Elections présidentielles : ce qu’il faut retenir du premier tour
Hier, le candidat du Front National, Jean-Marie Le Pen s’est placé au second tour. Une première pour un candidat d’extrême droite. Retour sur une soirée riche en rebondissements.
- La surprise FN
20 heures, les résultats tombent. Jean-Marie Le Pen arrive juste derrière le président sortant Jacques Chirac (19,8%), à la surprise générale. Car seul le match Jospin-Chirac avait été envisagé. Quelques minutes après l’annonce des premiers résultats, Jean-Marie Le Pen prend la parole. Fier des scores, il déclare “C’est une grande défaites des deux leaders de l’Etablissement”. Consultez les résultats de tous les candidats à l’issue du premier tour des élections. - Lionel Jospin dit adieu à sa carrière politique
En fin de soirée, Lionel Jospin sort de son silence. Au QG du PS, il annonce se retirer de la vie politique après cet échec cuisant. Et invite déjà la “gauche à se mobiliser, à se rassembler pour les élections législatives”. - Mobilisation contre l’extrême droite
La France entière se mobilise contre l’extrême droite. Alors que les partis de gauche comme de droite appellent à faire barrage à Jean-Marie Le Pen donc à voter pour Jacques Chirac, des milliers de Français se sont réunis dans plusieurs villes de France, hier soir. Mais la discorde est aussi au rendez-vous et les candidats se rejettent mutuellement la faute. - Fait marquant : un niveau d’abstention record
Hier soir, le taux abstention s’élevait à 28,4%. Une première depuis le niveau de record de 1969, avec 22,4% d’abstentionnistes. Ce taux aurait été déterminant dans le passage au second tour de l’extrême droite.
Le Pen au second tour, les Français dans la rue
Ce soir, la France entière a appris l’arrivée du candidat d’extrême droite au second tour. Pour crier leur désarroi, les Français sont dans la rue.
Il est à peine 22 heures et déjà des centaines de Français défilent, place de la Bastille à Paris. Pancartes en main, les manifestants scandent des formules anti-FN, anti-fascistes. Le désespoir se lit sur les visages car “il est urgent de réagir” déclare une manifestante. Beaucoup s’apprêtent à occuper les lieux jusqu’au lever du jour.
Ces manifestants sont plutôt des jeunes, des militants de gauche. Ils se sont réunis suite à l’appel d’un comité contre la peine de mort. Dans la ville de Grenoble, un millier de personnes s’unissent aussi contre l’extrême droite. Dans d’autres villes de France, les manifestations s’organisent.
Dans les jours qui viennent, d’autres manifestations sont également prévues, à l’initiative de nombreuses associations antiracistes. L’union des gauches a appelé à une manifestation place de la République, dimanche prochain.
Par ailleurs, le 1er mai, les partis politiques de gauche comme de droite se mobiliseront pour faire barrage au Front National.
Au QG de Jacques Chirac, la confiance règne
Au QG du RPR, on se réjouit. Le candidat et président sortant est arrivé en tête, au premier tour. Cependant, avec l’arrivée du FN au second tour, la fête n’est pas totale.
Ici, les soutiens de Jacques Chirac savourent l’arrivée en tête de leur favori. Au moment des résultats, la salle tout entière applaudit chaleureusement. Les sourires se dessinent, dans la foule. Certains ont même versé une petite larmes. L’émotion a gagné les rangs.
Parmi les militants, on assure la victoire du candidat du RPR au second tour. “Il n’y a pas de doute là-dessus” s’exclame un militant. D’autres sont plus réalistes. Il s’agit du pire score d’un président sortant à un premier tour d’une élection présidentielle. Face à Jean-Marie Le Pen, Jacques Chirac est-il sûr de gagner ? Le doute est permis.
La sécurité, thème essentiel de la campagne
La campagne pour l’élection présidentielle s’est essentiellement résumée au thème de la sécurité. Résultat : Jean-Marie Le Pen au second tour.
Le 3 mars 2002 sur TF1, Lionel Jospin avait fait aveu de “naïveté” dans son traitement de la criminalité. Ce soir, il ne se qualifie pas pour le second tour.
Sonnée par sa défaite, incapable de trouver un angle d’attaque efficace contre le ministre de l’intérieur, la gauche a longtemps été inaudible sur les questions de sécurité et de délinquance. Pendant ce temps, de nouvelles incriminations étaient votées par le Parlement au gré de plusieurs projets de loi et les pouvoirs policiers étaient étendus.
La gauche, pour sa part, payait le prix d’une mise en place trop abrupte et bureaucratique de la police de proximité entre 1997 et 2002.
Au QG du FN, l’ambiance est à la fête…
Contre toute attente, Jean-Marie Le Pen affrontera Jacques Chirac lors du second tour de l’élection présidentielle.
Au QG du candidat RPR, une vague d’applaudissements a résonné dans la salle, au moment des résultats. Les soutiens du président sortant ont vivement acclamé la première place de leur candidat, même s’il a réalisé le pire score d’un président sortant à un premier tour d’une élection présidentielle.
Du côté du QG de Jean-Marie Le Pen les militants ont célébré le triomphe de leur candidat qui a fait une percée inattendue et se positionne donc pour le second tour de cette élection. “C’est une divine surprise, un moment que j’attendais depuis trente ans”, confie ce vieux compagnon de route, un pied-noir nostalgique de l’Algérie française, mais dont l’ardeur politique avait fini par s’émousser. “Je n’avais pas supporté l’éclatement de la droite nationale en 1999, dit-il. Mais ce soir, je reviens, et, dès demain, je colle, je tracte…”. Devant les buffets, des militants testent en trinquant quelques slogans de second tour. “Le Pen à l’Elysée, Chirac à la Santé !”, celui-là devrait faire l’affaire.
En revanche, au quartier général de Lionel Jospin, ce sont des cris et des pleurs qui ont rythmé l’annonce des résultats. Face à son échec inattendu, le candidat est resté cloîtré dans son bureau. Marie, une jeune militante, réagissait : “On ne s’est pas méfié, on s’est trop laissé entraîner sur le terrain de l’insécurité. Le Pen, c’est le jeu démocratique, mais c’est grave.”
Seul le match Jospin-Chirac était envisagé
À la surprise générale, le premier tour place en tête Jacques Chirac (19,88 %) et Jean-Marie Le Pen (16,86 %). Lionel Jospin arrive en troisième position avec 16,18 % des voix.
Ce résultat s’explique en partie par la division de la gauche plurielle et par les bons scores réalisés par l’extrême gauche. C’est la deuxième fois (avec celle de 1969) qu’un candidat de gauche n’est pas présent au second tour d’une élection présidentielle sous la Ve République et la première fois qu’un candidat d’extrême droite y figure. Enfin, et pour la première fois sous la Ve République, aucun candidat ne franchit le seuil de 20 % au premier tour.
Résultats pourtant très inattendus. Malgré les dernières estimations, le triomphe du FN n’était absolument pas imaginé. Au contraire, seul le match Jospin-Chirac était envisagé.
La surprise est totale, d’autant plus qu’aucun sondage n’avait prévu expressément ce cas de figure. Au PS, Gérard Le Gall, le spécialiste des études d’opinion, avait quand même averti ses amis d’un « risque potentiel de croisement des courbes ». Car Le Pen, parti de 11% fin mars, était pointé à 14% à la veille du scrutin, alors que le candidat socialiste semblait, lui, marquer le pas, voire reculer. La dynamique était en faveur du candidat du FN. En définitive, seule une poignée de voix les séparent. Le Pen réalise 16,86% contre 16,18% à Jospin. Avec ses 19,88%, Chirac reste lui-même au-dessous des 20% dans un scrutin qui a été marqué par une forte abstention.