessus mettent en lumière la marche de l’industrie automobile vers l’économie de la fonctionnalité. Cela s’inscrit dans une évolution plus globale qui est en train de modifier les valeurs symboliques qui servaient de socle aux usages (prestige social, caractère identitaire, fonctions sociales « indirectes », etc.).

Compte tenu du rôle de pivot de l’industrie automobile dans l’économie du vingtième siècle mais aussi dans sa culture, les évolutions en cours sont un révélateur de la mutation en cours.

Un jeu d’acteur très ouvert

Il reste à savoir quel jeu d’acteur va accompagner cette mutation. Une longue bataille semble s’engager entre deux familles de mastodontes : les grands groupes automobiles et les leaders du numérique tels que Google ou Apple.

Le patron de Daimler, Dieter Zetsche, cité par Le Monde évoque la supériorité des acteurs historiques du secteur : « La voiture, c’est nous qui l’avons inventée. Et l’expérience dans ce domaine est déterminante. Qui entre sur ce marché ne l’a pas ». Mais, les grands du numérique pourraient rétorquer : « l’avenir est aux services et le socle de services, c’est l’information. Or, c’est nous qui maîtrisons l’information ».

Conclusion

D’ailleurs pourquoi le dernier mot appartiendrait-il aux entreprises occupant le devant de la scène ?

Une entreprise comme Local Motors réussit à se développer en pratiquant l’open innovation à grande échelle. AKKA, une entreprise d’ingénierie (10000 ingénieurs sur 11000 salariés) née en 1984 dans l’automobile passe une alliance avec un constructeur chinois pour produire des véhicules haut de gamme. Les équipementiers comme Bosch sont également « en embuscade » en apportant des solutions technologiques aussi bien aux grands du numérique qu’à leur clientèle traditionnelle des groupes automobiles.

Cette ouverture du jeu est ici aussi un révélateur de la mutation en cours. La profondeur de la mutation rebat les cartes et nul ne peut s’endormir sur ses lauriers !

Pierre Chapignac, fondateur associé de l’agence d’innovation service Évolt

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