(F. Faugère/L’Équipe)

Astuces d’intervision : proposer des solutions puissantes

Chloé Grandin
6 min readAug 22, 2022

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Vous avez réussi à organiser une session d’intervision et à poser des questions utiles au porteur du sujet ? Il est temps de passer à l’étape la plus créative de l’intervision (ou en fait de toute conversation autour d’une problématique) : proposer des solutions. En référence à notre recherche de questions “puissantes” je vous propose de vous pencher sur des solutions qui me semblent “puissantes” également.

Parfois c’est compliqué

Il arrive que le porteur du sujet ait simplement besoin de l’expérience de ses pairs pour lui proposer des solutions dont il n’aurait pas connaissance. L’étape des “si j’étais toi” prend alors la forme d’un mentoring de groupe ou chacun fait ses recommandations et transmet ses meilleures astuces d’expert. C’est l’occasion de procéder à un partage d’expérience fructueux dont chacun peut ressortir avec des idées nouvelles.

Et parfois c’est complexe

Mais dans d’autres cas, lorsque le porteur du sujet a déjà fait de nombreux essais vains, les solutions d’experts ne suffisent pas toujours … et peuvent même se révéler contre-productives. Comme par exemple lorsqu’on propose au porteur du sujet une solution qui semble en apparence différente de ce qu’il a déjà essayé alors qu’elle ressemble en fait à toutes les stratégies qu’il a déjà essayées. On entretient alors une boucle de type “toujours plus de la même chose” qui ne permettra pas de résoudre la problématique.

Exemple : Julie voudrait que les membres de son équipe participent plus en réunion (on peut creuser la raison au moment des questions mais dans cet exemple admettons qu’elle ne nous intéresse pas). Elle a déjà essayé :

  • de les questionner tout au long de la réunion
  • de leur donner la parole tour à tour
  • de leur dire “j’ai besoin de vos avis, ils sont importants pour le projet”

Le point commun de toutes ces tentatives est le message de fond de Julie qui répète systématiquement “je veux vous convaincre que vous devez participer plus”. Si au moment des solutions le groupe d’intervision lui propose des idées du même type, par exemple “si j’étais toi je leur demanderais d’étudier le sujet avant la réunion pour qu’ils puissent réagir plus facilement pendant”, il est probable qu’elles ne fonctionneront pas plus que les précédentes tentatives de Julie même si elles semblent pertinentes. Pourtant ce sont potentiellement les idées qu’elle retiendra le plus parce qu’elle correspondent à des réflexes qui lui sont familiers et confortables.

Il est donc judicieux de commencer par identifier le schéma réflexe de la personne ayant posé sa problématique en essayant de trouver le point commun des initiatives déjà tentées. Une fois ce comportement réflexe repéré, il s’agira alors d’éviter de soumettre des solutions qui pourraient rentrer dans cette catégorie ou a minima de s’assurer en tant que facilitateur.ice d’en souligner les similitudes avec les précédentes tentatives.

Alors on propose quoi de vraiment différent ?

Si des solutions logiques, créatives mais finalement similaires ne sont peut-être pas si pertinentes, que peut-on proposer en tant que participant à l’étape des “si j’étais toi” ? Et bien nous allons pouvoir nous tourner vers un panel de solutions plus exotiques. Pour les adeptes de la systémie on dirait passer de solutions de type 1 à des solutions de type 2.

Seulement imaginer ce genre de stratégie n’est pas toujours chose aisée. Voici mes astuces préférées pour vous aider à proposer des solutions vraiment différentes dénichées pour la plupart dans l‘indispensable Comment réussir à travailler avec presque tout le monde de Lucy Gill.

Passer en Fosbury

Souvent la personne qui rencontre une problématique récurrente est tentée d’abandonner après de nombreuses tentatives de résolution infructueuses. Et si plutôt que d’arrêter de faire quelque chose elle tentait de faire l’exact inverse de sa tentative actuelle ? Pour ça, reprenez l’intitulé de la stratégie récurrente actuelle et ajoutez des négations.

Exemple : “si j’étais toi Julie je demanderais au groupe de ne surtout pas participer, en justifiant par exemple en disant qu‘habituellement tout le monde est d’accord avec toi donc que tu dois prendre confiance en toi en arrêtant de toujours demander l’avis des autres” (on cherche une justification qui ne soit pas cynique).

Utiliser le mimétisme

Cette stratégie consiste à se transformer en caméléon en repérant dans son environnement les personnes ou équipes qui réussissent à ne pas subir le même problème et en les imitant. Elles ont probablement une astuce, consciente ou non, qu’il est possible de reproduire.

Exemple : “si j’étais toi Julie je penserais à des personnes dans le même contexte dans mon entourage qui ne rencontrent pas cette même problématique et j’identifierais ce qu’elle font différemment” => Julie se rappelle alors d’une équipe similaire à la sienne dans laquelle son équivalent ne participe pas à ce genre de réunion et demande simplement des nouvelles à la fin.

Enquêter comme Sherlock Holmes

Empêtré comme il l’est dans sa problématique, le porteur du sujet n’a peut-être pas remarqué que parfois, son problème ne se produit pas. On peut étudier ces réussites en repérant les moments où ça marche pour ensuite essayer d‘en trouver le point commun.

Exemple : “si j’étais toi Julie je me demanderais à quel moment mon problème ne se produit pas et je reproduirais ces conditions” => Elle ne l’avait même pas remarqué mais Julie se rend compte que lorsque les réunions sont décalées le jeudi matin tout le monde est beaucoup plus actif que le vendredi après-midi.

Devenir diabolique

Il arrive qu’une personne s’interdise certaines tentatives par peur des conséquences. Pour explorer ce terrain et trouver une manière plus rassurante de les appliquer il est intéressant de lui demander “quelles solutions est-ce que tu ne te verrais jamais employer ?”. Si besoin on peut noter puis barrer celles qui sont illégales ;) Il est maintenant possible de les envisager même si elles sont inconfortables en se demandant quels moyens détournés pourraient être utilisés pour les employer.

Exemple : “Si j’étais toi Julie je noterais toutes les solutions que tu t’interdis puis je chercherais à les détourner. Par exemple :

  • Virer toutes les personnes de l’équipe qui ne parlent pas => “si j’étais toi, je n’inviterais à la réunion que les personnes qui participent et pas les autres”
  • Leur donner des high kicks => “si j’étais toi, je définirais un safe word, par exemple high kick, quand tu veux signifier simplement à l’équipe que tu es fatiguée de devoir les relancer”
  • Arrêter de parler => “si j’étais toi je n’animerais plus la réunion, je les laisserais parler et je ne répondrais qu’aux questions

Créer des conséquences

On essaie parfois de protéger les autres au détriment de nous-même et c’est ainsi qu’on se place dans des situations gênantes desquelles on ne peut plus sortir. Il peut être utile de montrer que le comportement dérangeant peut avoir des conséquences.

Exemple : “si j’étais toi Julie je préciserais au début de la réunion que seuls ceux qui donnent leur avis en amont auront le droit de participer aux prises de décisions”.

Manger ses chaussures

Parfois quand la logique et les habitudes ne suffisent plus c’est qu’il est temps d’aller chercher des idées un peu absurdes. Pour ça vous pouvez dégainer votre plus beau jeu de cartes Dixit, un tarot suffisamment imagé ou même utiliser un générateur de stratégies obliques. Tirez une carte et essayez de la décrire le plus précisément possible puis de faire le lien avec la situation et enfin imaginez une solution à laquelle cette carte vous fait penser.

Exemple : je tire cette carte de Dixit, j’y vois une pomme véreuse qui me fait penser à la connaissance et au fait de l’altérer. Je propose à Julie “si j’étais toi, je commencerais à raconter des énormités en réunion, à dire des choses manifestement fausses ou même à parler en charabia pour provoquer une réaction inattendue”.

Exemple : je tire la stratégie oblique “Détruis — rien — la chose la plus importante” et propose à Julie : “si j’étais toi, j’annulerais la réunion. Peut-être que ce format ne leur convient pas, peut-être que tu peux parvenir à tes fins autrement qu’avec une réunion, peut-être que ça va créer un manque pour eux”

Vous l’imaginez bien, il n’y a pas UNE bonne solution alors n’hésitez pas à en proposer plusieurs pour que le porteur du sujet trouve celle qui lui correspond et qui sera la plus naturelle pour lui tout en vous assurant qu’elle est bien différente de sa stratégie d’origine.

Je vous souhaite de chouettes intervisions et beaucoup de solutions créatives :)

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