#3 Les 12 premiers jours
Je suis arrivé au Pérou le 23 juin. Nous sommes le 4 juillet. En 12 jours, entres autres, j’ai. Réalisé qu’il y a des pays où on peut manger soupe + plat chaud + thé pour 1€75 ; fait du quad pour la première fois ; rencontré un péruvien profondément bon ; marché pendant 13 heures sur 38 km en une journée à travers l’un des 25 plus beaux treks au monde ; été dans la jungle, vu des plantations de bananes, d’avocats, de café ; découvert la fabrication du café ; eu ma première discussion sérieuse dans une troisième langue ; réalisé que je pouvais avoir une conversation en espagnol et donc que je parlais 2 langues et demi ; profité des eaux thermales naturelles de la vallée sacrée ; gagné en gratitude d’avoir eu la chance de grandir dans un pays tel que la France ; planifié le prochain mois de mon voyage ; vu l’une des 7 merveilles du monde ; rencontré une jolie américaine à Machu Picchu qui a enjolivé ma soirée ; démarré un business de vente de frites fraîches à Cusco avec David mon pote hollandais ; me suis rappelé le fun que c’était de démarrer une entreprise à partir d’une conversation folle.
On parlait de rencontres. On va parler d’Edson. Il faut parler d’Edson. Edson fait partie de ces gens qui donnent sans rien attendre en retour. Edson est péruvien. Aucun doute possible. Ancien guide touristique, volontaire à l’association Qosco Maki le soir, étudiant en psychologie le jour. J’ai été mis en contact avec Edson pour m’éviter les 40 dollars de guide désormais obligatoires pour franchir les portes de la citadelle Inca. Mais notre rencontre le 25 juin a finalement pris un autre tournant. Il me propose de me joindre à lui et ses amis pour un trek de 3 jours à Salkantay, pic montagneux niché à quelques 6271 mètres au dessus du niveau de la mer. Un choix cornélien s’offre à moi : payer 400 dollars pour ce trek version Disneyland via une agence touristique. Ou le faire en petit comité avec un guide péruvien. Pour un tiers du prix. Contrairement à David, pour qui la version groupée n’enlève rien à la beauté du lieu, je privilégie personnellement la version authentique, dans la mesure du possible un peu plus hors des sentiers battus. Je ne juge pas l’idée du tourisme de masse — tout du moins lorsqu’il n’est pas destructeur de son ecosystème — mais découvrir le processus de fabrication du café avec un ami des locaux, ça a une autre saveur que la version théâtrale réservée aux gringos. Merci Edson. La sérénité et la simplicité d’Edson suffiraient à endormir un insomniaque. Son visage chaleureux et bienveillant vous rappelle que dans un monde englouti dans une course sans fin contre la montre, il existe toujours quelque part une vie simple, où nous y cultivons simplement notre jardin.
Seuls quelques heures et quelques couches de vêtements suffisent à troquer les neiges du mont Salkantay contre la jungle humide. 2 mini avalanches, une grosse araignée toute noire, 38 kilomètres de marche plus tard, je suis là, au milieu de cette jungle péruvienne. J’ai l’impression que le temps s’est arrêté. J’ai sérieusement l’impression d’avoir été projeté dans un monde parallèle. Probablement rien de surprenant pour toute personne ayant déjà foulé la terre d’un pays pauvre, osons les mots. Mais il existe une première fois pour tout. Et je suis à la fois émerveillé et désemparé de me retrouver nez à nez avec cette galaxie grégaire, presque pure. Finalement accessible qu’à quelques heures de l’Europe. Le cocktail de soleil et de travail semble avoir marqué tous les visages de rides successives. Et pourtant. Les sourires et les yeux bienveillants des mamas péruviennes, eux, n’ont pas vieilli. Une pause thermale dans les Aguas Calientes de Santa Teresa, un hotel à 4€ la nuit, et je suis de nouveau sur el camino qui mène vers Machu Picchu. Suivi de 2 heures de balade dans une vallée dont les flancs des montagnes vous font sentir comme dans un film de Peter Jackson, pour arriver à Machu Picchu Pueblo, village touristique passage oblige pour les milliers de curieux qui viennent voir les ruines de la cité découverte en 1902 par Agustin Lizarraga. Quant à Machu Picchu, inutile de décrire à quel point le lieu est singulièrement magique.
7 jours avant Machu Picchu, je décidais d’agréger les destinations de mes rêves qui figurent sur ma bucket list. Procédons dans l’ordre. J’explore d’abord les destinations potentielles en Amériques du Sud. Un petit tour de carte et je tombe sur un lieu qui a toujours attiré mon attention. Les îles Galapagos. Je me souviens que petit je regardais les images d’un lieu mystique situé dans une galaxie très très lointaine, où nul ne peut aller. Un monde coincé quelque part entre l’astronomie et les abysses océaniques. J’étais fasciné par les couleurs de ces créatures étranges qui vivaient dans un monde féérique. Aujourd’hui, c’est la richesse de la biodiversité de ses 127 îles qui me fascine. Plus de 2900 espèces marines, 97% du territoire classé Parc national, l’une des plus grandes réserves naturelles au monde. Je suis fasciné par ce terrain de jeu où on peut y enchainer randonnée volcanique, après-midi sous-marine et coucher de soleil surf. Les iguanes et les tortues géantes, on peut les voir en vrai ? La session plongée au milieu de milles requins qui bouffent, c’est possible ? Ce lieu qui m’était inaccessible ne l’est plus. Mon billet est formel, on peut même s’y rendre en avion.
Il est fascinant de pouvoir année après année être perpétuellement surpris par la finesse de la membrane qui sépare nos rêves les plus anciens de la réalité. J’insiste lourdement. L’obstacle le plus puissant qui nous séparent de nos rêves s’avère être paradoxalement le plus fin : notre propre barrière psychologique. La prise de décision, tout comme l’acceptation, est l’étape la plus dur à franchir.
Bref, au programme des prochaines semaines : Arequipa, le volcan Misti, le canyon de Colca, le lac Titikaka, retour à Cusco, puis Lima une journée, direction la jungle Amazonienne pour une semaine, retour à Lima, puis Quito, capitale de l’Equateur, avant d’atterrir à San Cristobal, aux îles Galapagos. La carte suivante montre les étapes de mon parcours jusque là, et celles a priori à venir. A priori, car l’itinéraire se définit en fonction des rencontres.