Un scénario optimiste pour Bitcoin (partie 3 sur 4)

L’évolution de la monnaie

Greg Guittard
22 min readMar 27, 2018

Cet article est une traduction du troisième article de la série en quatre parties de Vijay Boyapati, appelée “The Bullish Case For Bitcoin”, traduit avec l’accord de M. Boyapati.

Avertissement : Les opinions exprimées dans cet article et toutes les erreurs présentées ici sont de la seule responsabilité de l’auteur initial. Cet article est à titre informatif seulement. Ce n’est pas un conseil d’investissement. Cherchez un professionnel dûment agréé pour obtenir des conseils en placement.

Le rôle de médium d’échange de la monnaie est une réelle obsession de l’économie monétaire moderne. Durant le XXe siècle, les états ont monopolisé l’émission de la monnaie et ont continuellement sapé son usage comme réserve de valeur, créant ainsi une fausse croyance selon laquelle la monnaie est initialement définie comme un médium d’échange. D’aucuns ont critiqué Bitcoin comme étant une monnaie inadaptée dans un rôle de médium d’échange à cause de son prix considéré comme trop volatil. C’est cependant à mes yeux mettre la charrue avant les bœufs. La monnaie a toujours évolué par étapes, avec le rôle de réserve de valeur précédant le rôle de médium d’échange. Un des pères fondateurs de l’école économique marginaliste, Stanley Jevons, expliquait ainsi :

Historiquement parlant… L’or semble avoir servi, initialement, comme un bien précieux purement décoratif ; puis ensuite, pour stocker de la richesse ; et en troisième lieu, comme un médium d’échange ; puis, finalement, comme une réelle mesure de valeur.

Selon la terminologie moderne, la monnaie évolue toujours selon les quatre étapes suivantes :

  1. Collectionnable : Dans la toute première étape de son évolution, la monnaie sera seulement demandée sur la base de ses caractéristiques singulières propres, laquelle relève souvent de la fantaisie de ses premiers possesseurs. Les perles, autres coquillages puis l’or furent, tous, d’abord des collectionnables avant de progressivement transitionner vers les rôles propres à la monnaie qui nous sont plus familiers.
  2. Réserve de valeur : Une fois que suffisamment de gens recherchent ces caractéristiques propres à la monnaie en question, elle commence à être de plus en plus reconnue comme un moyen de garder et de stocker de la valeur à travers le temps. Au fur et à mesure qu’un bien devient plus largement reconnu comme une réserve de valeur souhaitable, le pouvoir d’achat qui lui est associé augmente proportionnellement avec le nombre de personnes qui le recherchent également dans ce but précis. Ce pouvoir d’achat associé pourra éventuellement atteindre un plateau quand l’usage de cette monnaie dans ce but précis sera entré dans les mœurs de la population, et que l’afflux de nouvelles personnes cherchant à la détenir dans cet objectif commencera potentiellement à diminuer.
  3. Médium d’échange : Quand la monnaie est pleinement établie comme une réserve de valeur, son pouvoir d’achat se stabilise. Avec un pouvoir d’achat stable, le coût d’opportunité jusqu’ici associé à l’utilisation de cette monnaie comme un médium d’échange diminue jusqu’à un niveau qui peut justement rendre ce nouvel usage souhaitable. Dans les premiers jours de Bitcoin, beaucoup de gens n’ont pas su apprécier le coût d’opportunité associé à l’utilisation précoce de bitcoins comme un médium d’échange, plutôt que comme une réserve de valeur balbutiante. L’histoire tristement célèbre de l’homme qui avait acheté deux pizzas contre 10 000 bitcoins (un coût d’opportunité estimable à 94 millions de dollars à l’heure de la rédaction de cet article) en est une claire illustration.
  4. Unité de compte : Quand une monnaie est largement utilisée comme un médium d’échange, les prix de plus en plus de biens commencent à être exprimés en ses termes. Par exemple, dans un premier temps, on commencera à préciser le prix en cette monnaie comparativement à son taux d’échange par rapport à la monnaie déjà en place. C’est une erreur commune que de penser que des prix exprimés en Bitcoin sont disponibles pour beaucoup de biens aujourd’hui. Par exemple, même si une tasse de café peut tout à fait être achetée en utilisant des bitcoins, le prix affiché n’est pas un véritable prix en bitcoins ; à la place, il s’agira d’un prix en dollars souhaité par le marchand, lequel serait éventuellement ensuite traduit en termes de bitcoins au taux d’échange actualisé de la paire USD/BTC. Si le prix de Bitcoin vient à chuter en termes de dollars, le nombre de bitcoins demandé par le marchand peut alors augmenter considérablement. On ne pourra considérer Bitcoin comme une réelle unité de compte qu’à une seule condition : dans le cas où, un jour, le commerce global se ferait en acceptant les bitcoins comme moyen de paiement sans avoir à tenir compte d’un taux d’échange par rapport aux monnaies fiduciaires.

Les biens monétaires qui ne sont pas encore des unités de compte peuvent néanmoins sembler parfois “partiellement monétisées”. Aujourd’hui, l’or remplit un tel rôle, étant une réserve de valeur mais ayant été dépouillé de ses rôles de médium d’échange et et d’unité de compte par les interventions gouvernementales. Il est aussi possible qu’un bien remplisse le rôle de médium d’échange d’une monnaie tandis qu’un autre bien remplira les autres rôles attendus. C’est typiquement vrai dans des pays aux états dysfonctionnels comme l’Argentine ou le Zimbabwe. Dans son livre Digital Gold, Nathaniel Popper écrit :

En Amérique, le dollar remplit sans heurt les trois fonctions de la monnaie : servir de médium d’échange, être une unité pour mesurer le coût des biens, et être un actif à travers lequel la valeur peut être stockée. En Argentine, à l’opposé, alors que le peso était utilisé comme un médium d’échange — pour les achats de la vie quotidienne — personne ne l’utilisait comme une réserve de valeur. Garder ses économies en peso était littéralement l’équivalent de jeter son argent par les fenêtres. Alors les gens échangeaient dès qu’ils le pouvaient leurs pesos contre des dollars, ce qui gardait leur valeur supérieure à celle du peso. Parce que le peso était trop volatile, les gens exprimaient plus volontiers les prix en dollars, qui leur fournissait une unité de mesure plus fiable dans le temps.

Bitcoin est actuellement en train de transitionner d’une première étape de pré-monétisation à un second état monétaire. Il se passera probablement plusieurs années encore avant que Bitcoin n’ait totalement évolué de son statut de réserve de valeur naissante à celui d’un véritable médium d’échange, et le long chemin menant à ce Graal est encore empreint de risques et d’incertitude. Il est frappant de noter qu’effectuer la même transition prit plusieurs siècles à l’or. Personne n’ayant vécu, et personne ne vivant actuellement, n’a encore vu la réelle monétisation complète de l’or en tant qu’actif remplissant les trois fonctions évoquées auparavant à la fois. Par extension, il n’y a donc que très peu d’indicateurs et d’expériences du passé permettant de se faire une idée précise du temps que pourrait prendre un tel processus de monétisation complète dans le cas précis de Bitcoin.

Dépendance au sentier

Durant le processus pour être monétisé, un bien monétaire peut voir une explosion littérale du pouvoir d’achat qui lui est associé. Beaucoup ont commenté cet augmentation vertigineuse du pouvoir d’achat associé à Bitcoin comme justifiant de la comparaison de Bitcoin avec une “bulle”. Bien que ce terme ait souvent été utilisé d’une manière désobligeante, pour suggérer que Bitcoin était grossièrement surévalué, c’est en réalité un qualificatif tout à fait approprié, mais pour d’autres raisons. Une caractéristique commune à tous les biens monétaires est que leurs pouvoirs d’achat associés sont plus élevés que ce que leur usage seul peut justifier. En fait, beaucoup de monnaies historiques n’ont jamais eu aucune valeur intrinsèque du tout. La différence entre le pouvoir d’achat associé à un bien monétaire et sa valeur d’échange possible par rapport à son utilité propre peut être définie comme une “prime monétaire”. Comme un bien monétaire transitionne à travers les différentes étapes de sa monétisation (comme définies auparavant), la “prime monétaire” pourra augmenter. Cette “prime” ne progresse pas de façon linéaire et prévisible, cependant. Un bien donné X qui était en plein processus de monétarisation peut tout à fait être mis hors jeu soudainement par un autre bien Y qui se trouve tout à coup plus désirable en tant que monnaie, et la “prime monétaire” de X peut alors fondre voire disparaître entièrement. La prime monétaire de l’argent disparut totalement à la fin du XIXe siècle, quand les gouvernements à travers le monde l’abandonnèrent largement en tant que monnaie pour se tourner plutôt vers l’or.

Répartition du prix entre utilité industrielle et “prime monétaire” pour l’argent, l’or et le BTC

Même en l’absence de facteurs exogènes comme des interventions gouvernementales ou une compétition avec d’autres biens monétaires, la prime monétaire d’une nouvelle monnaie ne suivra de toute façon pas une courbe prédictible. L’économiste Larry White observait que :

… le problème avec la métaphore d’une “bulle”, bien évidemment, est qu’elle peut s’appliquer à n’importe quelle courbe monétaire ; et que de plus, elle ne fournit aucune explication d’aucune évolution d’aucun prix, même sur des exemples particuliers.

Le processus de monétarisation relève de la pure théorie des jeux ; chaque participant au marché essaie d’anticiper la demande globale des autres participants, et donc la future prime monétaire afférente. Parce que la prime monétaire n’est pas en lien avec l’utilité intrinsèque du bien monétaire, les participants au marché tendent à se reporter aux prix passés pour déterminer si un bien monétaire est cher ou non au vu du contexte momentané, et quand il vaut mieux le vendre ou l’acheter. La connexion entre la demande momentanée et les prix passés est appelée “dépendance au sentier” et c’est probablement la plus grande source de biais cognitifs et de confusion dans la compréhension des évolutions des prix des biens monétaires.

Quand le pouvoir d’achat associé à un bien monétaire augmente de concert avec son adoption, les espoirs du marché, et les définitions conventionnelles de ce qui est considéré comme “cher ou non”, évoluent en conséquence. De la même façon, quand le prix d’un bien monétaire s’effondre, les espoirs peuvent tout aussi bien se métamorphoser en l’opinion inverse, que les prix précédents étaient après tout “irrationnels” ou totalement exagérés. Le sentier de la dépendance dans le domaine monétaire est illustré par les mots du bien connu Josh Brown, gérant de fond d’investissement de Wall Street :

J’ai acheté [des bitcoins] à quelque chose comme 2300$ et j’ai eu une multiplication quasi immédiate de mes avoirs par deux. Puis j’ai commencé à me dire “Je ne peux quand même pas en acheter plus”, tandis qu’il continuait à s’envoler, alors que ce n’était qu’une opinion arrêtée qui ne reposait sur rien d’autre que le prix auquel je l’avais acheté au départ. Puis, pendant qu’il s’effondrait la semaine dernière à cause de la répression en Chine à l’encontre des sociétés d’échange de Bitcoin, j’ai commencé à me dire “Allez, génial, j’espère qu’ils vont l’achever, que je puisse en acheter encore plus.”

En définitive, la notion-même de “cher ou pas” est inadaptée lorsqu’on fait référence à des biens monétaires. Le prix d’un bien monétaire n’est en définitive pas le reflet d’un flot monétaire particulier ou d’une utilité supposée, mais en fait une mesure d’à quel point ce bien est largement adopté à travers les différents rôles d’une monnaie.

De plus, la théorie de la dépendance au sentier prend encore plus de plomb dans l’aile lorsqu’on réalise que les participants au marché n’agissent pas tant en observateurs dépassionnés, essayant d’acheter ou de vendre en anticipation des mouvements futurs de la prime monétaire tant désirée, mais qu’ils agissent également comme des évangélistes zélés. Comme il n’y a en définitive pas de prime monétaire objectivable, le prosélytisme dans un tel contexte en vantant les qualités supérieures du bien monétaire en question est bien plus efficace dans le contexte monétaire que pour les autres types de biens de consommation classiques, dont la valeur dépend en définitive des capitaux financiers et de leur demande rattachée solidement à leur utilité réelle. La ferveur quasi religieuse de certains des participants au marché de Bitcoin peut être observée à travers une variété de forums sur Internet, où les propritétaires de bitcoins promeuvent activement les bénéfices de Bitcoin et la richesse que tout un chacun pourrait supposément acquérir en investissant en son sein. En observant le marché de Bitcoin, Leigh Drogen commente :

Vous pouvez l’identifier comme une religion — une histoire que nous nous racontons les uns aux autres et sur laquelle nous sommes d’accord. Nous pensons que le genre de courbe que son adoption devrait suivre serait assez similaire à celui d’une religion. C’est une illustration presque parfaite — dès que quelqu’un s’y trouve confronté, il en parle à tout le monde autour de lui et entre dans un processus quasi évangéliste. Puis ses amis s’y mettent également et propagent eux aussi la bonne parole.

Alors que la comparaison à une religion peut tout à fait conférer à Bitcoin une aura de foi irrationnelle, il semble en fait tout à fait logique à un individu propriétaire de bitcoins d’essayer de convertir ses proches à ce bien monétaire qu’il considère comme supérieur aux autres, et de souhaiter que sa société l’embrasse dans son entièreté. La monnaie agit comme des fondations pour tous les échanges, tout le commerce et toutes les économies, donc il peut sembler que l’adoption d’une forme supérieure de monnaie pourrait avoir des bénéfices comparatifs énormes, presque multiplicatifs, en terme de création de richesse pour tous les membres d’une société.

Le déroulement d’une monétarisation

Alors qu’il n’y a à priori aucune règle concernant la route que suivra un bien monétaire pendant sa potentielle monétarisation, une curieuse tendance a émergé pendant l’histoire relativement brève de début de monétarisation de Bitcoin. Le prix de Bitcoin semble suivre une tendance à la progression en fractale, dans laquelle chaque itération de cette fractale suit harmonieusement une forme classique de cycle du hype (ce cycle est une marque déposée du groupe Gartner).

Dans son article sur l’Adoption Spéculative du Bitcoin par rapport à la Théorie des Prix, Michael Casey pose le postulat que l’expansion de l’adoption de Bitcoin selon des cycles successifs de type hype de Gartner représente plusieurs phases d’une adoption qui respecterait une courbe étalon similaire à celle dejà suivie par plusieurs évolutions technologiques ayant déjà transformé la société et devenues depuis communément utilisées par tout un chacun.

Différentes technologies désormais communément adoptées et leurs courbes d’adoption respectives à travers le temps, depuis le début du XXe siècle.

Chaque cycle de la hype de type Gartner commence avec une déflagration d’enthousiasme pour la nouvelle technologie et le prix flambe sur le marché par l’entrée en jeu de participants qui peuvent se permettre cette première itération. Les acheteurs initiaux dans un cycle hype Gartner ont typiquement une conviction forte concernant la nature profondément transformatrice de la technologie dans laquelle ils investissent. Éventuellement, le marché peut atteindre un crescendo d’enthousiasme à mesure que l’offre en nouveaux participants qui peuvent être emportés par ce cycle hype Gartner s’amplifie et que l’achat global se trouve dominé par les spéculateurs plus intéressés par des profits rapides que par la technologie sous-jacente.

Suivant le pic du cycle hype Gartner, les prix chutent rapidement et la ferveur spéculative est vite remplacée par le désespoir, les quolibets de l’opinion publique et l’impression qu’en définitive la technologie ne sera pas transformatrice du tout. Éventuellement, le prix peut atteindre un plateau à un prix diminué auquel les investisseurs originels conservant leur confiance initiale se trouvent rejoints par une nouvelle cohorte d’investisseurs qui ont pu supporter la souffrance induite par le crash et qui eux, savent également apprécier l’importance de la technologie en elle-même.

Le plateau persiste ensuite pour une période de temps prolongé sous différentes formes, que Casey décrit comme une “dépression stable ennuyeuse”. Pendant le plateau, l’intérêt du public pour la technologie va diminuer mais cette dernière va continuer à être développée et la communauté de fervents convaincus va lentement grandir. Une nouvelle base est alors établie pour une nouvelle itération du cycle hype Gartner à mesure que les observateurs extérieurs reconnaissent que la technologie ne va pas disparaître et qu’investir sur son avenir n’est peut-être pas si risqué qu’il le semblait pendant la phase de crash du cycle précédent. L’itération suivante du cycle hype Gartner portera une gamme encore plus large d’adopteurs et sera alors encore plus élargie en magnitude.

Très peu de personnes participant à une itération d’un cycle hype Gartner vont correctement anticiper à quel point les prix pourront grimper avant de se stabiliser au sein de cette itération-même. Les prix atteignent habituellement des niveaux qui peuvent sembler tout à fait absurdes à la plupart des investisseurs des étapes initiales du cycle global. Quand le cycle prend fin, les médias ont tendance à rechercher une cause à attribuer à ce nouveau crash. Alors que l’événement désigné (par exemple, la faillite d’un site majeur d’échange de bitcoins – un exchange) peut effectivement parfois être considéré comme précipitant, ce n’est souvent pas la raison fondamentale de la fin du cycle. Les cycles de hype de type Gartner finissent parce qu’un épuisement des participants au marché finit par s’observer sur ce cycle-même.

Il est dit que l’or a suivi un cycle tout à fait classique de la hype de type Gartner entre la fin des années 1970 et le début des années 2000. Certains pourraient spéculer que ce cycle de la hype est une dynamique sociale inhérente au processus de monétisation à proprement parler.

Cohortes de type Gartner

Depuis le lancement du premier exchange avec la première cotation monétaire de Bitcoin en 2010, le marché de Bitcoin a traversé quatre cycles majeurs de hype Gartner. A la réflexion, on peut précisément identifier les gammes de prix des précédents cycles de hype Gartner dans le marché de Bitcoin. On peut également identifier qualitativement les différentes cohortes d’investisseurs qui se sont progressivement associées aux différentes itérations des cycles précédents.

0$30$ (2009–Juillet 2011): Le premier cycle de hype sur le marché de Bitcoin a été dominé par les cryptographes, les informaticiens et les cypherpunks qui étaient déjà pré-disposés à comprendre l’importance et le caractère profondément disruptif de l’invention de Satoshi Nakamoto. De plus, à ce moment, les pionniers étaient libres de toute limite technique pour établir le protocole Bitcoin fondamental.

30$250$ (Juillet 2011–Avril 2013): Le second cycle attira à la fois des adeptes de nouvelles technologies et un flux disparate d’investisseurs motivés par des idéologies pouvant se développer dans le potentiel apatridisme de cette monnaie. Des libertariens comme Roger Ver étaient attirés par Bitcoin, avec lequel des actions anti-establishment devenaient possibles dans le cadre d’un monde où cette technologie naissante serait largement adoptée.

Wences Casares, un serial entrepeneur brillant au réseau développé, fit également partie du second cycle de la hype de Bitcoin et est connu pour avoir évangélisé à Bitcoin certains des principaux investisseurs de la Silicon Valley.

250$1100$ (Avril 2013–Décembre 2013): La troisième vague de hype vit l’entrée d’investisseurs institutionnels qui étaient préparés à braver le caractère relativement complexe de cet actif ainsi que sa liquidité toute relative. La source primaire de la liquidité du marché pendant cette période était l’échange MtGox basé au Japon qui était dirigé par l’incompétent notoire Mark Karpeles, qui plus tard sera condamné à de la prison ferme pour son rôle supposé dans l’effondrement de l’exchange.

Il est important de noter que l’ascension du prix de Bitcoin pendant les cycles de hyper susmentionnés fut largement corrélé avec l’augmentation de liquidités affluant dans le marché et la facilité avec laquelle les investisseurs pouvaient acheter des bitcoins. Durant la première phase de hype, il n’y avait pas de véritable exchange existant et l’acquisition de bitcoins se faisait principalement par le minage ou par un échange direct avec quelqu’un qui avait déjà miné des bitcoins. Durant la seconde phase de hype, des exchanges rudimentaires ont commencé à apparaître, mais obtenir et sécuriser des bitcoins depuis ces exchanges demeurait trop complexe pour la grande majorité, à l’exception donc des investisseurs biberonnés “à la tech”. Même pendant la troisième vague, des obstacles significatifs persistaient pour tout investisseur qui souhaitait transférer de l’argent sur MtGox pour acheter des bitcoins. Les banques étaient réfractaires à faire affaire avec l’exchange, et les vendeurs de seconde main qui prétendaient faciliter les transferts de fonds étaient souvent incompétents, criminels, ou carrément les deux à la fois. De toute façon, la plupart de ceux qui avaient franchi ces obstacles et avaient réussi à gérer le transfert de fonds vers MtGox perdirent finalement toutes leurs ressources investies quand l’exchange fut hacké et plus tard fermé.

Ce ne fut qu’après la chute de l’exchange MtGox, et près de deux ans d’un marché calme en convalescence, que des sources plus sûres de liquidités furent développées après un processus général de maturation ; on peut citer pour exemple les exchanges régulés comme GDAX ou l’entrée sur le marché de courtiers comme Cumberland Mining.

Dans la foulée, quand le quatrième cycle de hype commença en 2016, il était devenu relativement facile pour des investisseurs particuliers d’acheter des bitcoins et de les sécuriser.

1100$–20089$ (2014–16 Décembre 2017): Au moment de l’écriture de cet article, le marché de Bitcoin était encore en roue libre (Note du traducteur : le nouvel All Time High — ATH — fut finalement atteint le 16 décembre 2017, pour un total de 1 BTC = 20089 $). La participation à ce cycle de la hype a été dominé par ce que Michael Casey a décrit comme la majorité précoce (early majority) des investisseurs, composé à la fois de particuliers et de certains institutionnels.

% de pénétration du marché

A mesure que les sources de liquidité commencent à s’implanter et à murir, les investisseurs institutionnels majeurs débutent les discussions à propos de l’opportunité de participer à ce marché, par le biais de marchés à termes régulés d’abord, pavant la route à la création d’un sacro-saint fond indiciel ETF Bitcoin, ce qui lancerait ensuite probablement les cycles suivants de hype avec l’entrée sur le marché de la majorité tardive (late majority) et des “trainards” (laggards).

Même s’il est proprement impossible de prédire la magnitude exacte de la vague actuelle de hype, il serait raisonnable de supputer que ce cycle atteindra un summum dans une gamme de 20000$ à 50000$. Si ce cycle venait à dépasser cette limite, alors Bitcoin viendrait à commander une fraction très significative de la capitalisation mondiale du marché de l’or (l’or et Bitcoin auraient des capitalisations équivalentes si Bitcoin atteignait un prix de 380000$, à l’heure de l’écriture de cet article). A l’heure actuelle, il faut garder à l’esprit qu’une part significative de la capitalisation mondiale du marché de l’or provient de la demande de la part des banques centrales, et il paraît improbable que des banques centrales ou même des états-nations participent au marché de Bitcoin pendant le cycle de hype actuel.

L’entrée des états-nations

Le cycle hype Gartner final de Bitcoin pourrait un jour débuter, si les états-nations décidaient de commencer à accumuler des bitcoins comme partie de leurs réserves monétaires étrangères. Le capitalisation du marché de Bitcoin est actuellement trop minime pour être considérée comme un ajout viable aux réserves de la plupart des pays. Cependant, à mesure que l’intérêt du secteur privé s’accroît, et si dans le même temps la capitalisation de Bitcoin approchait du billion de dollars (Note du traducteur : à l’heure actuelle, le 27 mars 2018 : 138 milliards de dollars ; lien vers la capitalisation actualisée ici), il pourrait devenir suffisamment liquide pour que certains (voire la plupart) des états décident d’entrer dans la danse. L’entrée du premier état sur le marché enclencherait probablement une course folle une fois que l’annonce officielle serait faite que des bitcoins auraient été achetés comme part des réserves monétaires. Les états qui seront les premiers à adopter Bitcoin verront certainement les plus grands bénéfices comptables dans le cas où Bitcoin accéderait au statut tant désiré de monnaie de réserve mondiale. Malheureusement, ce seront probablement les états aux exécutifs les plus fermes — des dictatures, comme la Corée du Nord (Note du traducteur : depuis le début de l’année, l’Iran, la Russie, la Turquie et le Vénézuela ont notamment évoqué l’importance stratégique des cryptomonnaies) — qui voudront avancer le plus rapidement sur ce terrain et accumuler des bitcoins. Le refus de voir ces états améliorer sensiblement leur situation financière et la tendance au consensus mou des démocraties occidentales risquent de leur valoir d’être abandonnés sur le bas côté et de finir traînards, essayant tout de même d’accumuler des bitcoins pour leurs réserves mais au prix fort.

Il y a une grande ironie à voir les USA (Note du traducteur : certains états, en tout cas) être actuellement une des nations les plus ouvertes à la régulation de Bitcoin, pendant que la Chine ou la Russie semblent plus hostiles (Note du traducteur : ces états n’avaient pas encore pris position à l’écriture de cet article). Les USA sont parmi ceux qui ont le plus à perdre géopolitiquement parlant si Bitcoin venait à supplanter le dollar comme monnaie de réserve mondiale. Dans les années 60, Charles de Gaulle critiquait “l’exorbitant privilège” dont les USA jouissaient de l’ordre monétaire mondiale gravé dans le marbre par les Accords de Bretton Woods en 1944. Les gouvernements Russe et Chinois ne semblent pas encore s’être rendus compte des potentiels bénéfices géostratégiques de Bitcoin en tant que monnaie de réserve et sont actuellement plus préoccupés par les effets que le BTC pourrait avoir sur leurs marchés internes. Comme de Gaulle dans les années 60, qui menaça de rétablir l’or-étalon en réponse à ce “privilège”, les Chinois et les Russes finiront sans doute par s’apercevoir des bénéfices à détenir une large partie de leurs réserves monétaires dans une réserve de valeur non souveraine. De leur côté, avec une assez large concentration du minage de Bitcoin ayant lieu en Chine, l’état Chinois a déjà un avantage particulier avec son potentiel à ajouter directement des bitcoins à ses réserves.

Les USA se gargarisent d’être une nation d’innovateurs avec la Silicon Valley étant exhibée comme un bijou de l’économie américaine. Jusqu’ici, la Silicon Valley a largement dominé les débats entre régulateurs et législateurs divers sur la position qu’il convenait de prendre vis-à-vis de Bitcoin. Néanmoins, l’industrie bancaire et la Réserve Fédérale Américaine ont finalement eu leurs premiers soupçons concernant la potentielle menace existentielle que Bitcoin pourrait poser à la politique monétaire américaine s’il venait à devenir une réserve monétaire mondiale. Le Wall Street Journal, connu comme étant le porte-parole informel de la Réserve Fédérale, a publié un commentaire sur la menace que Bitcoin pose à la politique monétaire américaine :

Il y a un autre danger, peut-être même plus sérieux du point de vue des banques centrales et des régulateurs : Bitcoin pourrait bien ne jamais plus s’effondrer. Si la ferveur spéculative à propos des cryptomonnaies est sûrement le précurseur à sa possible large utilisation comme une alternative au dollar, cette utilisation viendrait menacer le monopole des banques centrales sur la monnaie.

Dans les années à venir, une grande bataille va s’engager entre entrepreneurs et innovateurs de la Silicon Valley d’une part, lesquels vont essayer de conserver une certaine liberté vis-à-vis des états pour Bitcoin, et l’industrie bancaire et les banques centrales d’autre part, qui feront tout ce qui est en leur pouvoir pour réguler Bitcoin et tenter d’éviter que leur industrie et leurs pouvoirs d’émission de la monnaie ne soient disruptés.

La transition vers un médium d’échange

Un bien monétaire ne peut pas transitionner vers un médium d’échange globalement accepté (la définition standard d’une “monnaie” en définitive) avant d’être très largement valorisé, pour la raison tautologique qu’un bien qui n’est pas valorisé ne sera pas accepté lors d’un échange. Durant le processus au cours duquel il deviendra largement valorisé, et de ce fait une réserve de valeur, un bien monétaire verra son pouvoir d’achat monter en flèche, créant un coût d’opportunité lors de sa cession s’il est utilisé comme un moyen d’échange. C’est seulement lorsque ce coût d’opportunité aura diminué jusqu’à un niveau assez bas qu’il pourra transitionner pour devenir un médium d’échange globalement acceptable et accepté.

Plus précisément, un bien monétaire sera souhaitable comme un médium d’échange seulement lorsque la différence entre son coût d’opportunité et son coût transactionnel lors d’un échange donné aura chuté suffisamment sous le coût qu’il aurait fallu débourser pour compléter l’échange sans lui.

Dans une société basée sur le troc, la transition d’une réserve de valeur vers un médium d’échange peut arriver lorsque le bien monétaire voit son pouvoir d’achat associé augmenter parce que les coûts transactionnels classique du commerce basé sur le troc sont extrêmement élevés. Dans une économie développée, où les coûts transactionnels sont bas, il est possible pour une réserve de valeur naissante et s’appréciant rapidement, comme Bitcoin, d’être utilisée comme un médium d’échange, quoique dans un cadre bien précis au départ. Un exemple nous en est donné par son usage sur le marché des stupéfiants où les acheteurs sont prêts à sacrifier l’opportunité de conserver leurs bitcoins pour minimiser les risques associés à l’achat de drogues en espèces.

Il y a, malgré tout, des obstacles instutionnels majeurs à ce qu’une réserve de valeur naissante devienne un médium d’échange globalement accepté au sein d’une société développée. Les états peuvent utiliser la taxation comme un pouvoir énorme pour empêcher leur souveraineté économique d’être bousculée par des biens monétaires concurrents. Non seulement la monnaie souveraine d’un état profite d’un avantage majeur — entraînant une demande perpétuelle et continue — par le biais des taxes payables seulement en monnaie souveraine, mais de plus les biens monétaires concurrents sont taxés à chaque fois qu’ils sont échangés à un nouveau taux sur le marché. Ce dernier type de taxation créé une friction majeure pouvant perturber l’utilisation d’une réserve de valeur comme un moyen d’échange.

Ce handicap de départ n’est pas nécessairement un obstacle insurmontable à leur adoption comme un médium d’échange global, malgré tout. Si la confiance en la monnaie nationale est perdue, sa valeur-même peut elle aussi s’effondrer au cours d’un processus appelé hyperinflation. Quand une monnaie souveraine subit une hyperinflation, sa valeur va d’abord chuter face aux bien les plus liquides de la société, comme l’or ou une monnaie étrangère comme le dollar américain, s’ils sont disponibles au sein du pays en question. Quand aucun bien liquide n’est véritablement disponible ou que son offre est très limitée, une monnaie en hyperinflation va s’effondrer contre les biens rééls que peuvent être l’immobilier ou même les matières premières. L’image que l’on peut facilement avoir en tête à propos de l’hyperinflation est celle d’un supermarché vide en pénurie, comme les clients tentent de fuir la chute vertigineuse de la valeur résiduelle de leur monnaie nationale.

Éventuellement, quand toute confiance est perdue pendant une hyperinflation, une monnaie nationale peut ne plus être acceptée par personne, et la société peut se résoudre à revenir au troc ou à remplacer cette unité monétaire devenue défaillante par un nouveau médium d’échange. Un exemple de ce processus fut le remplacement du dollar zimbabwéen par le dollar américain. Le remplacement d’une monnaie souveraine par une monnaie étrangère est rendu difficile par la rareté habituelle de cette monnaie étrangère et l’absence d’institutions bancaires étrangères à même de fournir une véritable liquidité.

La possibilité de facilement transmettre des bitcoins par delà les frontières et l’absence de la nécessité d’un système bancaire font de Bitcoin un bien monétaire idéal pour les populations qui souffrent d’une hyperinflation. Dans les années à venir, à mesure que les monnaies fiduciaires continueront à suivre leur tendance historique vers la dépréciation ultime, Bitcoin deviendra un choix populaire grandissant pour préserver ses économies. Quand une nation abandonnera sa monnaie et la remplacera par Bitcoin, il sera possible de considérer que Bitcoin aura bien transitionné vers un état de réserve de valeur en laquelle la société reconnaîtra un médium d’échange.

Daniel Krawisz inventa le terme “hyperbitcoinization” pour désigner ce processus.

Partie 4…

La partie 4 de cette série sera traduite et publiée prochainement.

L’auteur Vijay Boyapati contrera certains des arguments majeurs qui sont souvent opposés à Bitcoin et montrera pourquoi ils sont incorrects lorsque l’on s’attache à comprendre les termes du cadre économique global qui ont été discuté dans les parties 1, 2 puis 3 de cette série d’articles. Il développera également certains des risques véritables que Bitcoin devra sans doute affronter sur la route de sa monétisation complète.

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