Le Podcast serait-il le meilleur format pour apprendre ?

NUMA
6 min readJun 25, 2019

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Rédaction : Arnaud Chaigneau, Head of Communities chez NUMA.

Selon Médiamétrie, chaque mois, 4 millions de Français écoutent un podcast radio, soit 8,5% des internautes (1) ! Aux Etats-Unis, le marché publicitaire généré par le podcast devrait atteindre 1 milliard de dollars d’ici à 2021 (2). Dans ce contexte, de nouveaux acteurs de la production naissent et se structurent : Binge, Louie Media, Arte Radio, Majelan…

Face au pouvoir de l’image, la voix prend sa place. Offrant une relation plus “intime” au contenu à la différence de la vidéo, elle accompagne le quotidien sans l’interrompre.

A la suite de la LearnerStory du 23 mai dernier avec Mathieu Gallet (Majelan), nous avons cherché à comprendre si le format Podcast se prêtait mieux à l’apprentissage. Sur ce sujet, peu de sources et de multiples questions : l’audio permettrait il une meilleure mémorisation ? Comment ce format peut-il s’intégrer à un parcours d’apprentissage ? Y a-t-il une durée idéale ? Comment les entreprises s’engagent-elles sur le sujet ?

L’audio permettrait-il une meilleure mémorisation ?

Une légende voudrait que chacun aie une sensibilité de mémorisation différente selon le format. Certains auraient une mémoire visuelle, d’autres sonore, d’autres kinesthésiques… La réalité scientifique est différente. Selon Christophe Rodo, chercheur en neuroscience, “rien ne permet de dire qu’il existerait une relation privilégiée entre une modalité sensorielle préférée et une méthode d’instruction plus efficace.” (3). En clair, nous ne mémorisons pas davantage en vidéo ou en audio !

Pourtant, lorsqu’on interroge les auditeurs de podcasts (4), beaucoup estiment que ce format est idéal pour apprendre. Certains associent à ces écoutes le souvenir d’une ambiance ou d’un contexte qui créerait un phénomène de mémorisation par association. D’autres y voient une séquence hors du temps que rien ne vient parasiter. Enfin, certains perçoivent dans l’écoute la construction de leur propre système de représentation, ce qui permettrait de mieux mémoriser.

A défaut du format, peut être faut-il chercher du côté des usages ? Selon l’ouvrage de Sharon L. Bowman “6 trumps of learning” (5), (“Trumps” = atouts — I know….) on découvre que l’écoute d’un podcast se prête à des usages qui sont des “atouts” pour apprendre. Par exemple, selon Bowman, le fait d’être en mouvement est une clef de mémorisation. La création d’ancrages, en demandant à “l’apprenant” d’écrire, de dessiner ou de verbaliser à voix haute certains points, pendant l’écoute, aide également à l’apprentissage. Des techniques qui se prêtent bien à l’écoute.

Comment ce format peut-il s’intégrer à un parcours d’apprentissage ?

En 1947, la Sorbonne est la première institution du Savoir à diffuser ses cours par la radio. Depuis, les plus grandes Ecoles et Universités mondiales (et même les musées) alimentent leur propre contenu audio et créent leurs podcast (Les podcasts du Collège de France, StandFord, Berkeley…).

Pour les étudiants, trois raisons d’usages sont identifiées pour améliorer l’apprentissage (6) :

1/ Ils permettent de réviser avant les examens ou de rattraper un cours.

2/ Ils offrent la possibilité de contextualiser l’apprentissage et d’enrichir les notes de cours.

3/ Ils permettent de préparer un cours et d’inverser le modèle pédagogique traditionnel en prenant connaissance des contenus avant le cours et de le consacrer aux questions-réponses.

Des passionnés (cf Alexis Minchella) vont jusqu’à organiser leur propre démarche d’apprentissage : l’identification des sujets, création de “programmes”, “sacralisation” de créneaux dans la journée, écoute des contenus en x 1,5 pour optimiser le temps d’écoute…

Est-ce qu’un type de contenu est privilégié ?

Les podcasts sont particulièrement utilisés pour l’apprentissage des langues car le format offre une accessibilité facile au contenu, permet de découvrir différents accents et d’enrichir son vocabulaire. Comme l’écrit Simon de SuperProf, l’offre est riche et le catalogue de contenu est pensé pour répondre au niveau de chacun (débutant à avancé ou natif). Learn English Podcast proposé par le British Council est en ce sens une référence.

Quelle est la durée idéale ?

En termes de durée, il n’y a pas de règles absolues. Mais il est étonnant de voir combien le format d’un podcast est finalement lié à un contexte : séquence de sport, temps de trajet, pause déjeuner… Selon Mathieu Gallet, les formats longs (1h à 1h30) sont assez réguliers aux Etats-Unis, ou ils séduisent un public plutôt urbain. Les formats courts sont cependant de plus en plus privilégiés, quitte à diviser en 3 x 15mn un contenu de 45mn (le choix par exemple de Pénélope Boeuf pour ses épisodes de “la Toile sur Ecoute”). Enfin, les formats de micro learning sont aussi très utilisés en entreprise, à l’image de ce que propose Artips : un format court (8 min max par jour correspondant au temps d’attention moyen selon sa fondatrice Coline Debayle), où la connaissance est “saucissonnée” pour arriver au grain le plus fin puis adressée “à dose homéopathique” auprès des collaborateurs pour s’insérer dans le quotidien et les nouvelles habitudes de lecture.

Comment les entreprises s’emparent-elles du sujet ?

Les médias, d’abord, continuent à privilégier la vidéo à l’audio (7). Xavier Eutrope de la revue des Médias souligent 2 raisons particulières : un modèle économique encore incertain et le manque de datas disponibles. Au sein des entreprises, des expériences sont en cours. Dans la dernière version du Baromètre Social Selling 2019 (8)(réunissant 450 interviews de décideurs BtB), le podcast apparaît, parmi les livres blancs, webinaires, tutoriels…comme une nouvelle ressource de contenu professionnel. Pour comprendre un marché, un produit, construire sa culture et même organiser une démarche prospective, les décideurs BtBC utilisent de plus en plus les podcast (presque autant que les tutoriels et autant que les livres blancs).

Source : Baromètre Social Selling 2019

En parallèle, certains dirigeants du CAC 40 se prêtent au jeu de la conversation pour véhiculer des messages internes. Mathieu Gallet observe que ces entreprises sont de plus en plus enclins à donner la parole aux acteurs et experts évoluants sur leur propre marché. Elles souhaitent ainsi illustrer leurs convictions (stratégiques), transmettre leurs valeurs et leurs engagements. Si on regarde du côté des startups, on peut citer plusieurs initiatives dont le Podcast “Le Bureau” de Welcome to the Jungle ou même “Goal of The Week” la série de podcasts sur l’entrepreneuriat par NUMA.

Illustration de la série Goal of the Week by NUMA auprès des entrepreneurs

Et l’impact carbone dans tout ça ?

Dans sa dernière étude, GreenPeace mesurait que le streaming vidéo est en explosion (80% du web d’ici 2020) alors que son impact carbone est massif, du fait des serveurs majoritairement alimentés en énergie fossile. Selon l’Obs, la plateforme Youtube émettrait 600 tonnes de CO2 chaque jour (219 millions de tonnes par an). « Passer 10 minutes à visionner en streaming une vidéo haute définition sur un smartphone revient à utiliser à pleine puissance pendant 5 minutes un four électrique de 2000W »

Une certaine invitation à la frugalité…

Sources : (1) Mediamétrie : étude 2018, (2) FrenchWeb : le marché publicitaire des podcasts, (3) Conversation : Podcast : Mémoire visuelle ? Mémoire auditive ? Non, neuromythe !, (4) Discussion de groupe avec 35 utilisateurs réguliers de podcast (25 sur les 35 ont estimé que le format de Podcast permettrait une meilleure mémorisation / impression infirmée par la Science), (5) “6 trumps of learning”, (6) Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire International Journal of Technologies in Higher Education , (7) Pourquoi les journaux ne font-ils (presque pas) de podcast INA, la revue des médias, (8) Baromètre national du Social Selling 2019 par Intuiti & La Poster Solution Business.

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