Menstruation, 2ième partie (version française)

Cet article est le deuxième d’une série de deux. Lisez la première partie ici

Hatha Yoga Shala
8 min readApr 17, 2018
Artiste : Cendrine Rovini. Photo : Pinterest

Les Ragnagnas, les rouges, les règles, le flux, le cycle, les menstrues, la marée rouge, écoulement vaginal, dans la tente, les chutes du Niagara, les anglais débarquent, d’humeur changeante, hormonale, hystérique, lunatique… La société a trouvé différents moyens pour que les femmes réglées se sentent exclues.

Cette “malédiction mensuelle” soutient cependant l’existence même de l’humanité et ne doit pas être prise à la légère.

Ça n’a pas toujours été comme ça. Pendant les saignements les femmes étaient prises en charge par les autres. Elles se rassemblaient dans des tentes menstruelles, des pavillons de lune, et n’avaient pas à cuisiner, nettoyer ou s’occuper de quoi que ce soit. Il était entendu qu’à ce moment précis, l’énergie d’une femme est basse, son corps plus faible, qu’elle est “vidée”.

Notre cycle était un moment d’introspection, un moment de perception de visions et de clairvoyances sur comment prendre soin de la tribu dans le prochain mois. Des temps de pause par rapport aux corvées et aux responsabilités étaient données aux femmes pendant leur saignement afin qu’elles puissent se reposer et se régénérer afin de pouvoir faire face aux devoirs de la prochaine phase du mois.

Quand cela a-t’il changé? Quand sommes nous devenues fatiguées d’écouter notre corps, désireuses d’être comme les hommes ou d’être autre chose que ce que la nature nous a donné? Nos corps sont très différents de ceux des hommes et requièrent une attention et un traitement différents. Cela devrait être évident, non? Comment pouvons nous nier une telle réalité féminine et qu’essayons-nous de prouver?

‘Tout ce que vous pouvez faire je peux le faire en saignant.’ Peut-être, mais est ce bien raisonnable? Photo : Pinterest

Il n’est pas inhabituel pour les femmes athlètes, danseuses professionnelles ainsi que pour les pratiquantes obsessives de yoga de ne pas avoir de cycles réguliers ou pour certaines de ne pas avoir de règles du tout. Leurs corps ont fermé toute distribution de sang à cause d’un manque de celui-ci. Il a été libéré par la transpiration en tant que source d’énergie et le corps ne veut pas se risquer à perdre plus de fluides.

Dans le texte chinois ‘Huang Di Nei Jing’ (Yellow Emperor’s Classic of Internal Medicine) on peut lire:

“Une personne qui a perdu de grandes quantités de sang ne transpire plus, et celle qui a perdu une large quantité de sueur n’a plus de sang.”

Les femmes qui commencent à méditer précocement, sans préparation adéquate sont aussi connues pour avoir des absences de cycles qui cessent dû à l’inversion de la force vitale qui monte dans la tête dans la haute sphère du mental plutôt que descendre dans le corps physique. Ceci est une perturbation du Prana (force vitale), une direction incorrecte de l’Apana Vayu, le vent descendant, ainsi qu’un niveau élevé du Vata dosha (la constitution Ayurvedique de l’éther et de l’air).

La méditation est prescrite dans les textes de yoga pour les dernières étapes de vie, quand le sang est plus fin et que nous sommes moins ancrés dans le physique, quand notre force vitale s’élève naturellement et quitte le corps. Nous sommes alors plus disposés à entrer dans des univers plus subtils et à travailler avec les éléments plus subtils dans la phase Vata de la vieillesse. Pratiquée trop tôt sans supervision adéquate peut amener femmes et hommes dans des territoires dangereux et inattendus.

Tous les animaux et humains, de n’importe quel genre, sont affectés par le cycle lunaire.

Que nous est-il arrivé? Une pleine lune, lumineuse et pleine de vie, période d’ovulation, commence à décroitre emportant nos niveaux d’énergie avec elle. Lorsque nous nous rapprochons de la nouvelle lune, nous pouvons ressentir le besoin de dormir davantage, notre digestion devient plus faible, nos mouvements plus lents, plus mous, nous pouvons avoir envie de moins sortir.

Traditionnellement, la lune noire est le moment de la menstruation quand l’énergie descendante ou la manifestation du Yin est active. C’est la phase de contraction du mois, la restauration, l’hibernation, la phase d’expiration. L’énergie de la pleine lune est l’opposée. Quand nous saignons pendant la pleine lune, les choses ne semblent pas si tranquilles.

Voyez-vous la lune? Photo par Radhasri.

Avec l’introduction de la lumière électrique artificielle l’obscurité est rare. Notre vue du ciel et notre connexion avec les cycles lunaires ont été entravées. La différence entre jour et nuit, pleine lune et lune noire est devenue beaucoup moins perceptible. L’éclairage est allumé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Nous avons perdu le lien avec les rythmes naturels de nos fluides. Les hormones sont affectées et altérées, créant des conséquences inquiétantes pour de nombreuses femmes qui aujourd’hui souffrent chaque mois inutilement du syndrome prémenstruel. Certaines femmes peuvent souffrir pendant l’ovulation. D’autres peuvent développer des kystes, des fibromes et des tumeurs ou ont des difficultés à tomber enceinte. Ce déséquilibre hormonal n’est pas seulement dû à l’éclairage artificiel mais aussi aux habitudes alimentaires, à la médication, à l’éthique du travail et au mode de vie.

Une femme qui a ses règles n’est pas difficile à repérer. Elle est généralement celle avec le visage vidé de son sang, parlant et se déplaçant plus lentement. Elle peut sembler plus irritable, moins patiente, soupirante et ne voulant pas être touchée. Les femmes n’ont tout simplement pas la même vigueur quand elles saignent. Ceci devrait être prévisible, nous sommes drainées et appauvries en sang vital.

Agni, notre feu digestif et transformateur, est faible au moment des règles. L’Ayurveda conseille aux femmes en période de menstruation de rester chez elles, loin du public, protégées du soleil, du feu et de toute source de chaleur, d’éviter de cuisiner, d’utiliser des couteaux, de couper les ongles ou les cheveux, et d’éviter tout effort physique. Ceci n’est pas pour nous réprimer. Cela vient d’une profonde compréhension du fonctionnement du corps et de ses éléments. Ces suggestions sont une intention d’éviter d’autres pertes d’énergie et de garder la femme en bonne santé jusqu’à la ménopause et au delà.

Les femmes aujourd’hui n’ont pas autant d’enfants qu’avant, nous saignons donc bien plus souvent que nos soeurs ancestrales. Les enfants nous drainent d’autre façon mais la perte de sang mensuelle doit être reconstituée au plus vite au risque de devenir plus faible avec l’âge. Pensez-y, si nous saignons seulement 3 jours chaque mois et avons saigné pendant 36 ans, n’avons jamais eu d’enfant, cela équivaut à plus de 3 ans et demi de perte de sang! En tant que femme nous avons la chance de posséder un tel système de filtration auto-nettoyant, alors faisons notre part pour l’aider.

Quand nous sommes jeunes, nous pouvons nous en sortir avec quelques abus car Agni est vigoureux. Cependant, à un certain âge le prix à payer arrive. Comment nous nous sommes traitées dans notre jeunesse va devenir plus évident vers l’âge de 40 ans et très clair une fois la ménopause installée. Mieux vaut prendre soin de soi dès le début afin de faciliter notre parcours vers la vieillesse le plus gracieusement possible.

Upavishta Konasana, une position importante pour les femmes. Photo par Taralea Cutler.

À chaque cycle féminin, les symptômes et le flux vont varier selon sa propre et unique constitution et son état d’équilibre. Une femme Vata peut tendre vers des cycles irréguliers trop éloignés et plus courts ou de cycles qui n’arrivent pas du tout si elle est vraiment déséquilibrée. Une femme Pitta va tendre vers des cycles plus longs avec flux abondants et rapprochés, plus fréquents. Une femme Kapha va avoir tendance à être bien dans les temps avec des cycles de 28 jours réguliers mais flux abondants.

Les symptômes prémenstruels vont varier, l’intensité des douleurs ou des légers inconforts varient, la couleur du sang est différente pour chaque constitution. Il y a beaucoup de livres et d’information à ce sujet que l’on peut trouver avec un peu de recherche. Je recommande de commencer avec le livre du Dr. Robert Svoboda, “Ayurveda for Women” (en anglais).

Le yoga commence au niveau du sang. Qu’est ce que ça veut dire? Un flux sanguin insuffisant ou pollué va mener à une mauvaise respiration, à des mouvements douloureux et à des pensées incontrôlables. L’état de notre sang affecte donc grandement notre agilité à pratiquer le yoga. Nous pouvons avoir trop d’acidité, engendrant de la raideur, trop d’alcalinité engendrant trop de légèreté ou être trop léthargique, lourde et déprimée. Bien sûr le régime alimentaire et les choix de vie sont de grands facteurs mais la façon dont nous nous traitons pendant les règles est également essentielle. Le surmenage pendant les saignements cause une surchauffe du système et une augmentation du Vent (mouvement) qui peut conduire à des troubles hormonaux encore plus conséquents dans le mois à venir et à une pratique de yoga pas très fructueuse.

Il se peut que la pratique du yoga d’une femme nécessite d’être adaptée pendant près de 9 jours chaque mois. Cela peut aussi changer en raison d’une grossesse ou à la ménopause. Il y a des postures générales qui sont bonnes pour toutes mais chaque femme étant unique avec des niveaux d’habileté différents, mieux vaut se rapprocher d’un enseignant qualifié.

Baddha Konasana, une position importante pour les femmes. Photo par David Fogel.

La pratique du yoga et tout effort physique devraient être arrêtés pendant les trois premiers jours de flux abondants. Mangez léger et consommez des aliments faciles à digérer. Reposez vous autant que possible. Réduisez la socialisation au minimum et essayez de recruter de l’aide pour les tâches ménagères. Considérez ça comme des vacances mensuelles, une phase de renouveau. L’intuition de la femme est amplifiée pendant cette période alors utilisez la avec sagesse et gardez l’esprit ouvert pour pouvoir recevoir une guidante spirituelle.

Conservez un calendrier afin de vous préparer pour les “vacances féminines” à venir. Faites des provisions et peut être cuisinez à l’avance. Organisez-vous au mieux pour n’avoir rien à faire les trois premiers jours de votre cycle. Pas de pratique, pas de tâche, ne sortez pas sauf si absolument nécessaire.

Evidemment ceci n’est pas toujours possible. La vie nous réserve parfois des surprises. Nous ne pouvons contrôler tous les évènements, nous pouvons seulement prendre les précautions nécessaires et choisir avec sagesse quand nous en sommes capables. Ce sera ces petites mesures préventives qui peuvent vous conduire à un mode de vie plus enrichissant et plus inspirant.

Les jeunes filles suivent et apprennent à partir d’exemples alors assurez-vous de vous offrir votre période des Ragnagnas car les générations futures en dépendent.

Profitez de vos vacances mensuelles les filles !

Radhasri (Rhonda Fogel), fondatrice du ‘Hatha Yoga Shala’ à Montréal, enseigne le yoga au Canada depuis 1998 et est certifié en Shadow Yoga depuis 2005. Pour en savoir plus visitez : Facebook, Instagram, Siteweb.

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Hatha Yoga Shala

Radhasri’s writings on Yoga, Life and Spirit. Teaching yoga since 1998, founder of Hatha Yoga Shala in Montreal. FB@shadowyogamontreal, www.hathayogashala.com