Liquide agenda

Isabelle Reusa
5 min readJun 23, 2017

--

La diffusion de sa programmation culturelle est pour un musée une tâche ingrate, voire inefficace au regard des efforts qu’elle nécessite. En changeant la manière dont le musée communique ces informations, on pourrait imaginer que Blablacar devienne un annonceur culturel, Google Maps un pourvoyeur de visiteurs et Météo France un rabatteur d’enfants les dimanches de pluie ou de canicule.

Les musées, lieux vivants, foisonnent de manifestations : expositions temporaires, sur lesquelles reposent leur rayonnement et une bonne partie de leur fréquentation et des revenus de leur boutique ; visites et ateliers, chacun destiné à public particulier -pour les enfants, pour les adultes, en anglais, en langue des signes, pour des publics malvoyants, pour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, mais aussi visites à la bougie, visites des jardins… Colloques, tables rondes, concerts, projections de films, interventions d’artistes viennent compléter l’offre.

A chaque fois, le même nerf de la guerre : comment faire en sorte que chaque événement, dans sa spécificité, puisse toucher le public auquel il s’adresse? Qu’il sorte du lot, dans la foison de l’offre culturelle, éducative, touristique de loisir?

Comment les musées diffusent-ils en ligne leur agenda culturel ?

Les musées soignent la communication. A chacun ses canaux : site web, brochures et newsletters, fil Twitter, compte Instagram et page Facebook. Occasionnellement, leurs événements sont regroupés avec d’autres, dans un territoire, ou à l’occasion d’un événement comme la Nuit des musées. Mais au quotidien, le musée est seul dans la promotion de ses événements. Tout l’enjeu est alors de communiquer hors de ses canaux habituels, pour toucher de nouveaux publics.

Les services de communication s’épuisent à copier-coller les informations sur leurs événements dans de multiples sites de diffusion culturelle ou touristique, quand ils n’envoient pas leurs programmes par mail à des diffuseurs… qui à leur tour copie-colleront l’information pour la diffuser. Certains d’entre eux revendront les informations qu’ils agrègent ou traduisent, à des offices de tourisme, des tour operators étrangers.

Beaucoup de temps est passé dans ces échanges d’un autre âge.

Plateformes en ligne

Or des plateformes existent qui non seulement offrent un service de gestion d’agenda, mais sont aussi un puissant outil de diffusion des programmations : sous la surface, elles proposent à qui fait l’effort de s’y connecter, des informations horodatées, géolocalisées, illustrées et réutilisables — liquides en quelque sorte, comme de l’eau courante. Ces plateformes sont le rendez-vous secret des médias, offices de tourisme, sites spécialisés et plus récemment, des chatbots, ces robots conversationnels qui prétendent renouveler la recommandation culturelle. OpenAgenda par exemple, permet à toute structure aussi modeste ou vaste soit-elle, de gérer son agenda en ligne et de le diffuser. Le Ministère de la Culture et bien d’autres y publient déjà leurs événements. Des médias tels que Le Parisien et Ouest France y collectent en masse des informations archi détaillées (coordonnées géographiques, plages horaires, âge des publics cibles, accessibilité etc.) à partir desquelles ils travaillent pour établir leurs recommandations.

Avec l’explosion des projets innovants (pour dynamiser le tourisme, moderniser les entreprises, mettre l’intelligence artificielle au service du pays), il est certain que les réutilisateurs des données d’agendas vont être de plus en plus nombreux.

Jetons un œil aux perspectives que cela ouvre pour les musées.

Google Maps

Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais pour ce qui me concerne, Google Maps est depuis longtemps mon deuxième moteur de recherche. Si j’ai réussi dégoogliser la bonne vieille recherche simple, je dois admettre que Maps est imbattable pour répondre à nombre de mes besoins. Que je cherche un bureau de poste, un restaurant ou que j’ai un cadeau à faire, ma recherche est souvent fonction de l’endroit où je me situe — ou me situerai quand j’en aurai besoin. Google Maps a presque tout. En plus de m’indiquer l’adresse exacte de l’endroit où je trouverai mon bonheur, Maps m’indique l’itinéraire et le mode de transport le plus efficace pour m’y rendre, mais aussi les horaires d’ouverture, heures d’affluence, tarifs, lien vers le site internet du lieu, etc.

Je ne doute pas que pour la prochaine édition des journées du patrimoine, une simple requête “Journées du Patrimoine” sur Maps m’indiquera pour un territoire donné, la localisation des événements programmés, leurs horaires et les tarifs. (Et si ça n’est pas le cas, Google, nous avons toi et moi quelques semaines devant nous pour le mettre en place ;)

Blablacar, Météo France et moi

Plus les agendas culturels seront disponibles (comprenez : “dans des formats réutilisables + librement”), plus des services numériques pourront s’en emparer et les intégrer à leurs services pour mieux servir leur public. Blablacar pourra informer les covoiturés à destination de Lyon, de la tenue de l’expo Los Angeles, une fiction au MAC. Météo France pourrait nous prévenir, les weekends de pluie ou de canicule, des visites et ateliers dans les musées qui nous entourent, dans une série de bons plans pour sauver une journée difficile.

Weixin, Taobao, Sidekix, G. Spotting, Travel+Leisure… et les autres

Vous n’avez sans doute aucune de ces applications mobiles dans votre smartphone, normal, vous n’êtes pas un touriste chinois ni américain. Elles sont pourtant dans la poche des touristes étrangers, comme des dizaines d’autres que nous n’avons pas vocation à connaître. Impossible pour nos musées d’envoyer aux producteurs de ces apps — et dans leur langue — des informations sur tous les événements qui pourraient les intéresser. A moins que…

A moins que leurs agendas ne soient disponibles facilement, de manière géolocalisée et précise. Il est alors envisageable pour lesdits producteurs (ou à des intermédiaires qui les traduiront en mandarin, en italien ou en arabe et les diffuseront à leur tour) de les récupérer et de les recommander auprès des touristes étrangers en visite. Ainsi les touristes recevront dans leur langue, des propositions détaillées de visites, peut-être assorties du trajet en train/métro/taxi/vélo ou à pied.

Et nous, et elle, et toi ?

Outre les publics étrangers ou non francophones, les niches ne manquent pas. Avec des informations événementielles précises, largement disponibles et exploitables, nos amis les chatbots, qui fleurissent au détour de chaque événement tech, auront de quoi s’amuser — et se différencier.

Hello Marcel, “le bot qui souffle à l’oreille des parents” cherchera des sorties pour les enfants ; Ask Mona, “L’intelligence artificielle qui cultive ta curiosité”, répondra à vos envies de sorties insolites, gratuites, ou “loin de la foule”. Le désormais incontournable Enlarge Your Paris, se connecte déjà à OpenAgenda pour concocter sa sélection hebdomadaire de sorties autour de la capitale.

Ces programmations culturelles pourront être croisées avec d’autres pour créer des services encore plus spécifiques. Par exemple, avec les informations disponibles sur les lieux accessibles aux personnes à mobilité réduite. Couplées avec des propositions d’itinéraires adéquates, ces personnes pourront plus facilement accéder à la riche programmation des musées.

Quelle que soit la spécificité des publics imaginables, s’il existe un service ou une app qui lui est dédié, alors elle saura où aller chercher les infos et les diffusera à l’envi.

Pour cela il faut des agendas culturels disponibles comme l’eau courante, des agendas liquides.

Affaire à suivre, tout ne fait que commencer !

--

--

Isabelle Reusa

I talk about digital distribution of cultural+media content, APIs, disruptive tech & models. After Toronto/London/Edinburgh I live+work in the greater Paris.