Les histoires d’un étudiant sans histoires

Partie 3 — Des liaisons dangereuses

Alma Mater
4 min readDec 27, 2017

Retrouvez les parties précédentes ici : Partie 1 , Partie 2

Les vibrations du téléphone continuaient de se propager dans les mains de Raph alors qu’il regardait l’écran, la boule au ventre. Après avoir vérifié trois fois, il était à présent sûr qu’il s’agissait bien de la fameuse inconnue et ce fut seulement après ces quelques réflexions que sa sonnerie, Should I stay or should I go de The Clash, brisa le silence qui s’était imposé de lui-même, le sortant ainsi de sa torpeur. Il avait l’impression que le téléphone sonnait depuis déjà dix minutes.

Le jeune homme ne prit pas le temps de regarder son camarade, car il savait qu’il lui dirait de décrocher immédiatement, à défaut qu’il ne le fasse lui-même. Ce fut donc le cœur au bord des lèvres, qu’il fit glisser le bouton vert, vers la gauche. Instantanément, la musique s’arrêta, laissant place à nouveau à un silence encore plus gênant que le précédent. Alors que Clément s’approchait pour entendre ce qui allait se dire, Raph posa son smartphone sur l’oreille écrasant à l’occasion quelques mèches blondes.

A l’autre bout du fil, on pouvait entendre la respiration lourde de l’interlocuteur qui devait sûrement attendre que quelqu’un réponde. Après quelques secondes de silence, une voix rauque osa un « Allô ? » de l’autre côté de la ligne. L’étudiant en biologie fut tétanisé, à la fois parce que la voix était évidemment celle d’un homme, mais aussi que ce simple « Allô ? » était empli d’une colère noire.

En détournant les yeux vers son ami, Raph pût voir qu’un sourire se dessinait sur les lèvres de son ami, un sourire d’excitation. Le jeune homme ferma les yeux, prit une grande inspiration, puis se lança dans l’arène :

« Allô ? dit-il d’une voix presque tremblante.

-Raphael ? Demanda la voix rocailleuse. Raphael Montieux ?

-C’est moi-même, répondit-il en se demandant comment il pouvait connaître son nom. Et vous êtes ?

-Celui qui va t’enfoncer son poing dans ta gueule, ajouta-t-il en haussant de plusieurs tons. Qu’est-ce que tu as fait avec ma copine, espèce de salaud ?! Tu crois que je n’ai pas vu le message qu’elle t’a envoyé ? Je vais te retrouver demain, et t’exploser.

-Il y a… une erreur, bredouilla Raph qui sentait le peu de courage qu’il lui restait partir.

-Une erreur de quoi ? Tu vas me dire que tu as glissé et que… BOOM… tu es rentré papa comme dans maman ? Tu me prends pour un abruti ?

-Non, ce n’est pas ça… Je n’ai absolument aucun souvenir de la veille, mais je me connais, je sais que je n’aurai jamais rien fait avec une fille si je la savais en couple. (Et il savait que c’était vrai.) Il y a quiproquo, je suis sûr qu’on peut s’expliquer… elle doit être juste côté de toi, en plus, vu que tu as son téléphone, demandes-lui !

-Quand elle t’a envoyé le dernier message, elle a jeté son téléphone sur le lit et elle est partie sous la douche, mais oui, je vais avoir une putain de conversation avec elle. Elle avait un sourire bien trop grand en t’écrivant. Ne quitte pas la ville, petit, je te retrouverai, et à ce moment-là… »

L’homme à la voix rauque avait raccroché. Raph posa son téléphone sur la table, et respira un grand coup. Les jambes de l’étudiant étaient tétanisées : lui qui était l’homme le plus prude de la fac, voir du monde, il se retrouvait dans une situation digne de Barney Stinson dans How I Met Your Mother, sans l’aspect comique…

« Tu es vraiment un abruti… déclara Clément alors qu’il en avait presque oublié l’existence. Tu n’aurais pas pu lui demander un prénom ? Ou au moins celui de la fille ? »

Raph se frappa le front de la paume de sa main en soupirant.

« Je l’ai fait au début, mais sa colère a vite pris le dessus sur moi. (Silence) Qu’allons-nous faire ?

-Il faut qu’on retrace ta soirée pour comprendre à qui nous avons à faire. Tu sais un peu comme dans Very Bad Trip, mais j’espère qu’on ne va pas se faire tabasser par des moines comme dans le deux, ajouta-t-il en rigolant.

-Ou qu’en fait, c’est toi, mon meilleur ami, qui m’a drogué, comme dans le un, lâcha laconiquement Raph.

-Tu m’en crois capable ? Demanda-t-il avec un air vexé.

-Toi, non, répondit-il après un temps de réflexion. Mais en ce qui concerne les autres, j’ai plus de réserve.

-En tout cas, je n’en ai pas entendu parler. Je te propose que nous recontactions l’asiatique, elle nous donnera plus d’informations sur le début de la soirée. Comment s’appelait-elle ?

-Je n’ai que son prénom : Faï. Cependant, je ne pense pas que cela nous avance grandement.

-Tu rigoles ? dit Clément en riant. »

Il attrapa son propre téléphone, et ouvrit Facebook. En effet, avec un unique prénom, il était difficile de trouver une personne, mais l’ami de grande taille avait des talents de « stalker ». En quelques mouvements, il passa de page en page, en éliminant les possibilités. Il chercha dans les groupes de licence de Diderot, par géolocalisation, mais aussi par les amis des amis, des amis… Comme il aimait à le rappeler souvent, nous ne sommes pas protégé sur internet. Rentrer sur un réseau social, c’est comme pactiser avec le diable : accepter que tout le monde puisse avoir accès à ta vie, pour voir celle des autres. Cependant, il admettait que cela était fort pratique, et donc qu’il pouvait bien vendre son âme pour cela.

Au bout de cinq minutes, alors que Raph s’était levé pour aller chercher une boisson au frigo, même s’il le savait vide, Clément annonça avec un air de fierté :

« Nous avons rendez-vous avec elle, dans dix minutes, au bar Pedro & Peña… mais elle n’a pas l’air ravi à l’idée de te revoir. »

Guillaume Girier

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