#2 La mission
24 juin. Jour de l’Inti Raymi, la fête la plus importante de Cuzco, la fête inca du soleil. Pour être tout à fait honnête, mon esprit est à mille lieux de vouloir profiter de cette célébration. Au-delà de mon côté agoraphobe et anti événements commerciaux, il y a une raison qui surpasse toutes les autres.
Globalement, ce qui me transcende le plus dans le voyage, ce n’est pas les paysages, les villes, l’architecture ou bien les activités — extrêmes ou non — aussi fantastiques soient-ils. Non. Ce sont les rencontres. Les rencontres humaines sont de loin les expériences les plus impactantes. Aujourd’hui n’est que le second jour d’un périple dont le titre initial 3 semaines sédentaire à Cuzco a été renégocié en 48h contre voyage version CDI à travers 3 continents. Et pourtant déjà, à l’aube d’une inconnue exaltante, 3 événements ont teinté ce rite de passage de couleurs plus vives.
Mon billet pour Machu Picchu et Huaynapicchu est daté du 2 juillet. 8 jours à occuper donc. Hors de question de “tuer le temps”. En pleine réflexion sur la meilleure optimisation de ces quelques jours — randos VTT ? Randos à pied dans la vallée sacrée ? Visites de ruines Incas ? Initiation en parapente ? Rafting ? Excursion dans le bassin amazonien ? — et sur le sens de mon voyage au sens large, il me vient un moment de lucidité ! Certains d’entre vous connaissent mon penchant pour les objectifs de vie. Le discours revient souvent : la vie est courte et chaque seconde est trop précieuse pour ne pas être délectée jouissivement — puisse ce mot être dans le dictionnaire. Quelle tristesse de voir ces gens passer à côté de ce don qui nous est offert. Bref, on épiloguera dans une autre vie quand on sera des chats. Revenons à notre histoire de lucidité. Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai développé une liste de toutes les merveilles que je veux avoir vu dans ma vie. Liste que je n’ai matérialisé noir sur blanc que trop récemment. Bien évidemment, elle s’allonge au fur et à mesure des années. Et de même que plus on en sait, plus on sait que l’on ne sait rien, il en va de même ici et j’ai vite réalisé que je n’aurai assez de ma vie pour tout voir. Certes. Est-ce que cela devrait nous empêcher d’essayer d’en voir un maximum ? Pour reprendre l’analogie, cela reviendrait à se condamner à rester con, tant il est évident que le défi est perdu d’avance. En effet, rien ne sert d’apprendre dans la mesure où il est humainement impossible de faire le tour de la connaissance. Maman, je te laisse méditer là dessus (je t’aime maman). Détails important, les éléments de cette liste ont longtemps appartenu au futur, ce cousin éloigné pour lequel la vie semble avoir comme dessein machiavélique de ne jamais nous présenter. On n’en possède que la photo d’un homme sympathique, et on se dit qu’on aura bien l’occasion de le rencontrer un jour. Un jour. Et puis on découvre que ce jour n’arrivera que lorsqu’on l’aura décidé. Cette découverte, je l’ai faite il y a bien longtemps, mais nous avons malheureusement tous besoin de piqûre de rappel. Car l’Homme a cette faculté curieuse d’oublier les choses essentielles de la vie. On en revient donc à cette philosophie qui affirme qu’il nous arrive uniquement ce que l’on provoque. Là encore, ce n’est pas le sujet. Alors revenons-y. Je suis là, heurté par cet éclair de lucidité : prendre du recul et glaner des idées tout en allant with the flow c’est bien. Mais rentrer à la maison avec le regret de ne pas avoir vu les choses de cette liste, c’est douloureux. C’est donc décidé, la mission de ce voyage est plus limpide : cocher un maximum d’éléments de la liste des choses que je veux avoir vues dans ma vie à travers l’Amérique Latine, l’Afrique de l’Est et l’Asie. Cocher n’est pas le mot adéquat. Laissez-moi rephraser : découvrir un maximum de choses que je veux avoir vu dans ma vie à travers l’Amérique Latine, l’Afrique de l’Est et une partie de l’Asie.
Les 2 autres événements sont 2 rencontres. La première, c’est David. Néerlandais heureux. World traveler pendant 1 an avant de s’être installé à Cuzco. Il a voyagé with the flow et s’est naturellement installé dans une ville qui lui correspondait. Pas de plan. Super sympa, je le rejoins plus tard pour des bières en ville.
J’écris ces lignes sur la terrasse d’un café qui offre un panorama incroyable sur Cuzco. J’ai déniché cet endroit caché au fond d’une ruelle au hasard d’une balade dans les hauteurs de la ville. L’endroit est désert. 2 tables occupées. Moi et la deuxième rencontre. Celle qui a fait ma journée. Lisa petit-déjeune avec ses 2 adorables blondinettes, Daisy 8 ans et Ripley, 11 ans. We have way too much coffee for 3, would you like to join us? — Sure! Elles viennent de Sun Valley, Idaho, USA. Le mari de Lisa, Nate, passionné de parapente depuis 20 ans, est parti pour la journée dans la vallée sacrée. Il est charpentier. Lisa gère une association à but non lucratif qui permet à des enfants, majoritairement autistes et handicapés physiques, de pallier à leurs difficultés grâce au pouvoir de la rencontre avec les chevaux. Des jeunes en reconversion sociale, souvent drogués ou sortis de prison aident au ranch. Lisa a tout comme moi une vision particulière de l’éducation de ses enfants. C’est inspirant de voir à quel point ses filles ont l’air pleinement épanouies. Avez-vous vu le film Captain America ? Ce film m’a donné envie de rédiger un manifesto décrivant la conception particulière que j’ai de l’éducation que je veux appliquer à mes futurs enfants ! La conversation avec Lisa était stimulante ! On a parlé voyage, Afrique, Pérou, éducation, rencontres, parapente. Le simple fait de rencontrer une famille américaine capable de passer outre sa culture workaholic en prenant 5 semaines de vacances en vaut la rencontre. Ils partent demain à l’aube. Certains d’entre vous savent que je veux me mettre absolument au parapente cette année. Avoir l’occasion de poursuivre cette conversation tout en discutant avec un parapentiste chevronné qui voyage à travers les plus belles montagnes du monde depuis 20 ans, et qui peut me connecter avec des passionnés en France ? Je n’ai pas pu m’empêcher de les invités à dinner ce soir. Il faut que je rencontre Nate !
Ne me reste plus qu’à définir les grandes lignes du voyage histoire d’avoir une vue grossière et anticiper un minimum. Réserver quelques hostels, quelques bus et autres avions. Et c’est parti !
Liste des choses que je veux avoir vu et expérimenté dans ma vie
