Kuala Lumpur.

Labyrinthique et populaire. De belles rencontres.

Ruffieux Chloé
11 min readApr 10, 2017

Je suis repartie de la petite ville de Malacca en milieu de matinée. J’étais un peu en avance, j’ai acheté une sorte de brioche au beurre et au fromage, c’est salé à l’intérieur et il y a du sucre sur le dessus, je trouve ça très bon. Dans le bus tout le monde dormait, la clim était moins forte que la dernière fois. Le trajet est rapide, un peu moins de deux heures, je commence à avoir l’habitude. J’arrive au Terminal Bersepadu Selatan au sud de Kuala Lumpur vers midi, mes deux sacs sont de plus en plus lourds et je dois trouver comment rejoindre le quartier chinois, où j’ai réservé une chambre.

Ici c’est le désordre. Il fait très chaud, il y a peu d’ombre, pas ou peu d’indications en anglais, des fois pas d’indications du tout. Je tourne en rond dans la gare routière, me trompe de guichet de métro, commence à comprendre qu’il y a plusieurs compagnies pour les différentes lignes, et donc pas les mêmes distributeurs et tickets (qui sont en fait des petits jetons bleus en plastique). Les couleurs et les noms des terminus changent selon les plans… sans ces repères, difficile de savoir où on va. Je me dis que c’est parce que le tracé du métro évolue trop vite : la ville est perpétuellement en chantier. J’achète une glace à la noix de coco pour faire de la monnaie et pouvoir acheter le bon jeton. Sur le quai, je laisse passer un premier métro pour être sûre de prendre le bon et dans le bon sens. J’arrive finalement sans problème au métro Pasar Seni, entre les travaux et l’étroit fleuve Klang.

🇲🇾 Kuala Lumpur (surnommée KL) est la capitale de la Malaisie. Située au milieu de la côte ouest de la péninsule, c’est la ville la plus peuplée du pays (plus de 1 600 millions d’habitants). Construite sur la jungle dans les années 1850, elle reste longtemps à l’état de campement de huttes mais grandit grâce au commerce de l’étain. Depuis les années 80 elle ne cesse de se développer, le métro s’agrandit et les gratte-ciels poussent comme des champignons. Son climat est équatorial, il y fait assez lourd et chaud. Cosmopolite et multiraciale, c’est le cœur industriel, financier et culturel du pays.

Le tout petit chat tigré à l’entrée du métro Kampung Baru & la vue depuis le métro aérien Pasar Seni à Chinatown.

Vendredi.

10.02.2017

Ma guesthouse est à deux pas du métro, je la trouve sans trop de difficultés sous la chaleur du début d’après-midi. J’ouvre la porte coulissante de ma petite chambre sombre et peu isolée pour déposer mes affaires, j’ai ma propre salle de bain avec WC : le luxe. Comme d’habitude, je ressors très vite dehors pour profiter le plus possible de la ville. Cette fois-ci il y a beaucoup de choses à voir en deux jours. La ville est un vrai labyrinthe : passerelles, ponts, routes les unes par dessus les autres et des travaux partout. Cependant tout est un peu lent ici, les trains, les gens, on sait prendre son temps. La circulation est dense et les piétons pas du tout prioritaires, il faut s’imposer. Je cherche à rejoindre les fameuses Batu Caves situées à 30–45 minutes au nord de la ville. Il y a beaucoup de monde à la station de métro Masjid Jamek, je suis encore un peu perdue et pas sûre d’aller au bon endroit. J’attends une sorte de train de banlieue pendant 20 minutes sans trop savoir si j’ai pris le bon jeton bleu, mais le nombre de familles hindoues qui montent avec moi m’indiquent que j’ai sans doute pris la bonne rame.

Les Batu Caves sont de très grandes grottes calcaires transformées en temple Hindou à la fin du XIXe siècle. J’arrive dans un immense marché en plein soleil, étalé aux pieds de la colline. Ça sent le lait caillé et les jeunes marchands diffusent de la musique trop forte sur d’énormes amplis, je suis le mouvement de foule et débouche un peu plus loin sur une place avec la statue géante (42 mètres de haut) et dorée de Murugan, le dieu de la guerre Tamoul. Un jeune anglais me demande de le prendre en photo devant la statue, je ne pense pas à lui demander de faire pareil pour moi, c’est vrai que je ne suis sur aucune de mes photos. Derrière, presque 300 hautes marches mènent aux grottes. Je les grimpe sans savoir du tout ce que je vais trouver à l’intérieur, je fais des pauses pour me retourner et voir la ville, sur les côtés il y a plein de vieilles sandales ou chaussures abandonnées. Une fois en haut, je suis à l’ombre, il fait frais ! La grotte sent la ferme et la vache, il y a des poules et des coqs, des déchets partout mélangés à des couronnes de fleurs jaunes. Les vieilles chaussures forment des monticules un peu partout. Dans une seconde grotte un peu plus haut, des macaques montent aux parois, il semble y avoir une cérémonie dans un petit temple décoré. Au retour je traverse rapidement le marché où j’achète un faux jus de citron trop sucré pour m’hydrater et faire de la monnaie pour mon ticket de retour. On me guide dans un wagon réservé aux femmes signalé par un grand autocollant rose, ici aussi les gens semblent surpris que je voyage seule.

Les jolis et délicieux mangoustans.

C’est déjà la fin de l’après-midi, je passe devant l’immense (elle peut accueillir 15 000 personnes !) mosquée nationale des années 60, Masjid Negara mais préfère m’attarder devant la majestueuse Heritage Old Station, ancienne gare de 1910, d’inspiration indienne, victorienne et mauresque. Repartant vers mon quartier je re-croise deux jeunes occidentales qui étaient aux Batu Caves dans l’après-midi avec moi, elles doivent dormir à Chinatown aussi sûrement. Je visite les différents marchés et temples autour de la façade art déco (1936) bleue clair de Central Market, me ballade tranquillement. Je croise un chinois qui me présente son singe apprivoisé tout blond, il s’appelle Jojo et a cinq ans. Je n’ose pas le caresser mais j’en ai très envie. J’achète de quoi manger pour le soir : des Spring Rolls et Samosas qui ont l’air délicieux. J’achète aussi mes premiers fruits : des mangoustans. Ils sont très beaux, ronds et violets, la peau dure comme une carapace et leur petite queue bien verte, la coque se casse facilement et à l’intérieur un fruit sucré qui a un peu le goût de celui de la passion mais en quartiers comme une mandarine et blanc laiteux comme le litchi. Plus loin dans un autre marché je passe devant un stand où l’on confectionne des brochettes de légumes que l’on grille juste avant de les vendre, ça sent vraiment très bon, je me promets de revenir le lendemain, c’est à deux pas de chez moi.

En rentrant à ma chambre je tombe par hasard sur une petite boutique de thés chinois, je m’arrête pour regarder tous les jolis sachets car je n’en ai toujours pas acheté et c’est ainsi que je fais la connaissance de Chan, le gentil vendeur. Il m’invite à rentrer avec un grand sourire et me sert un délicieux thé vert au gout de jasmin qu’il prépare devant moi. Il m’explique que les feuilles sont roulées à la main, nous faisons connaissance dans un anglais approximatif et discutons, il me ressers tout le temps dans ses minuscules tasses et je passe un beau moment de partage et d’échange, nous nous prenons en photo. Il m’explique qu’avec la même plante on peut obtenir énormément de gouts de thés différents, je me dis que c’est la même chose avec le vin, en France. Je lui achète un petit paquet de son thé vert délicieux pour ma maman et lui promet de passer lui dire au revoir le lendemain. Je rentre enfin dans ma chambre, il fait nuit et le wifi est quasiment inexistant. C’est un peu bruyant mais je m’endors vite.

Samedi.

11.02.2017

Je me lève tôt et sors retrouver les rues en chantier de la ville. Je file vers le métro Masjid Jamek pour visiter le centre colonial de la ville et ses grands édifices, disposés autour de la place Merdeka, immense rectangle de pelouse où se jouaient à l’époque les compétitions de cricket. Je prends en photo comme les autres touristes le Sultan Abdul Samad Building inspiré de l’architecture Mohgole indienne mais je ne m’attarde pas ici et décide de repartir vers le métro. En chemin je passe par hasard sur le pont où l’on peut observer le confluent des deux cours d’eau de la ville : le fleuve Klang et son affluent le Gombak (d’où le nom de la ville : Kuala Lumpur qui signifie en malais « confluent boueux »).

Je deviens une pro du plan de métro et repars facilement en direction du plus grand marché de la ville, station Chow Kit. Le quartier est très populaire et pas très touristique, je suis dans le cœur de Kuala Lumpur, et je suis ici la seule occidentale. J’avance au milieu des stands abrités de tôles ou de bâches : épices, fruits, légumes, poissons, poulets jaunes et autres produits inconnus de toutes les couleurs. Les vendeurs s’amusent de me voir prendre autant de photos, posent en faisant de grands sourires et me demandent tous d’où je viens. C’est la cohue, j’essaie de me frayer un chemin entre les gens et les deux roues qui roulent même dans les allées. Un groupe de trois garçons m’abordent et engagent la conversation, ils sont curieux de savoir ce que je fais là. Ils sont malaisiens et font des études sur la forêt et le bois. Ils m’expliquent qu’ils vont partir camper dans la jungle pendant sept semaines avec leur école, m’indiquent enfin que le marché se termine là et que je dois repartir dans l’autre sens.

Je repars donc à pieds en direction du très vieux quartier résidentiel de Kampung Baru, un des anciens villages datant de la construction de Kuala Lumpur. Je marche longtemps au milieu des trottoirs encombrés, des gens et des voitures garées n’importe comment. Les chemins sont parfois encore en terre battue, je me sens hors du temps. La foule et le bruit s’essoufflent pour faire place peu à peu aux maisons basses traditionnelles en bois.

Du linge sèche et il y a des poules sur les grands terrains encombrés de bordel. Une mère emmène ses deux enfants à l’école, un homme rentre chez lui à vélo. Je continue à avancer et croise un oiseau dans une très belle cage, il a peur quand je m’approche. Plus loin un tout petit chat tigré dort au soleil. Je veux le prendre en photo, il se réveille et fonce contre mes jambes dès qu’il m’aperçoit. Il semble avoir faim, miaule en se frottant contre moi, je reste là à le caresser pendant longtemps en lui parlant doucement.

Je retrouve le métro et rejoins Kuala Lumpur City Centre (KLCC) en passant en dessous de la rivière. J’atterris évidement dans un centre commercial, achète de quoi manger et ressors dehors dans le parc aux pieds des Petronas Towers, les fameuses tours jumelles construites en 1996 par la société pétrolière malaisienne. Elles représentent bien la fulgurante réussite économique de la ville, on les aperçoit de partout. Je m’assieds en face des grandes fontaines, l’eau est régulièrement poussée par le vent et m’arrose un peu, ça me rafraîchit ! avec la chaleur lourde, tout sèche à grand vitesse. J’observe un moment un groupe de fourmis porter à plusieurs un bout de salade et l’emmener je ne sais où, je n’avais pas pris le temps de faire ça depuis l’enfance. Je passe des heures à l’ombre à écrire dans mon carnet et retoucher sur mon iPhone les photos prises dans la matinée, les gens ne font pas vraiment attention à moi. J’avais acheté en ligne depuis la France un ticket pour grimper dans les hautes tours, j’attends la fin d’après-midi pour y aller. Je décide finalement d’aller faire un tour dans le centre commercial mais les boutiques de luxe et la foule ne me passionnent pas, je trouve tout de même une librairie-papeterie où je peux acheter un nouveau stylo bleu marine et quelques jolis petits cadeaux.

J’ai du mal à trouver l’endroit au sous-sol où débutent les visites des Petronas Twin Towers (452 m de haut). J’attends un peu mon tour, tout est très bien organisé, en groupe de couleurs. Je n’aime pas être en groupe, nous empruntons plusieurs ascenseurs qui grimpent à 5–6 mètres par seconde, j’ai les oreilles bouchées en arrivant en haut du 86e étage. Je suis déçue d’être derrière des vitres pour contempler le panorama, j’avais imaginé qu’on allait être à l’air libre, et voir le ciel. Mais on voit la ville immense et à mes pieds le parc minuscule où j’ai passé l’après-midi. J’aime bien regarder dans les grosses jumelles puissantes ce qu’il se passe au loin. Un terrain de golf, des immeubles en construction, des travaux encore. En redescendant on essaie de me vendre un photomontage de moi devant la ville. Je refuse poliment et retourne vite à Chinatown en métro.

L’oiseau en cage du village de Kampung Baru.

Je passe à la boutique de thé dire au revoir à Chan, cette fois-ci il me fait goûter un Oolong bien fort et bien foncé. Je lui en achète deux paquets et il m’en offre un, je m’imagine le boire à Besançon en me remémorant ces instants si lointains. Je promets à Chan de revenir un jour et de lui rapporter un cadeau de France. Je suis triste de n’être restée que deux jours ici, c’est trop court. À l’entrée de ma guesthouse je tombe sur un jeune couple de français venus se renseigner sur les prix, ils reconnaissent mon sac Décathlon, nous discutons un moment dans l’escalier, c’est étrange de pouvoir parler dans ma langue après autant de jours ! Nous nous retrouvons une heure plus tard pour boire une Tiger un peu plus haut dans la rue. Je crois que je parle beaucoup, ils viennent d’arriver et partent ensuite en PVT d’un an en Nouvelle-Zélande, comme beaucoup monde. Ils partent au marché de nuit et je rentre faire mon sac pour le lendemain. Je m’habitue à être en Asie, ma peau aussi : j’ai bronzé pendant ces deux jours. On se rapproche de la fin de mon voyage toute seule, demain, je pars pour ma dernière étape : l’île de Penang.

La vue sur Masjid Jamek depuis le métro & les poissons du marché de Chow Kit.

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