La pédagogie des bots littéraires

par Joanna Marques et Julia Dumont

Julia Dumont
16 min readMay 16, 2019

Qu’est-ce qu’un bot littéraire ?

Tout comme un robot, un bot est conçu pour répéter une tâche automatisée, mais contrairement à lui, ce n’est pas un objet, il est immatériel.

Ici nous nous intéressons particulièrement aux bots d’écriture ou de réécriture qui sont composés d’éléments invariables (une structure) et d’éléments variables (listes de mots ou de groupes de mots) dans lesquels le bot va aller piocher pour composer un texte.

Cette réplique de Don Rodrigue dans le Cid de Corneille a initié le @BotCid. A droite, voici la structure qui a été conservée (éléments invariables dans chacune des composition du bot), en orange les mots qui sont remplacés aléatoirement par le bot (élément variables).

Un bot peut par exemple :

  • compiler des mots définis pour composer des textes
  • automatiser la publication de messages sur les réseaux sociaux
  • re-twitter automatiquement des tweets contenant certains mots-clés
  • répondre un message aléatoire à des correspondants qui l’interpelleraient
  • formuler des réponses différentes en fonction des mots clés utilisés par les correspondants (un peu à l’image des chatbots qui formulent des réponses à certains mots, permettant de simuler une conversation)

Ce que nous appelons ici bot littéraire est donc un bot qui s’inspire d’une oeuvre littéraire pour écrire des textes. Textes qui seront postés sur les réseaux sociaux soit directement soit en réponse à des usagers de ces mêmes réseaux sociaux.

En concevant un bot littéraire en classe, les élèves devront donc au minimum s’inspirer d’une œuvre (un ouvrage, un auteur, un genre, une époque…) et composer les listes d’éléments variables qui viendront nourrir le bot. Dans un exercice plus long, ils pourront aussi, pourquoi pas, rédiger eux-mêmes la structure initiale.

De nombreux exercices de bot sont possibles, citons-en quelques uns et découvrons avec eux des exemples de bots pour nourrir la réflexion :

  • générer un texte à partir d’une structure donnée et en nourrissant celle-ci avec des listes de mots établies par les élèves. Cette forme de production peut permettre de moderniser un auteur ou un thème en y introduisant un vocabulaire moderne. On peut également imaginer reprendre les lieux et les personnages d’une oeuvre pour les remettre en scène.
Le #LynchBot de Franck Bodin (à l’origine de notre réflexion et de notre productions sur les bots) compose des petits bouts de Twin Peaks avec ses éléments clés (lieux, personnages, objets)
  • générer un texte à partir d’une structure donnée et nourrie de termes sélectionnés dans une œuvre choisie (ou un corpus du même auteur, d’une même époque, d’un même genre). Les élèves devront identifier les termes qui peuvent se substituer à d’autres et les lister afin de générer de nouveaux possibles.
Le @LaFontaineBot produit de nouvelles fables de La Fontaine avec une structure inspirée des premiers vers du Corbeau et du Renard et nourrie par des mots prélevés dans Les Fables.
  • réécrire “à la manière de” à partir d’une structure prise à un auteur. Le bot peut emprunter une structure, un style particulier à un écrivain par exemple et l’imiter à l’infini à partir de propositions originales ou prises dans l’œuvre de l’auteur. On crée ainsi des “remix”.
L’@apollibot “Absurdité de la guerre” génère de nouveaux vers à partir d’une structure et de mots pris dans l’oeuvre d’Apollinaire
  • recomposer des phrases, des vers, ou des termes pris à une oeuvre.
Le @BotMallarme brasse des vers du poète et les agence de manière aléatoire en respectant un schéma de rimes croisées
  • Rédiger des réponses de personnages sur des thèmes précis, à la manière d’un chatbot.
Inspiré du personnage de Flaubert, le @CharlesBOTvary publie des tweets aléatoires mais répond également lorsqu’on le mentionne sur Twitter. Dans l’exemple ci-dessus, les réponses du @CharlesBOTvary ont été générées par le bot en réaction aux mots clés présents dans les mentions du bot (comme le deuil ou la dette).
  • un exercice de type “cadavre exquis” : après une première réflexion en classe sur la structure à adopter (sujet-verbe-complément, nom-adjectif … mais également les questions d’accords en genre et nombre) les élèves pourraient lister pour certains des noms, d’autres des adjectifs, etc. et les entrer dans le bot sans concertation afin de générer ces cadavres exquis.
  • exercice d’ “épuisement” à la manière de Perec : cette tentative d’épuisement d’un sujet est facilitée par la possibilité de modifier et enrichir son bot après sa publication. On peut proposer un début de vers ou de phrase à compléter jusqu’à épuisement. Ou proposer un sujet (comme la ville pour Pérec), observer et ensuite écrire tout sur ce qu’il y a à écrire le sujet.

Pourquoi créer des bots en classe ?

Avec l’utilisation de deux outils particulièrement simples à prendre en main (voire notre article sur la conception de bots en classe entière), la partie code-programmation ne prend ici que quelques minutes. Ce n’est pas l’objectif principal, alors quel est-il ?

La plongée dans l’oeuvre

Pour concevoir un bot il faut avant tout avoir une matière à y insérer, c’est donc principalement manipuler, sélectionner des phrases et des mots. Les apprentis-boteurs cherchent dans les œuvres littéraires de la matière première pour leur programme : ils extraient ainsi la “substantifique moelle” d’une œuvre, s’approprient le style d’un auteur pour l’insuffler dans leur bot, réfléchissent à l’expression et la caractérisation d’un personnage afin de le faire converser, etc.

Envisager un travail de réécriture à partir d’extraits d’une œuvre nécessite de s’assurer que celle-ci se trouve bien dans le domaine public. C’est la condition sine qua none pour avoir le droit légal de remixer une oeuvre. Le catalogue des œuvres littéraires tombées dans le domaine public est foisonnant et surprenant. L’occasion est donc parfaite pour renouveler les œuvres ou les auteurs d’ordinaire étudiés en classe. On pourra ainsi proposer aux élèves de travailler à partir d’un fichier pdf ou ePub légalement téléchargé sur internet ou encore à partir du “Livre pour les vacances” que chaque CM2 reçoit avant son entrée en 6e (celui-ci est d’ailleurs disponible en version audio et en braille pour les déficients visuels et/ou auditifs). En 2018, il s’agissait des Fables de La Fontaine. Les œuvres du domaine public sont accessibles gratuitement, on ne génère donc pas de coût supplémentaire pour l’établissement ou pour les familles.

Dans le cas où le bot est construit à partir de termes pris dans une oeuvre, il peut aussi être intéressant de proposer aux élèves de constituer eux même l’anthologie qui servira de support de recherche pour le bot. Les élèves apprennent à chercher des textes du domaine public, se familiarisent avec différentes bibliothèques. Ils peuvent travailler sur le “nettoyage” d’un texte ancien et remarquer l’évolution de l’orthographe. Ils parcourent de nombreux textes, sélectionnent ceux qui s’insèrent pertinemment dans le projet de bot : le classique travail de l’anthologie littéraire souvent proposé et son usage sont ainsi revisités.

L’enseignant peut donner la structure du bot à ses élèves mais il peut aussi leur demander de la rédiger ! Pour extraire l’essence d’une œuvre, il peut envisager un temps de travail préalable par la textométrie. Passé à la moulinette de la statistique, un texte ou un corpus de texte révèle la longueur de ses phrases, les mots, formes verbales et les temps les plus utilisés, ou au contraire ses nullax (mot complètement absent en comparaison avec d’autres textes de la même époque, du même auteur ou du même genre). Les résultats de l’analyse textométrique seront un excellent point de départ à la rédaction de la structure du bot. Une telle séance peut être vue comme un autre moyen de se plonger dans une oeuvre. C’est ce qui a été fait pour la création du @BotVoeux et c’est ce qui a permis de dégager un rythme, des thèmes et des éléments de langage.

Le @BotVoeux produit des vœux présidentiels. Sa structure a été rédigée suite à l’analyse d’un corpus de transcriptions des vœux télévisés des Président de la Ve République Française. L’analyse de ce corpus a été faite en partie par la textométrie avec l’outil en ligne Voyant Tools.

Appropriation des genres littéraires

Rédiger la structure d’un bot ou enrichir la liste des mots ou groupes de mots qui lui donneront sa couleur, c’est également une autre façon de s’approprier les genres littéraires. Le tweet final sera le concentré d’un genre choisi, il en ressortira donc ses codes essentiels.

La structure d’un bot de poésie peut faire intervenir des connaissances en versification : si le bot doit générer des vers, les élèves devront vérifier les phonèmes pour respecter les rimes, qu’elles soient pauvres ou riches, embrassées ou suivies. Ils devront aussi compter les syllabes et prendre en compte les élisions afin de respecter la métrique choisie.

Par exemple, dans le @LaFontaineBot qui produit une fois par jour une fable de La Fontaine inédite à partir des Fables elles-mêmes, la structure est divisée en 3 parties :

  • Un titre qui mixe les titres des Fables.
  • Un résumé dont la structure a été rédigée à partir des premiers vers “du Corbeau et du Renard”.
  • Une morale prélevée dans les Fables et dont certains mots ont été remplacés.

Dans la partie “résumé”, il faut donc respecter la métrique et les rimes croisées des vers d’origine. Voici la structure :

Dans le deuxième vers par exemple, il faut composer deux listes de verbes à l’infinitif. Pour respecter la rime croisée de fin de vers, le deuxième sera forcément un verbe du premier groupe. Pour respecter la métrique de 8 syllabes du vers d’origine (“Tenait en son bec un fromage.”), on ventile 2 syllabes sur le premier verbe et 2 sur le second. Le “et” venant après le premier verbe, il faudra faire attention à l’élision possible du “e” final d’une verbe du troisième groupe et en tenir compte dans le choix des verbes de la liste :

Liste des verbes 1 et verbes 2 composant le programme du @LaFontaineBot

La poésie n’est qu’un exemple et les possibilités sont presque infinies ! On pourra s’inspirer des nombreux bots déjà présents sur Twitter à travers notamment le compte @CercleBoteursFR qui retweet de nombreux bots francophones : @debutaleatoire un bot générateur d’incipits pour travailler l’entrée en matière dans un livre, le théâtre et ses didascalies avec le @BotCid, le dialogue amoureux avec le @LoveBot67175596, le discours présidentiel avec le @BotVoeux… Ceci permet également d’ouvrir cet exercice à d’autres disciplines que le Français.

Quelques exemples de bots littéraires retweetés par le compte @CercleBoteursFR

Maîtrise de la langue

Pouvoir générer des tweets cohérents à partir de listes de variables nécessite un solide travail sur la syntaxe et la grammaire : les élèves sont amenés à se demander quel mot peut être déplacé, inséré et selon quelles conditions dans la phrase. Dès les premiers essais de générations de tweets, il faut souvent modifier ses propositions : tous les noms ne vont pas avec tous les adjectifs ; des problèmes de genre et de nombre se posent ; les verbes transitifs avec les COI ou les COD, etc. Faire travailler des élèves à la création de bot participe au travail d’appropriation de la langue. Le professeur a l’occasion ici de travailler de nombreux champs de l’enseignement du français selon le type de bot. L’analyse grammaticale des phrases qui serviront de structure de base est indispensable. La grammaire et la syntaxe sont au cœur du travail de réflexion : comment enrichir un nom ? par quels termes remplacer un adjectif attribut du sujet ? L’élaboration des variables pour le bot participe aussi à un travail du lexique et du champ lexical, notamment dans un travail “d’épuisement” d’un sujet à la Perec. Bien entendu, la conjugaison des verbes dans les phrases est travaillée également et le passé simple souvent rencontré dans les œuvres et peu maîtrisé trouve une occasion privilégiée d’être employé.

Les outils permettant de générer des exemples de tweets avant publication permettent une détection et une remédiation directe des incorrections grammaticales. Les élèves ont ainsi un feedback immédiat, nécessaire à un meilleur apprentissage. Après un premier relevé, ils peuvent se trouver avec des problèmes d’accord, de syntaxe ou des remarques inattendues : lors de l’élaboration du @apollibot, les élèves devaient trouver des substituts à la proposition subordonnée relative “qui illuminent la nuit”, ils ont rapidement remarqué qu’elle pouvait être remplacée par une autre relative mais aussi par un complément du nom, ou un adjectif qualificatif. Les connaissances en langue sont investies dans un contexte d’écriture, les élèves les utilisent alors pour acquérir de nouvelles compétences.

Work in progress : différentes étapes du travail sur la langue lors de la création d’un bot par les élèves de Lettres partagées @LPartagees

On trouve ici un des principaux intérêts du travail du bot : l’élève a un retour direct sur ce qu’il crée grâce à la génération aléatoire. Il peut ainsi vérifier sa liste et réfléchir à l’articulation des termes entre eux. Cela conduit à de riches conversations et réflexions sur la langue mais également la littérature : ce personnage aurait-il dit cela ? les images générées sont-elles fidèles à l’auteur ?

Ainsi syntaxe, lexique, conjugaison sont au service de la production d’énoncés. Cette démarche qui met la langue au cœur de la réflexion peut aussi être étendue aux langues vivantes et antiques.

Les compétences du XXIe siècle

La pédagogie par le bot permet aussi de s’initier à la programmation : sa grammaire et sa rigueur notamment. En plus d’être un langage dont l’apprentissage brasse les mêmes compétences que l’enseignement d’une langue étrangère, l’apprentissage du code informatique familiarise les élèves avec sa logique et peut aider les élèves à élaborer leur pensée, conceptualiser (un des enjeux majeurs de l’enseignement), les fait anticiper et corriger immédiatement grâce au feedback direct dans une démarche de résolution de problème.

Le site cheapbotsdonequick signale une erreur dans le code ainsi que la ligne concernée : ici à la ligne 47, un problème de virgule, que les élèves peuvent identifier et corriger en réfléchissant à la grammaire du code.

La construction d’un bot en classe va également permettre de développer les compétences douces des élèves. Des compétences sociales tout d’abord car c’est un projet auquel toute la classe va participer, selon les modalités habituelles du travail de groupe. Le professeur définit les groupes selon ses objectifs et ses élèves. Un projet de bot permet surtout à tous les élèves de s’impliquer : tous les élèves parcourent les textes à la recherche des mots nécessaires ; certains nourrissent un intérêt pour le codage en tant que nouveau langage dans lequel ils se sentent moins en difficulté que le Français ; les élèves plus conscients de la cohérence syntaxique qu’ils ont intégrée repèrerent “d’instinct” les propositions adéquates ou erronées dans les listes. Cela permet un enseignement mutuel : des élèves expliquent à d’autres comment reconnaître une proposition subordonnée relative, se questionnent ensemble sur la nature d’un mot … De manière informelle, la collaboration entre les élèves sur ce projet a permis un tutorat. Lors de ces travaux de bots, aucun élève ne s’est retrouvé dans la situation où aucune tâche ne lui était possible. Tous ont pu apporter leur contribution : ils sont ainsi motivés par le succès de leurs propositions et ils s’investissent. Certaines étapes ont également permis de développer la confiance en soi. Avant publication, les élèves les moins sûrs d’eux ont par exemple pris un peu de temps pour générer et lire plusieurs “tweets de test”. Les deux outils entrant dans la conception simplifiée de bots littéraires (Tracery et Cheapbotsdonequick) permettent en effet de simuler la publication du bot et de générer autant de messages aléatoires qu’on le souhaite. Les élèves peuvent ainsi vérifier eux-même ou avec les membres de leur groupe, la validité de leur production avant de la proposer au reste de la classe — avec assurance cette fois.

Ne vous y trompez pas, la création de bot est un exercice de créativité ! Une rapide lecture des nombreux bots présents sur Twitter ainsi que des twitts générés par un seul bot vous en donnera une idée. La créativité réside dans la thématique, dans la structure mais aussi dans les listes de mots. Un même bot peut ainsi s’avérer tantôt gentillet, tantôt espiègle, tantôt sombre ou même amusant ! La couleur que l’on donnera au message généré aléatoirement réside dans l’association des éléments mais aussi dans la lecture qu’on en a. Un mot aléatoire ne prendra pas forcément la même signification, la même connotation, dans deux messages différents générés par le bot. Il dépend en effet de son contexte. Une même proposition peut ainsi être lue au premier degré comme dans un sens plus métaphorique selon les mots qui lui sont accolés. Les élèves avaient-ils anticipé cela en composant leurs listes ?

La créativité est ici contrainte. Un peu comme dans un exercice d’Oulipo, la créativité des élèves se nourrit de ces contraintes. La structure est par exemple limitée par des objectifs pédagogiques et par un nombre de caractères maximum (280 caractères sur Twitter) ; les listes de mots sont contraintes par des règles de grammaire, de conjugaison, d’orthographe, de versification… Bien que créatif, cet exercice pourrait se rapprocher d’un courant littéraire appelé “uncreative writting”, une “écriture sans écriture” comme le théorise Kenneth Goldsmith dans on ouvrage L’écriture sans écriture du langage à l’âge du numérique (édition Jean Boîte, 2018):

“Internet et l’environnement numérique présentent aux auteurs et aux lecteurs de nouveaux défis et de nouveaux outils pour repenser la créativité, l’autorité de l’auteur et notre relation avec la langue. Alors que nous sommes de plus en plus confrontés à une quantité inédite de textes et de langages — y compris le traitement de texte, les e-mails, les messages courts et la pratique des réseaux sociaux — toute une nouvelle production considérée comme ne relevant pas de la littérature nous offre la possibilité d’aller au-delà de la création de nouveaux textes et de gérer, d’analyser, de nous approprier et de reconstituer ceux qui existent déjà.”

La publication du bot est également un levier pour la motivation des élèves quand le travail collaboratif se mue en travail contributif.

Sketchnote de @MarineBtgs sur la “Classe contributive”

Les élèves contribuent aux communs du web et visent un large public. Ces compétences clés du XXIè siècle — collaboration, créativité, recherche documentaire, publication — doivent être enseignées car se sont des compétences émancipatrices qui participent à réduire la fracture numérique. Les élèves doivent apprendre à publier à l’école sous peine de ne laisser l’espace numérique et internet qu’à ceux en ayant des usages avancés, ce qui reproduit les inégalités que l’école vise à effacer.

La publication de bots littéraires s’inscrit ainsi dans la démarche de Cultures Remix lancée par Canopé Ile-de-France : faire découvrir l’art, la culture aux élèves en les faisant remix, publier, contribuer.

Le compte @CulturesRemix ainsi que la balise #CulturesRemix valorisent les productions qui mêlent différentes œuvres du domaine public

Si la démarche contributive permet de créer ou enrichir une œuvre du domaine public, le numérique ouvre la possibilité de co-créer sans contrainte de temps ou de géographie. Une classe peut enrichir un bot propulsé plusieurs mois ou années auparavant, y apporter de nouvelles connaissances et compétences. Plusieurs classes peuvent contribuer à un même bot depuis des académies différentes comme pour la conception du @botconjugaison (un bot créé par les élèves de 5e du Réseau des Lettres et générant des exercices de conjugaison). Un enseignant pourra par exemple se saisir du projet contributif du @BotCid déjà présenté précédemment. Commencé avec les seuls vers “Je suis jeune il est vrai …” de Rodrigue, ce bot invite les volontaires à l’étoffer avec d’autres répliques revisitées tirées de l’oeuvre de Corneille. Une belle manière de démarrer dans les bots. Les règles de contribution ont été exposées dans un thread sur Twitter.

La publication de bots par les élèves leur permet de s’approprier une démarche de production numérique mais également de construire leur culture numérique. Comprendre comment sont générés de nombreuses publications automatiques, qu’elles peuvent être programmées (choix d’heure, fréquence …) et comment elles fonctionnent. En lisant les tweets générés par le bot, on pourra constater que sur l’application d’un terminal mobile, une mention claire du mode de publication apparaît (ce qui n’est pas le cas si on consulte le site Twitter depuis un ordinateur).

Lorsque l’on rédige la biographie du compte Twitter associé au bot avec les élèves, l’idée de ne pas mentir aux internautes revient souvent. Ceux qui seraient amenés à lire les tweets du bot doivent être clairement informés sur le côté génératif et automatique de ces messages. Il peut être pertinent également de faire expliquer la démarche de production par les élèves (dans la limite des 160 caractères accordés pour une biographie sur Twitter). Les élèves apprennent et s’approprient ainsi le monde qui les entoure.

Cette publication peut aussi générer des questions intéressantes sur l’auteur véritable du tweet. Est-ce le/les auteur(s) de la structure ? Le/Les auteur(s) des listes de propositions qui nourrissent le bot ? Est-ce le bot lui-même ? Nous n’avons pas la réponse à cette question, chacun peut avoir son propre avis et c’est sans doute un débat qu’il est intéressant de mener avec les élèves en lisant les premières publications.

Terminons cette présentation de la pédagogie du bot une réflexion nécessaire sur la durée de vie des bots produits. La propulsion de tweets, la sauvegarde du programme, l’hébergement du compte Twitter… tout cela à un coût environnemental. Il peut être intéressant de sensibiliser les élèves à ce sujet et décider d’une durée de vie pour le bot : l’année scolaire, au-delà (bots contributifs notamment). Mais loin de nous l’idée de vouloir mettre une date d’expiration sur chaque bot : il peut tout à fait être décidé de le laisser actif sans limite ! L’important est de soulever la question.

La création de bots littéraires en contexte scolaire amène à parcourir les œuvres littéraires et se les approprier par un projet d’écriture. La réflexion sur la langue, les compétences d’écriture et les codes littéraires sont au cœur du travail mené par les élèves. L’environnement numérique permet de développer de nombreuses compétences nouvelles dans une démarche rigoureuse de production contributive. De nombreux bots ont vu le jour récemment : chacun propose une interprétation différente de la démarche et permet d’imaginer de nouveaux exercices. L’aspect technique et la mise en place d’un tel projet ne doivent pas vous empêcher de vous lancer : nous vous invitons maintenant à lire ce second article où nous détaillons la démarche proposée et fournissons des astuces pour mener à bien ce travail en classe entière :

  • Joanna Marques, professeure de Lettres au collège Robert Doisneau de Clichy-Sous-Bois
  • Julia Dumont, médiatrice ressources et services à l’Atelier Canopé 94

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Julia Dumont

Consultante open data chez @Datactivi_st Pédagogie les mains dans le cambouis. Médiation de données par le fun et la créativité.