Twitter ou la théorie de la confiance

Thomas bart
7 min readMay 11, 2020

En cette période de prévision de fin de confinement, j’ai de nombreux échanges avec des entrepreneurs sur la relance de leur activité. Un échange fut intéressant avec l’un d’entre eux. CEO d’une agence de communication spécialisée dans le design, ses clients apprécient grandement sa vision et ses réflexions. Il a lancé il y a quelques années une revue confidentielle trimestrielle sur les tendances à venir. C’est une étude de tendance trop chère pour un seul client mais rendue accessible et possible économiquement car vendue à plusieurs personnes. Cette petite bible est une aide précieuse pour ses clients. Moi-même, ayant l’opportunité de la lire, j’atteste de la qualité du contenu.

Comme pour beaucoup d’agences, en raison du coronavirus, son activité s’est rétractée. Son étude de tendance a toujours été considérée comme une opportunité de croissance. Cependant, il n’a jamais consacré un temps important pour développer les ventes. Seul ses clients en font l’acquisition. De plus, n’ayant pas un tempérament porté sur le commerce, cet entrepreneur n’est pas enclin à la prospection.

Ayant plus de moment libre en cette période, il souhaite développer cette activité. Lors de nos échanges sur le sujet, mon conseil était : en faire une version “light” diffusée gratuitement d’une manière ou d’une autre (webinaire, pdf, rencontre, …). Mais considérant que son travail est de grande valeur, en propager quelques slides gratuitement serait une hérésie selon lui. C’est alors que je lui ai parlé de Twitter ou la théorie de la confiance.

On nous a promis des voitures volantes mais nous avons eu beaucoup mieux !

La silicon Valley est constituée, comme toute société, de certains mythes et héraut. Peter Thiel, fondateur de PayPal, investisseur de nombreuses sociétés telles que Facebook ou Stripe, est l’un d’entre eux. Au-delà de l’homme d’affaires, c’est un penseur influent. Une de ses citations mythiques est la suivante : “On nous a promis des voitures volantes mais nous avons eu à la place 140 caractères” (en référence aux 140 caractères, limite maximum à l’origine pour composer un message sur Twitter). Sous entendu, les réseaux sociaux ne changeront pas le monde. Et deuxièmement, les réseaux sociaux n’apportent pas d’innovation. Nombreux sont ceux qui se sont arrêtés à la première interprétation évidente sans aller plus loin dans les nuances. Evidemment, la réflexion de Peter Thiel est plus profonde. Pour ceux qui veulent aller plus loin, je vous recommande la lecture de son livre, de zéro à un.

Je suis un grand fan du réseau social Twitter. A son évocation, mes interlocuteurs ont la même opinion. C’est un lieu de fake news, où règne l’insulte, le harcèlement, où seules les minorités extrêmes s’expriment. C’est en partie vraie, et à mon grand dam, je ne suis plus les sujets sociétaux tant ces derniers sont pollués par les extrémistes en tout genre.

Pourtant, Twitter est une chance formidable. Une grande importance est attribuée aux réseaux sociaux, dont Twitter, dans le déclenchement des printemps arabes. N’étant pas un spécialiste du sujet, je n’ai pas d’opinion sur la véracité de cette idée.

Cependant, chaque jour, des centaines, des milliers de tweets parlent de notre monde actuel avec intelligence ou humour. Des hommes et des femmes, sur des sujets précis, distillent des richesses de perspicacité. La brièveté des échanges permet de synthétiser en quelques mots des montagnes de sagacité. De plus, c’est le réseau social qui ne fonctionne pas en vase clos où chacun peut découvrir d’autres personnes et d’autres opinions (à contrario de Facebook où vous ne voyez que les messages avec lesquels vous êtes d’accord. Pour ceux qui veulent aller plus loin, c’est la fameuse Filter bubble). Quel que soit le sujet, après une petite recherche, vous trouverez une personne spécialiste avec des opinions modérées qui va partager des trésors de savoir. Ce n’est pas un printemps arabe mais des printemps individuels qui ont lieu quotidiennement.

L’accès à des trésors de richesse et d’intelligence est donné à quiconque qui se donne la peine de se pencher. Et la diffusion de ces connaissances changera le monde. Plus qu’aucune voiture volante ne serait capable de le faire. Une voiture volante permet de transporter des personnes. Le savoir transporte des peuples.

Sur une période plus ou moins longue, grâce à la perspicacité de leurs connaissances, les comptes de ces personnes gagnent en portée. Leur intelligence permet de développer la portée. Les réseaux sociaux sont des chambres d’échos où ceux parlant fort et ceux diffusant de la sagesse gagnent en visibilité. Si le bruit est vite remplacé par un autre bruit, l’intelligence demeure. Si les propos extrémistes seront vite relégués dans un passé oublié, eux-mêmes submergés par encore plus de bruit et de fureur, les comptes portant du discernement resteront toujours vivace dans le temps.

Aujourd’hui, la portée est un élément manquant de l’étude trimestriel de mon ami. En dehors de ses clients, peu de gens connaissent cette revue. La prospection, consistant à frapper à chaque porte pour proposer son travail, est aussi longue que ennuyeuse. N’étant pas de nature commerciale, il ne l’a jamais fait et, soyons honnête, il ne le fera jamais. Faire connaître son savoir est la première pierre essentielle dans l’acte de vente s’il souhaite que des gens viennent frapper à sa porte pour s’en porter acquéreur.

Bien entendu, le mécanisme, décrit précédemment, d’accroissement de la portée par la diffusion de l’intelligence n’est pas si simple. Mais c’est à la portée d’une agence de communication. Je rencontre souvent des freelances proposant une expertise dans un domaine. Souvent, ils commettent la même erreur. Se proclamer expert ne suffit pas, il faut le faire savoir. Ils attendent sagement que l’on vienne frapper à leur porte, sûrs de leur capacité exceptionnelle à résoudre les problèmes de leurs futurs clients. Diffuser son expertise est une première pierre pour gagner en notoriété. Mais au-delà de cet aspect de notoriété, un autre élément encore plus essentiel est manquant.

On achète de l’expertise autant que la confiance

Quelle est l’une des grandes forces d’Apple en dehors de ses produits ? C’est la confiance établie entre la marque et ses consommateurs. Cette confiance s’est construite sur de nombreux piliers (son service client, la facilité d’achat, …). Une raison pour lesquelles j’achète tout mon matériel chez Apple est la certitude qu’en cas de problème, la marque me proposera une solution simple. Pas besoin de passer par mille formulaires ou des heures sur une hotline payante.

Nous vivons dans une époque où un produit ou un service de substitution existent pour toute chose. Quelle que soit la qualité intrinsèque de la revue de mon ami, des services similaires existent. Peut-être pas aussi pertinents, mais ils existent avec leurs forces. Il en va de même pour les compétences ou les services de n’importe quelle agence ou free-lance.

Chaque jour, les comptes qui diffusent de l’intelligence sur Twitter gagnent en portée. Grâce à la diffusion de leur savoir, ils développent une relation de confiance avec leurs lecteurs, qui en retour diffusent cette sagesse par le biais des partages. De nouvelles personnes rejoignent la cohorte des gens qui les suivent et qui attendent leur lumière. Leur nombre de suiveurs grandit tandis qu’une relation de confiance s’instaure avec cette masse toujours grandissante. C’est une double victoire.

Une des règles d’or du commerce est de comprendre que l’on vend autant un produit que la confiance.

  • Si une personne se présente chez vous hésitante et vous étant inconnue, allez-vous lui acheter des services dont vous avez une nécessité ? C’est peu probable.
  • Si la même personne se présente chez vous sûre de son propos mais toujours inconnue, allez-vous lui acheter des services dont vous avez besoin ? C’est plus probable que précédemment mais pas certain.
  • Si cette même personne se présente chez vous, avec de la confiance et une bonne réputation, allez-vous lui acheter ses services dont vous avez besoin ? C’est encore plus probable.

Mon ami peut vendre son étude très chère à ses clients car une relation de confiance s’est instaurée avec eux. Cette étude répond à leur nécessité. Mais ils achètent autant l’étude que la confiance qu’ils ont en lui. Sans cette relation de confiance, certains ne s’en porterait pas acquéreur chaque trimestre.

Diffuser son expertise et sa connaissance est le meilleur moyen de créer la confiance. Récemment ce même ami m’interpellait. Il ne comprenait pas pourquoi je passais autant de temps à écrire des articles diffusés gratuitement sur les réseaux sociaux. N’ayant rien à vendre ni aucune source de revenu sur ces articles, il ne comprenait pas ma démarche. Il s’agit de la même démarche. Je cherche à utiliser les réseaux sociaux et Internet pour créer une caisse de résonance et bâtir une relation de confiance avec des lecteurs. C’est à ce prix que ces sujets de coaching et de productivité pourront devenir un métier à part entière pour moi.

Mon ami en son for intérieur était convaincu par mes propos. Le monde avait changé. Il devait en prendre acte et désormais revoir sa propre stratégie de communication. Il allait voir avec ses équipes pour consacrer du temps. L’étude de tendance est rédigée à deux, par lui et un collaborateur. Ce dernier est encore plus opposé à la propager gratuitement. Néanmoins, Mon ami comptait imposer à son collaborateur de consacrer du temps pour faire une version allégée. C’est alors que je lui ai parlé de Neymar ou la théorie du temps mais c’est une autre théorie.

Soyez prévenu gratuitement de la publication de mes prochains articles.

Comme vous, je déteste les spams. Votre adresse ne sera pas vendue ou utilisée à des fins promotionnelles.

Retrouvez toutes mes précédentes Théories

→ Mes théories

Prochaine théorie : Neymar ou la théorie du temps

Précédente théorie : La jambe cassée ou la théorie de l’échec

Credit photo : Unsplash / Peter Thiel / Apple

--

--

Thomas bart

Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland