L’équipement du fantassin dans la seconde moitié du Moyen Âge

HistOuRien
6 min readJul 6, 2017

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Les fantassins et gens de traits, de plus basse extraction, ne bénéficièrent pas du même armement que les cavaliers. Nous n’avons que peu d’informations iconographiques sur l’équipement de ces classes de combattants. Nous pouvons toutefois affirmer que l’armure classique comme l’épée était évidemment trop onéreuse pour leurs bourses. Il est certain que leurs protections de corps étaient plus sommaires quand elles ne se résumaient pas aux simples habits quotidiens. Le gambison seul, parfois plus rembourré, pouvait être porté par les troupes à pied et, dans certains cas, selon les capacités financières du combattant, être complété par un haubert ou haubergeon de mailles et parfois aussi par une cotte de plates, appelée aussi jacque, par-dessus. Le fantassin pouvait aussi posséder une protection de tête se réduisant parfois à une cervelière.

D’un point de vue offensif, les armes longues ou armes d’hast formaient la base de l’équipement du fantassin, quand il en était doté. Constituées en grosse partie d’une hampe en bois, celles-ci étaient moins coûteuses que les armes entièrement métalliques. Dans la catégorie des armes d’hast, nous pouvons distinguer différents types. Il y a tout d’abord la longue lance d’environ quatre mètres, efficace dans les formations en phalange. Employée en groupe, celle-ci permettait de tenir à distance les cavaliers et de contrecarrer la charge frontale. A côté d’elle, il existait aussi toute une série d’armes dérivées des outils de tous les jours comme le fauchard découlant de la faux, servant à faucher le blé ; le marteau d’armes, parfois agrémenté de pointes, issu, comme son nom l’indique, de la « masse » commune ; la guisarme et la saquebute, armes assez ressemblantes, toutes deux issues de l’évolution de la serpe. Ces dernières étaient employées pour saisir et tirer sur les pièces d’armures des hommes d’armes afin de leur faire vider les étriers et, une fois au sol, de les transpercer avec la pointe. Nous pouvons aussi souligner l’existence d’une arme découlant de l’adaptation d’un soc de charrue sur une hampe, la vouge, ou, dérivée de l’outil employé à battre le grain, le fléau d’armes. De la pratique de la chasse, nous est venu l’épieu, une lame large complétée d’une barre transversale destinée à arrêter un animal qui tenterait de s’approcher du chasseur (qui serait en train de le charger). La forme militaire reprend cette caractéristique, probablement dans un souci de défense face aux coups de taille adverses.

Parallèlement à ces armes longues, nous trouvions aussi des versions plus courtes de ces mêmes outils quotidiens. Nous pouvons y ranger la hache ou le marteau d’armes, pouvant tous deux être adaptés sur une hampe longue ou courte. Il est évident que l’armement de la « piétaille » ne pouvait être employé de la même manière que celui de la cavalerie, plus rapide et mieux protégée. Cette grande dichotomie a déterminé toutes les règles d’engagement du combat médiéval et, par extension, les stratégies mises en oeuvre.

L’équipement des milices urbaines pouvait différer de celui du simple fantassin, que nous avons abordé précédemment. En effet, la milice était principalement constituée d’artisans et de marchands qui pouvaient prendre en charge le coût d’un armement limité. Toutefois, cela semble relatif. En effet, des récits de faits nous informent que, lors de la bataille d’Othée (1408) (voir articles “[…] Retour aux origines de la bataille d’Othée” et “[…] Le déroulement de la bataille d’Othée”), certains des combattants liégeois, issus de ces mêmes « bataillons », étaient mal ou non armés, ce qui place ces miliciens au même rang que n’importe quel homme de pied. Il semble que cela soit dû au rassemblement général de tous les hommes capables de porter les armes. Cet appel au combat, dans l’urgence du moment, aurait attiré sous la bannière de Saint Lambert (symbole de la ville) une multitude de gens non armés. Ces personnes ne devaient certainement pas appartenir au contingent de la milice « régulière » de la ville.

Nous possédons, dans une ancienne chapelle, une fresque, datée de 1290–1310, représentant une milice urbaine en armes suivant la bannière de son métier (voir illustration). Cette ancienne chapelle qui fut désaffectée se situait dans la rue de Bruges, à Gand. Rien n’indique que celle-ci existe toujours aujourd’hui. La fresque qui nous occupe ici fut reproduite par Félix de Vigne dans son ouvrage de 1847 sur les costumes civils et militaires. Jean-Baptiste Béthune en exécuta un calque qu’il vendit au musée d’archéologie de la ville de Gand, en 1892. Les combattants y sont parfaitement protégés par des cottes de mailles, des camails et des cervelières, équipement répandu à l’époque. En outre, ils transportent des lances ou des arbalètes, couplées à des boucliers et des écus pour certains, et le porteur d’étendard est ceint d’une épée et possède un ventail à sa cervelière. Ils sont revêtus d’un armement et d’une cotte d’armes identiques, assurément aux armes de leur corporation. Avec toute la réserve qu’il faut adopter quand on analyse des images (voir article “[…] comment aborder l’iconographie médiévale?”), ce témoignage tend à indiquer que l’équipement de la milice pouvait avoir une certaine uniformité et, dans ce cas, cela signifierait qu’il devait exister une sorte d’organisation commune du matériel. Si l’équipement n’était pas forcément fourni par la communauté, il devait être soumis à une réglementation stricte qui établissait le type de matériel à acquérir. Évidemment, cet exemple est ancien et potentiellement isolé mais rien ne prouve que cette organisation ait pu varier par la suite.

Les interrogations concernant l’armement du fantassin restent nombreuses et le manque de sources le concernant ne facilite pas son étude. Cependant, les quelques éléments que nous avons parcourus ici semblent plus ou moins acquis.

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Si, comme moi, vous êtes passionnés d’Histoire militaire médiévale, vous pouvez aussi aller voir cette bibliographie non-exhaustive d’Histoire militaire médiévale.

Vous pouvez aussi acquérir ces ouvrages de référence dans le domaine :

Bibliographie :

CHARLIER Y., La bataille d’Othée et sa place dans l’histoire de la principauté de Liège, ds. « Bulletin de l’institut archéologique liégeois », t.96–97, Liège, sd., p. 190.

DE VIGNE F., Recherches historiques sur les costumes civils et militaires des Gildes et corporations de métiers, Gand, 1847.

GAIER Cl., Art et organisation militaire dans la principauté de Liège et dans le comté de Looz au Moyen Âge, Bruxelles, 1968, p. 162–164, 316.

SMITH R.D., Weapons, hand-to-hand, ds « The Oxford encyclopedia of medieval warfare and military technology », v.3, New York, 2010, p. 438–441.

VAN DUYSE H., Catalogue des armes et armures du musée de la Porte de Hal, Bruxelles, 1897, p. 32–35.

VERBRUGGEN J.F., Infantry, ds « The Oxford encyclopedia of medieval warfare and military technology », v.2, New York, 2010, p. 367, 368.

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