Sortir le Design sprint de sa bulle

Fabrice Liut
Design Sprint
Published in
5 min readJan 15, 2018

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Cela fait maintenant 2 ans vraiment que le #designthinking et autres #designsprint sont devenus de beaux buzzwords en France. Je me rappelle il y a 6 ans lors de mes premiers DS (Design sprint) en tant que Sprint master ; c’était déjà simplement une chance d’être écouté quand on en parlait !

Toute l’énergie était centrée autour de l’évangélisation de ce genre de méthodologies, et sur toutes les dimensions : pourquoi le travail collaboratif est puissant, comment est-ce que l’intelligence collective s’exprime, pourquoi payer un Design sprint est un investissement plutôt qu’une dépense risquée, pourquoi cela fera gagner un temps fou sur le long terme plutôt que de se planter après 6 mois de développement de projet partant dans le mauvais sens…

Jake Knapp était inconnu en France, Simon Sinek et son “WHY” aussi… Il y a 2 ans on ne parlait pas encore de “travailler ensemble” et de “transdisciplinaire” de manière systématique, sauf peut-être dans les réseaux parisiens ou ESS et certains associatifs, mais souvent bien plus d’un regard théorique que par expérimentation directe.

2018, l’année ou la bulle éclate ?

Une bulle sur 2 dimensions : la bulle de confiance et d’expérimentation et puis la bulle de mise en action.

La bulle de confiance

Depuis 2 ans, beaucoup se sont lancés dans l’expérimentation. Des cycles de design thinking sur plusieurs mois aux hackathons sur 24h, tout y passe. C’est en effet déjà un premier pas de tester, découvrir ce qu’est que se mettre autour d’une table et éplucher une problématique ensemble. Cela permet d’ouvrir les esprits, de reconnecter avec le cerveau créatif, sortir de “sa bulle” de conditionnement…

Seul soucis, souvent, ces ateliers de “découvertes” sont vendus comme des ateliers miracles. “Faites en 2 jours ce que vous feriez en 2 mois”, “Trouvez les solutions à vos problématiques en 3 jours seulement”, “Prototypez et testez des innovations majeurs en 5 jours”…

Je ne parlerais pas des “nécessaires” cycles sur plusieurs mois de design thinking, souvent vendus par des boîtes de consulting se reposant justement sur cette “bulle” pour facturer des mois souvent inutiles… Il y a de très bonnes démarches DT, mais lorsque quelque chose “buzz” il y a toujours les risques de détournements…

Alors oui, contrairement aux processus solides qu’il y a encore dans la plupart des entreprises en silos, travailler en collaboratif avec de bons protocoles permet d’aller beaucoup, beaucoup plus vite et de manière bien plus qualitative. Cependant, associer ces “nouvelles” manières de travailler à la “performance” lorsque l’on s’adresse à un décideur, surtout en annonçant un miracle économique, c’est se tirer une balle dans le pied. En effet, on ne fait pas en 5 jours ce qu’on ferait en 5 mois de développement projet. En 5 jours, on “apprend” pour ne pas partir dans la mauvaise direction, on teste des concepts concrets dans les meilleurs conditions possible, pour encore une fois apprendre et avancer au mieux.

Jouer à vendre du rêve ne favorise que la frustration et transforme la pensée design et l’intelligence collective en simple fantasmes d’utopistes.

En 5 jours il est permis de ne pas gaspiller 5 mois de développement projet pour créer un produit/service qui n’apporte rien à personne et donc forcer à prendre un virage projet très couteux et frustrant pour ceux qui travaillent dessus. En 5 jours, on réduit les risques de “bore-out”, on optimise les énergies humaines, on priorise, on commence par l’essentiel, on est agile, on rebondit sur les erreurs au lieu de buter contre…

Ce qui nous amène à la seconde dimension de notre bulle…

La bulle de mise en action

De 2 à 5 jours, suivant le challenge, c’est le temps nécessaire pour mettre en action, lancer le premier pas qui va entrainer les autres. mais ensuite, il faut construire de ce qu’on a appris, il faut batir sur les bases solides définies par le groupe projet ainsi que les testeurs et autres experts. Il faut sortir de la bulle du sprint.

En effet, très souvent, un sprint est réalisé de manière totalement isolée au reste du système de l’entreprise qui le commande. Une étincelle se crée mais impossible de la transformer en feu de joie car rien n’est mis en place d’un point de vue systémique permettant de lancer concrètement la phase de développement.

Par exemple, un product owner d’un grand groupe commande un sprint pour prototyper et tester un nouveau service. Fin du sprint, les bases sont là, un prototype qui a bien fonctionné, des tests nourrissants et ainsi une belle fiche de route à remettre pour lancer le développement projet.

Cependant, l’équipe du sprint se dissout après les 5 jours ensemble et le product owner se retrouve seul pour aller chercher les validations du CODIR. n’ayant pas participé au sprint, n’ayant pas non plus un état d’esprit agile, les validations trainent certaines fois plusieurs mois… Le Design sprint dans cette situation est un gaspillage d’énergie humaine et économique, il crée plus de frustration que de bénéfices, autant sur le plan business qu’humain !

Stop au gaspillage d’énergie !

Alors voilà, le Design sprint n’est pas une bulle ! Le Design sprint est un élément parmis tant d’autres le long d’un flux de transformation de société. C’est un sprint pour construire ou reconstruire de bonnes bases, qui nécessite un état d’esprit ouvert et connecté à l’intuition, mais aussi une connaissance du terrain et des systèmes dans lesquels ils sont exploités. Un Design sprint nécessite une continuité agile pour concrétiser les apprentissages.

Voilà en synthèse, développé en détail dans une série d’articles, une représentation de ce flux :

  • Sensibiliser et ouvrir les esprits à la pensée design et à l’intelligence collective (Atelier, workshop, Hackathon…)
  • Apprendre la posture facilitateur par mentorat (Co-sprint, formation…)
  • Analyser, comprendre et visualiser nos systèmes complexes (Design systémique et organisationnel, Interviews…)
  • Détecter et prioriser les problématiques et opportunités (Design Sprints 0, Brand sprint, Why centered sprint…)
  • Travailler & apprendre ensemble pour exploiter ces opportunités (Design sprint…)
  • Mettre en place, pas après pas, un système agile et dynamique (Sprint agile, tests récurrents…)

Encore une fois, nous pouvons faire un parralèle très claire entre nos systèmes humains et les systèmes en permaculture : rien n’est dans une bulle naturellement, tout est interconnecté, tout est complexe.

Il conviendra d’en prendre conscience et d’agir en conséquence, d’oublier toute forme de concurrence ou d’opposition, ce qui crée les bulles, et de favoriser la collaboration, l’écoute et les synergies.

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