Approche critique des sources : comment aborder l’iconographie médiévale?

HistOuRien
4 min readJan 20, 2017

--

Tout passionné d’Histoire médiévale est confronté un jour à l’analyse des images qui ont trait à cette époque. L’amateur se doit alors d’aborder la démarche critique nécessaire à une bonne analyse de cette source particulière. C’est pourquoi, dans les prochaines lignes, nous allons passer en revue les différents points auxquels il faut prendre garde afin d’étudier convenablement les sources iconographiques et d’en tirer les informations les plus proches des réalités du Moyen Âge.

Les sources iconographiques posent le même problème que la chronique (voir mon article “[…] comment aborder les chroniques médiévales pour l’Histoire militaire de l’époque?”). En effet, son auteur ne possède pas forcément le bagage de compétences nécessaire à la compréhension, à l’interprétation et donc à la restitution en détail de ce qu’il voit. Nous observons parfois des incohérences techniques sur les représentations que nous possédons. Il n’est donc pas possible de prendre tous ces détails au pied de la lettre. Encore faut-il déterminer les éléments issus de l’imaginaire de l’auteur, ceux dus à sa compréhension du sujet, d’autres attribués à des règles de représentations de son temps, et ceux représentant effectivement la réalité. Ce n’est qu’une fois ce travail accompli que l’emploi du document est alors possible.

Il faut, au préalable, que la source n’ait pas subi les affres du temps, ni qu’elle ait été restaurée de manière irraisonnée. Il est aussi nécessaire de prendre garde à la datation et au lieu de composition, informations qui ne se trouvent que rarement sur l’œuvre et qui doivent souvent faire l’objet d’une enquête de la part de spécialistes. En effet, l’étude de la chronologie de l’apparition des innovations techniques, par région, passe par ce genre de considérations. En outre, la biographie de l’auteur, quand nous connaissons l’identité de celui-ci, permet aussi d’en déterminer les influences, qui plus est, si l’artiste a effectué des voyages à l’étranger. Dans le même ordre d’idées, il est important de vérifier si l’auteur s’est inspiré de cartons de modèles ou d’œuvres plus anciennes qui pourraient fausser la datation ou la localisation des éléments représentés.

En outre, la représentation iconographique induit un certain nombre de contraintes et de règles qu’il faut prendre en considération pour interpréter correctement l’image. En effet, l’espace disponible et la volonté de mettre en évidence des personnages ou certains objets matériels vont inciter l’auteur à ne pas respecter les échelles de grandeur. De ce fait, l’artiste introduit une hiérarchie de tailles dans son œuvre. Cela pose problème, dans le cadre d’une étude du matériel militaire, notamment quand il s’agit d’analyser la taille des armes, qui peut être exagérée. On ne peut donc considérer la taille des armes représentées sur les sources iconographiques comme représentative de la réalité, sans les confronter aux traces archéologiques de ces mêmes armes. Par contre, d’un point de vue technique, l’exagération de la taille peut apporter une meilleure appréhension des mécanismes qui en régissent l’emploi.

Dans cette catégorie de sources, nous employons les représentations de chevaliers présentes sur des dalles funéraires médiévales, les illustrations des chroniques et ouvrages de l’époque. Toutes ces iconographies peuvent nous donner des indications sur le type d’équipement employé et sur les catégories d’armes. A ce sujet, le travail de Hermann Van Duyse (VAN DUYSE H., Catalogue des armes et armures du musée de la porte de Hal, Bruxelles, 1897.), quoique ancien, me semble très bien fait. Proche des sources tant iconographiques qu’écrites, il dépeint l’évolution de l’armement durant la période du XIVe-XVe siècle et pour les régions qui concernent la Belgique actuelle. Nous trouvons aussi dans ses descriptions les traces de l’évolution des modes vestimentaires militaires. A coté de cela, les enluminures telles que celles présentes dans les manuscrits relatant des faits légendaires ou véridiques nous sont aussi précieuses. L’habitude de l’illustration médiévale de représenter une scène censée se produire dans une époque antérieure avec, toutefois, du matériel contemporain à l’illustrateur et non aux faits, peut présenter quelques problèmes d’interprétation dus au décalage entre le récit et l’enluminure. Il n’est donc pas surprenant de découvrir une scène de la prise de Jérusalem en 1099, présentant les caractéristiques de l’armement de la fin du XIVe siècle ( GOUSSET M.-Th., Enluminures médiévales. Mémoires et merveilles de la bibliothèque nationale de France, Paris, 2005, p. 168, 169.). Ce phénomène découle probablement de la volonté du décorateur de rapprocher les événements décrits de la réalité vécue par les observateurs de son temps et ainsi de rendre plus “vivants” des événements passés.

Que pensez-vous des pistes proposées ici? En avez-vous d’autres en tête? N’hésitez pas à faire vos commentaires et à en débattre. Si vous avez aimé cet article n’hésitez pas à le partager, à le liker et faites un tour sur ma page facebook.

(Image d’en-tête : enluminure tirée du manuscrit des Grandes Chroniques de France, premier quart du XVe siècle, Bibliothèque Mazarine, Paris, Ms. 2028, f°152v.)

--

--