Refuser systématiquement les réunions pour être plus productif. Chiche ?

Thomas Gadroy
6 min readOct 4, 2016

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Crédit : Benjamin Child

On ne va pas se leurrer : les réunions sont un gouffre de productivité infâme. Probablement une invention de Satan.

Entre la rencontre d’une heure qui commence par 45 minutes à se montrer les photos de vacances de chacun…

Celle non préparée où les participants viennent les mains dans les poches sans la moindre idée de ce qui les attend…

Celle qui s’éternise à tel point que plus personne n’est en état de réfléchir ou de prendre une décision…

Celle qui se termine sans actions concrètes, sans décisions, et à la fin de laquelle absolument rien n’a changé…

Celle qui est organisée en plein milieu de la mâtinée ou de l’après-midi afin de bien saboter la productivité de tout le monde…

Celle qui se fait passer pour un brainstorming, mais où finalement c’est l’avis de celui qui crie le plus fort et le plus vite que l’on retient…

Celle qui n’est ni gérée, ni arbitrée, qui commence sans ordre du jour et qui se termine sans compte-rendu…

Celle “d’information” qui durera plusieurs heures mais dont le contenu aurait pu tenir au final dans un mail de trois paragraphes…

Bon, on ne va toutes les citer, mais je tiens tout de même à terminer avec une mention honorable pour les deux acteurs sans lesquels rien de tout cela ne serait possible :

  • L’atteint de réunionite aiguë (qui donne l’impression de vouloir combler son emploi du temps avec des réunions) et
  • L’économe qui utilise la réunion pour éviter d’avoir à préparer ou rechercher.

“- Allez, on se fait un point ?

- Hein ? Mais… vous n’avez pas lu mon dernier mail ? Je vous ai fait une synthèse complète.

- Oh, on va se voir en personne, c’est plus convivial.”

Vous l’aurez compris :

J’ai une sainte horreur de ces réunions

Un peu de bon sens et de pragmatisme, bon sang.

Un problème ? Étudions les solutions. Si on les a pas encore, étudions le problème. Si on est pas certain du problème, étudions les symptômes.

Un différend ? Écoutons attentivement ce que chacun a à dire et tâchons de négocier.

Une inconnue ? Analysons le projet, examinons les opportunités, listons nos options et décidons de comment les tester ou les implanter.

Une info à transmettre ? Réfléchissons déjà à ce que nous voulons transmettre et qui en a besoin. Nous verrons ensuite par quel biais.

Bref : Situation => Action.

Les réunions me rendent fou parce qu’on y passe généralement plus de temps à tergiverser ou à servir les agendas personnels qu’à faire ce pour quoi on les organise.

Attention, j’adore le contact humain. J’ai les yeux qui brillent quand je pense aux idées qui naissent dans le flot de l’échange et de la discussion.

Mais les réunions inutiles me donnent un haut de cœur.

Et pourtant, même moi (avec mon amour immodéré pour ce genre de pratique), je dois reconnaître que…

Les réunions ne sont pas toujours inutiles

L’avantage de travailler seul dans son coin, c’est l’immense liberté qui va avec : faire ce qu’on veut, quand on veut, comme on veut. Pas de gêneurs, pas de réunions, pas de comptes à rendre.

Ô joie !

Mais l’inconvénient, c’est que travailler seul limite les possibilités.

Ajoutez (au hasard) un client ou un investisseur, et -ta da !- vous avez des fonds pour travailler.

Ajoutez une équipe, et vous avez les compétences pour réaliser un projet, plutôt que d’attaquer seul des tâches isolées.

On va plus vite seul. On va plus loin en équipe.

Le meilleur exemple que je puisse donner, c’est celui que je connais le mieux : construire des sites internet.

Aujourd’hui, faire un site web sur-mesure (un tantinet plus avancé que le blog où tata Germaine ira publier ses photos de chats) demande des compétences diversifiées.

  • Créer une identité visuelle
  • Imaginer une interface
  • Rédiger les contenus
  • Coder le résultat
  • Héberger le site
  • Planifier la stratégie
  • Etc.

Chacune de ces lignes demande un expert qui a pris le temps de maîtriser cette compétence particulière.

Le travail en équipe permet de créer des choses beaucoup plus complexes. Le prix à payer, c’est la collaboration. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment un prix, c’est plutôt la colle qui permet à la magie de s’exercer.

La collaboration est nécessaire parce que tous les interlocuteurs ne viennent pas des mêmes horizons et ne parlent pas la même langue.

Elle est nécessaire parce que, même dans une équipe dont les membres ont l’habitude de travailler ensemble, il faut partager l’information. Suivre l’avancement régulièrement pour lever les obstacles. Et, parfois, échanger avec un petit nouveau (le client) qui lui découvre tout le process’ avec de grands yeux émerveillés (ou terrifiés, c’est selon).

La collaboration est nécessaire parce que (et c’est toute la beauté de la chose), elle permet par des moyens simples (le sketchstorming par exemple) de générer des idées neuves.

Bref, autant les réunions peuvent être un calvaire, autant la collaboration permet des résultats magiques.

Plus de collaboration avec moins de réunions

Oui, mais comment ? (C’est une question ouverte. Je n’ai honnêtement pas la réponse magique).

La toile regorge de très bons articles et tuto pour organiser des réunions productives, y compris des témoignages inspirants de ceux qui ont carrément fait le pas et sont passés en mode asynchrone (je pense notamment à celui-ci).

Pour apporter ma petite pierre à l’édifice, voici quelques “trucs” que nous utilisons dans notre agence, et qui fonctionne plutôt bien dans notre cas.

1/ Avant d’accepter une réunion, une checklist pour s’assurer qu’elle est utile

  • Elle a un ordre du jour
  • Les gens ont des “devoirs” pour la préparer
  • Elle est nécessaire
  • Une personne prend des notes, une autre l’arbitre (gestion du temps, etc.)
  • Elle se termine par une liste d’actions concrètes avec une deadline et un responsable pour chaque

2/ L’équipe fait une “mêlée” (oui, comme au rugby) de 15 min tous les jours, debout.

Chaque membre de l’équipe prend 60 secondes pour expliquer ce qu’il a fait la veille, ce qu’il fait aujourd’hui et les obstacles qu’il rencontre.

(La mêlée est l’une des (nombreuses) bonnes idées inspirées du Scrum.)

3/ Une fois par semaine, une rétrospective en moins d’une heure pour vérifier l’avancement de nos objectifs pendant la semaine et prendre un peu de recul pour déceler dans notre process’ les points sur lesquels nous devrions nous améliorer.

4/ Un “onboarding” de nos clients au départ de chaque nouveau projet : prendre le temps de revoir ensemble la vue macro du projet et creuser les prochaines étapes dans le détail pour lever les doutes.

5/ Des points très courts (moins de 20 minutes) mais réguliers avec les clients pour éviter l’effet tunnel “6-mois-plus-tard-on-montre-enfin-ce-sur-quoi-on-travaille-et-le-client-se-rend-compte-que-c’est-pas-du-tout-ce-qu’il-voulait”.

6/ Le sketchstorming en amont de chaque projet : une approche géniale qui mérite un article à elle seule.

7/ Des créneaux de communication synchrone : on travaille chacun de notre côté (peut-être même dans des locaux différents) mais sur le même projet, en même temps. On se croise immédiatement autour d’une table (ou sur le chat de l’agence) pour discuter 5 min d’un point, et on retourne à ce qu’on faisait.

Note : ce dernier point peut paraître contre-productif en terme de culture de l’interruption, mais paradoxalement, de courts créneaux comme celui-ci ont un effet incroyable sur l’avancement des projets… et évitent de multiplier les réunions.

Malheureusement, il n’y a pas de miracles, et on court toujours le risque de rencontrer un nouvel interlocuteur fervent pratiquant de réunionite.

Dernier recours ?

Tenter le réunionmètre, pour donner à l’organisateur de la rencontre une petite idée de ce qu’elle coûte réellement.

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Thomas Gadroy

Content Strategist @Payfit, passionné de marketing pragmatique et #NoBullshit.