Des bienfaits de la générosité

Anne-Sophie Schimpf
9 min readMay 30, 2016

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7:00. Le réveil sonne. Au-dehors, la pluie martèle les vitres de la chambre. Le ciel s’est paré d’un voile grisâtre.

Et si aujourd’hui on intégrait la générosité dans notre routine du quotidien ?

“Il n’y a pas d’enthousiasme sans sagesse, ni de sagesse sans générosité.” — Paul Eluard

La générosité apporterait sagesse et enthousiasme. Soit, un peu de soleil sous ce temps pluvieux.

J’essaye, en général, d’aider au maximum les personnes que je rencontre. J’aime sourire aux gens dans la rue (cf. ma petite histoire ici), et me rendre utile. J’y puise une certaine énergie. Peut-être suis-je naïve, mais je crois en une nature fondamentalement bonne de l’homme, et qu’il suffit de l’être soi-même pour le révéler autour de soi et chez les autres. C’est donc comme ça, qu’au quotidien, j’essaye de rester ouverte et attentive et n’hésite jamais à apporter un petit quelque chose aux gens qui m’entourent.

Et c’est la raison pour laquelle j’ose aujourd’hui m’attaquer à cette question : que récolte-t-on lorsqu’on sème un peu de générosité ?

1. Les plus beaux sourires

Ils ne sont pas beaux parce qu’ils émaneraient d’un joli visage ou parce qu’ils laisseraient découvrir une palette de dents blanches bien alignées ; non, ces sourires sont beaux parce qu’ils résonnent d’une terrible sincérité.

Par exemple, donnez un bonbon à un enfant.

Ou un petit bout de gâteau, ou aidez-le à attraper son jouet dans un rayon en hauteur. Puis voyez ce visage s’émerveiller en même temps que vous lui tendez l’objet de son désir. Je ne parle pas de satisfaire un caprice, mais juste de faire un petit geste, une petite attention. Riez devant cette bouille adorable qui vous fixe de ses grands yeux pétillant de vie. Laissez-vous attendrir par ce tableau des joies insouciantes de l’enfance. C’est l’exemple du sourire le plus direct, le plus authentique, encore vierge des conventions et hypocrisies de la société.

Maintenant, aidez une personne dans la rue.

Que ce soit pour traverser, pour porter des charges lourdes, pour guider un touriste, levez le nez de votre portable, regardez autour de vous, savourez la quiétude paisible de la vie et soyez pro-actifs.

Vous voyez une personne âgée fatiguée de traîner un sac plus grand que sa personne ? Proposez de l’aider, au moins jusqu’au bout de la rue. Vous apercevez une famille entière en train de poser devant l’opéra, et vous trouvez ça dommage qu’ils ne puissent apparaître au complet sur leur photo car l’un d’eux est obligé d’être derrière l’appareil pour la prendre ? Proposez-vous d’être leur photographe. Vous entendez des touristes complètement égarés dans le dédale de la capitale et connaissez la réponse à leur question ? N’hésitez pas à la leur partager.

Il y a mille moyens de se rendre utile au jour le jour, d’apporter un petit quelque chose. Il ne faut pas avoir peur de rendre des petits services car, en soi, il n’y a jamais de “petits” services, il y a des gestes et une intention, il y a une volonté et une action, et, comme le disait Sénèque :

“La récompense d’une bonne action c’est de l’avoir faite”

C’est la seule chose qui importe. Et vous verrez que les sourires de toutes ces personnes, reconnaissantes et surprises par votre spontanéité, en valent largement la peine.

Enfin, amusez-vous à surprendre les gens qui vous sont chers.

Certains disent détester les anniversaires, les fêtes, et autres célébrations en tous genres qui ne seraient que prétexte à un surcroît de marketing à tous les coins de rue. Certains rejettent ce côté “conventionnel” qui obscurcie la sincérité du cadeau. D’autres attendent ces jours avec impatience, que ce soit pour recevoir ou pour offrir.

Parfois, on voit quelque chose et on pense à une personne. On se dit, “Tiens, ça lui ferait plaisir.” Mais c’est tout. Et si on achetait ce cadeau pour l’offrir à la personne à laquelle on a pensé ? Ce peut être n’importe quoi. Une boîte de myrtilles pour une personne qui en raffole ; des chocolats insolites pour un gourmand ; un bouquin qu’on a aimé et qu’on aimerait partager ; une carte qui nous a fait rire ; un film ou un CD qui nous évoque notre ami.

On n’est pas non plus obligé de dépenser : ce peut être un petit message sans aucune arrière pensée pour dire à l’autre ce qu’on pense ou pour la remercier d’être là, ou un quelque chose trouvé sur son chemin, ou des vieilleries convoitées chez soi.

“Mais en quel honneur ? Ce n’est pas mon anniversaire ni ma fête!” dira probablement l’autre, qui sera assurément surpris de l’attention. C’est vrai, mais y a-t-il besoin d’une raison pour faire plaisir ?

“La vraie générosité est celle du temps bien plus que celle de l’argent”

N’oubliez jamais : ce n’est pas une question de dépenser pour l’autre. Mais simplement de prendre le temps de penser à l’autre, de lui faire plaisir ; de donner son temps à l’autre pour l’aider, le surprendre. De là le sourire vraiment sincère.

2. Un contact humain

Avez-vous déjà aidé quelqu’un à choisir un livre dans une librairie que vous connaissez bien ? Recommandé une pâtisserie dans votre boulangerie fétiche ? Partagé votre expertise sur un terrain que vous maîtrisez ?

Vous êtes-vous déjà surpris à rire de bon coeur dans une situation grotesque ou ubuesque, sans raison ? Parce que vous l’avez surpris en train de trébucher, en train de galérer, ou en train de partager le même désespoir face cette averse qui est survenue sans prévenir ou la simple lassitude d’attendre un feu rouge interminable.

Avez-vous déjà essayé d’engager une discussion avec une personne inconnue qui vous aborde dans la rue, plutôt que de lui lancer une réponse laconique, de la remballer ou de l’ignorer ?

Quel genre de générosité est-ce, me direz-vous ? Simplement celle de ne pas ignorer l’autre et de lui accorder de l’attention. De se montrer homme, affable, humble. Car il n’y a pas de générosité sans humanité.

3. Un sentiment étrangement chaleureux

Je me souviens d’un matin où j’étais sur la ligne 1 du métro parisien. Autour de moi, des gens en costard. 8:00, l’heure d’aller au boulot. La plupart étaient attendus à la Défense.

Puis, il y avait cet homme, qui était entré dans ma rame, et s’était lancé dans un discours familier. Difficultés en ce moment. Honte de devoir quémander quelques pièces. Juste quelques tickets restaurant pour l’aider.

Personne ne lui prêtait attention. Les gens gardaient leurs yeux rivés sur leur portable ou les dernières nouvelles du 20 Minutes. On l’ignorait. Sa voix était écrasée par le brouhaha du métro comme les roues crissent sur les rails. Je le vis baisser la tête, tendre la main, et commencer à circuler entre les différents passagers. On se reculait pour le laisser passer. Les regards alentours étaient fuyants.

Alors, lorsqu’il est passé à côté de moi, j’ai ressenti une peine immense pour cette personne qui était complètement dédaignée. Et qui pourtant devait aussi avoir sa propre histoire. Il avait une allure sympathique. Peut-être suis-je trop naïve ou crédule, mais sa gêne semblait authentique. Les temps sont durs, et, même si je ne roule pas sur l’or, je ne connais pas ses problèmes à lui. J’ai un endroit où dormir, j’ai de quoi manger, je peux toujours me débrouiller. Je l’ai donc arrêté, lui ai demandé d’attendre, ai fouillé dans mon sac puis trouvé un ticket restau qui me restait du pack que mon entreprise m’avait donné.

Je n’oublierai jamais son regard à ce moment-là. Cet instant où il a saisi mes mains avec un immense sourire de reconnaissance, ses “Merci infiniment” prononcé avec une émouvante chaleur, puis surenchérit par un “Merci, vraiment. Merci, vous êtes adorable, merci”.

J’étais quelque peu troublée face à autant de gratitude, j’avais l’impression d’apporter une immense aide alors que je ne pensais qu’avoir fait qu’un petit geste. Est-ce simplement parce que, contrairement aux autres, je ne l’ai pas rejeté et j’ai préféré lui sourire parce que je souhaitais juste lui témoigner de ma compassion ?

Ce regard de joie spontanée m’avait emplie d’un sentiment étrange. Lorsque je suis descendue du métro, je me sentais légère, pleine d’une confiance nouvelle. Je me suis sentie heureuse d’avoir pu apporter quelque chose à quelqu’un. D’avoir pu peut-être pu apporter un peu de réconfort.

Et, autour de moi, j’ai senti que j’avais attiré l’attention des autres. J’eus l’impression que quelques personnes sortaient également leur portefeuille. Tout geste a une répercussion. J’eus la sensation d’avoir réveillé toutes ces personnes rendues apathiques par leur morne routine matinale du métro. Et je m’en sentis bien.

“Veux-tu être heureux ? Donne du bonheur” — Saint-Exupéry

4. Un petit rien peut produire de grands effets

Un jour, alors que je n’étais encore qu’une jeune adolescente aux allures de grosse groupie lorsqu’elle allait voir ses groupes préférés en concert, j’étais allée jusqu’à essayer de rencontrer un de mes groupes préférés dans l’hôtel où ils logeaient (longue histoire). Je les avais attendus toute une matinée, et lorsqu’ils étaient enfin apparus dans le hall d’entrée, j’étais toute gênée. Je ne savais pas comment aller leur parler pour leur demander des autographes.

Finalement, j’ai fini par prendre mon courage à deux mains pour les aborder, demander des autographes de ma petite voix ridiculeusement timide, et oser sortir mon appareil photo pour immortaliser le moment. A l’époque, je n’avais aucune confiance en moi, mais j’affrontais ma timidité par un semblant d’audace.

Quand le groupe a cédé à mon caprice, j’étais toute joyeuse. Je réalisais à peine ce qui m’arrivait, je les remerciais et m’allais m’asseoir sur le côté. C’est alors que je vis un des guitariste éclater de rire avec un “She’s so sweet”, partir en courant jusqu’à l’ascenseur sous les rires amusés de ses amis, puis revenir cinq minutes plus tard vers moi pour me tendre un de ses mediators. “Hey, this is for you” avec un large sourire.

Si ce souvenir m’a autant marquée, ce n’est pas parce que ce jour-là j’avais rencontré un de mes groupes préférés, ni parce que j’ai eu un de leurs médiators. Non, ce jour-là, je me suis sentie touchée parce que je ne pensais être qu’une personne insignifiante, et voir cette attention qui m’a été accordée m’a profondément troublée.

Pour ce guitariste, cet acte n’était rien du tout. Mais pour moi qui n’avais que 16 ans et ma timidité pour m’écraser, ce geste était énorme. C’est à ce moment-là que j’ai compris que, parfois, un petit rien, un presque rien infime, peut apporter et représenter beaucoup pour une personne.

Avez-vous déjà essayé, lors d’une pause déjeuner, de prendre un menu avec un dessert pour seulement 1€ de plus, même si vous n’aimez pas les desserts, juste pour pouvoir le donner au SDF du quartier ?

1€, ça paraît rien! Et pourtant, combien l’ont déjà fait ?

Parfois, cela ne nous demande qu’un léger effort, d’être là pour l’autre.

Parfois, il suffit juste de tendre une main. Pour nous, cela semble rien. Mais imaginez-vous à la place de l’autre. Si quelqu’un vous souriait sans raison, vous aidait spontanément, sans pensée arrière, comment vous sentiriez-vous ?

La générosité n’est pas de l’argent dépensé, elle n’est pas que le service rendu : la générosité, c’est tout un mode de pensée. Et ça, ça ne coûte rien ; et pourtant, en échange, on en garde un sentiment de bienveillance, un calme intérieur, des sourires, et une joie partagée.

Alors pourquoi ne pas essayer ?

“Ce que nous faisons pour nous-mêmes meurt avec nous. Ce que nous faisons pour les autres et le monde demeure et est immortel” — Albert Pine

Anne-Sophie Schimpf, jeune curieuse passionnée d’écriture et profondément humaniste, convaincue de la nature fondamentalement bonne de l’homme, et sans cesse perdue dans le dédale de ses pensées.

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Merci !

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