Photo: Angelina Litvin

I Let a Blank Notebook Censor Me

La Censure du Calepin Neuf

Hilal Isler
4WD Magazine
Published in
6 min readOct 13, 2015

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Traduction en français par Carrie Speaking, avec l’aimable permission de l’autrice Hilal Isler. / Translated into French by Carrie Speaking, with the kind permission of author Hilal Isler.

I packed very little for my vacation. A pair of jeans; some espadrilles. A small bottle of shampoo. Dental floss. A t-shirt with a typewriter on it. In my carry-on: headphones. Chargers. Two granola bars. My laptop, and a slim, beautiful notebook that I bought (especially for the trip) from a tiny specialty store.

Pour ces vacances, j’ai décidé de voyager léger. Une paire de jeans ; des espadrilles. Une bouteille de shampooing. Du fil dentaire. Un t-shirt, celui avec une machine à écrire dessus. Dans mon bagage cabine : des écouteurs. Des chargeurs. Deux barres de granola. Mon laptop, et un beau petit calepin que j’ai acheté tout exprès pour ce voyage, dans une toute petite boutique.

I carried that notebook everywhere, usually in my backpack. It traveled with me on connecting flights, and to adorable French cafes where I couldn’t properly pronounce anything on the menu.

For about two weeks, I wrote nothing in it. Sometimes I took the notebook out, long enough to admire the cover, with its inspirational quote, and its pages (such soft pages!) Paper from responsible sources, said a label on the back. Fancy, I’d think, and tuck it away. My new notebook was, in other words, too fancy for me, and my bad handwriting. It was too fancy for my disposable Bic pen. Too fancy for my thoughts: silly, fragmented, simple.

J’ai trimballé ce calepin de partout, en général dans mon sac à dos. Il s’est trimballé avec moi pendant mes correspondances, et jusqu’à l’intérieur de ces adorables cafés français où je n’arrivais rien à prononcer sur le menu.

Pendant environ deux semaines, je n’ai rien écrit dedans. Des fois je le sortais, assez longtemps pour en admirer la couverture, recouverte de jolies citations censées m’inspirer. Et ces pages (tellement douces, ces pages !) Papier issu de sources responsables, que ça disait au dos. Original, je me disais, avant de le ranger aussitôt. En somme, mon nouveau calepin était trop original pour moi et mon écriture toute moche. Il était trop original pour mon Bic jetable. Trop original pour mes pensées, idiotes, fragmentées, simplistes.

I usually buy my notebooks in bulk, and for cheap: Acme notebooks that are sturdy, and useful. I don’t think twice about marking them up, dog-earing the pages. They’re the notebook-equivalent of fat pants: with smears of cream cheese on the corners, and kettle chip-crumbs caught in the creases. You could write a fart joke in an Acme, and she wouldn’t bat an eye. Not at all like Fancy. Yesterday morning, on an airplane, I found myself writing in the margins of an in-flight magazine. I had nothing else to write in except…except Fancy. I ran out of margin-space pretty quickly, as you do, and began watching a British romcom starring Lake Bell. Bell plays a thirty-something woman who has trouble taking chances.

D’habitude, j’achète mes calepins à la douzaine, pour pas cher : des calepins bon marché, mais solides et utilitaires. Je n’y réfléchis pas à deux fois avant d’y faire des marques ou des oreilles de chien. C’est un peu l’équivalent “calepin” du fute confortable que vous mettez chez vous : celui avec des vieilles tâches de kiri dans les coutures et des miettes de chips dans les ourlets. Vous pourriez écrire une blague potache sur ce genre de calepin sans que ça ne vous arrache un regret. Bref, tout l’inverse d’Original. Hier matin, dans l’avion, j’en suis même arrivée à écrire dans les marges du magazine de la compagnie. J’avais rien d’autre pour écrire, à part… Eh ben, à part Original. Evidemment, je suis assez vite tombée en rade de place dans les marges et je me suis mise à regarder une comédie romantique britannique avec Lake Bell. Bell y joue une trentenaire qui a du mal à prendre des risques.

About twenty minutes into the movie, it hit me. Lake Bell’s paralysis in the face of fear helped me realize Fancy probably represented something beyond her 32 delicately-lined-responsibly-sourced pages.

What I was facing here wasn’t just a literal blank page, but a figurative one: pristine, perfect, holding so much promise, so much potential for…failure. Since I’d been afraid of starting off on the wrong foot with Fancy, of not writing The Perfect Thing About My Trip, I didn’t write at all.

Environ vingts minutes après le début du film, ça m’a fait tilt. La paralysie de Bell face à ses propres peurs m’a fait réaliser qu’Original représentait peut-être quelque chose d’autre, qui allait bien au-delà de ses 32 pages aux lignes finement tracées et au papier issu de sources responsables.

Ce qui me fixait entre quatre yeux, là, c’était pas une page blanche au sens littéral, mais au sens figuré : vierge, parfaite, pleine de promesses, pleine d’un potentiel pour… l’échec. Comme j’avais peur de partir du mauvais pied avec Original, comme j’avais peur de ne pas écrire Le Truc Parfait Au Sujet De Mon Voyage, alors je n’écrivais pas du tout.

I paused the film, reached into my backpack, and pulled out the notebook. I bent the book open, running my thumb down the binding. On the front page I scribbled out a ridiculous ‘To Do’ list with bulletpoints like: LEARN TO KNIT, and: FIND A FRENCH PENPAL. I began doodling in the margins. Badly. I drew an octopus with six legs, and a penguin with a winky eye. Then, I wrote this. Fancy let me. I let me.

As it turns out, neither of us is that interested in perfection after all. We are more interested in process; in the playful, messy, arbitrary magic that is sometimes sparked by the simple act of stringing words together, one after the other, like beads on a necklace. Or, like empty pages in a beautiful, hand-bound notebook.

J’ai mis le film en pause, j’ai plongé la main dans mon sac à dos, et j’en ai sorti le calepin. Je l’ai ouvert en grand, en appuyant bien mon pouce tout le long de sa reliure. Sur sa page de garde j’ai griffoné une liste de trucs à faire absurde, des trucs du genre : APPRENDRE A TRICOTER, et : NOUER UNE RELATION EPISTOLAIRE AVEC UN FRANCAIS. J’ai commencé à glander dans les marges. A glander sévère. J’ai dessiné un poulpe à six pattes et un pingouin qui fait un clin d’oeil. Et puis j’ai écrit ce texte. Original m’a laissé faire. Je me suis laissée faire.

Au final, ni lui ni moi n’étions vraiment intéressés par la perfection. Nous étions bien plus intéressés par le processus. Par la magie arbitraire, erratique et facétieuse qui se crée parfois à travers le simple acte de relier des mots les uns aux autres, un par un, comme des perles sur un collier. Ou comme sur les pages vierges d’un joli calepin relié à la main.

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