№1. Les trois approches que nous testons afin de prévenir la malnutrition
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Plus de 16 millions d’enfants de moins de 3 ans sont touchés par la malnutrition aiguë sévère (MAS), une pathologie qui multiplie leur probabilité de décès par neuf. La MAS, comme on nomme cette pathologie, se manifeste chez l’enfant par un poids gravement insuffisant pour sa taille et de l’œdème, un gonflement des pieds, parfois des jambes, des bras et du visage. Les enfants atteints de MAS présentent des problèmes de développement physique et cognitif. Ils sont aussi plus susceptibles de contracter d’autres maladies infantiles comme la diarrhée ou la pneumonie.
Comment pouvons-nous prévenir l’apparition de la MAS?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. L’UNICEF décrit la prévention de la MAS de la façon suivante :
« Mettre un terme à la malnutrition aiguë est un défi social et politique complexe. La prévention et les solutions à long terme impliquent de démanteler des structures ayant des pouvoirs inégaux, d’améliorer un accès équitable aux services de santé et aux aliments nutritifs, à encourager l’allaitement et les pratiques nutritionnelles du nourrisson et du jeune enfant, à améliorer l’eau et l’assainissement et à planifier les manques de nourriture cycliques et les situations d’urgence. »
La prévention n’est pas aussi simple qu’un vaccin ou une moustiquaire. Cela nécessite l’action de divers acteurs, comme les personnes prenant soin des enfants, les travailleurs de santé de la communauté et les responsables de la politique économique. Nous savons que ce que les enfants mangent, leur hygiène, leur poids à la naissance et plusieurs autres facteurs sont associés au risque de MAS mais nous ne possédons pas de preuve claire de ceux sur lesquels les interventions préventives fonctionnent. Relever un défi aussi colossal peut avoir un effet paralysant.
L’an dernier, le Children’s Investment Fund Foundation (CIFF) a donné comme mission au Centre Airbel d’explorer différentes approches de prévention. Les efforts de prévention actuels vont de l’allaitement exclusif à des approches pluridimensionnelles qui comprennent de nombreuses interventions comme des potagers familiaux, des transferts d’espèces et des pratiques alimentaires. La première approche risque de ne pas prendre en compte assez de facteurs alors que la seconde risque d’être inefficace.
Comme se baser uniquement sur des preuves ne suffit pas à indiquer la bonne direction, l’équipe d’Airbel est partie à la recherche d’inspiration auprès des familles présentant les risques de MAS les plus élevés au Liberia et en Tanzanie. Voici un récapitulatif de ceux à quoi nous faisons face :
Les femmes du monde entier connaissent les bonnes pratiques en matière de santé des enfants
Nous avons rencontré des femmes dans le monde entier qui pouvaient citer « l’allaitement exclusif pendant 6 mois, avoir une bonne hygiène et aimer ses enfants comme soi-même. » Cela ne signifie pas que les messages soient pertinents. Par exemple, le long de la frontière entre le Liberia et la Guinée, les terres agricoles des femmes se trouvent dans la forêt et le terrain est difficile. Les femmes laissent leurs bébés à la maison lorsqu’elles vont dans les champs. Elles font face aux mêmes défis d’allaitement que toutes les autres femmes mais n’ont pas la possibilité de tirer leur propre lait. Par conséquent, même si ces femmes connaissent l’intérêt de l’allaitement exclusif, elles font face à une pression financière qui les contraint à cultiver leurs potagers.
Résultat : Sans reconnaître et prendre en compte les pressions économiques des familles présentant un risque de MAS, nos messages ne peuvent être pertinents.
Les personnes qui s’occupent d’enfants veulent qu’ils grandissent en bonne santé mais leurs investissements ne sont pas toujours judicieux.
« Comment font les blancs pour que leurs enfants deviennent si grands ? » C’est ce que deux femmes nous ont demandé dans les villages il y a 5 heures. Nous avons rencontré des familles qui ont nourri leurs bébé avec du lait de riz quand elles ne pouvaient pas les allaiter. D’autres se sont sacrifiées pour nourrir leurs enfants avec de l’eau de coco. Dans un village particulièrement modeste, les parents qui ont nourri leurs enfants avec des feuilles de pomme de terre, une bonne source de nutriments, ont eu honte : les feuilles de pomme de terre sont considérées comme le dernier recours pour les pauvres.
Résultat : Si nous ne proposons pas les bonnes alternatives en matière de bonnes pratiques, les personnes qui prodiguent des soins risquent de consacrer leurs ressources limitées à de mauvais investissements.
Les foyers vulnérables ont peu de réserves économiques pour essayer de nouvelles approches
Les familles que nous avons rencontrées au Liberia et en Tanzanie sont de petits exploitants pratiquant l’agriculture de subsistance, ce qui signifie qu’elles consomment la majorité de ce qu’elles produisent et n’ont pas la possibilité de garder leur récolte jusqu’à ce que les prix du marché soient favorables. Ce qui m’a surpris est la quantité de récolte durement obtenue par ces exploitants qui était perdue lors du stockage, chez eux ou dans des abris ouverts. Cette perte est due aux rongeurs, aux infestations d’insectes et/ou à la contamination par des champignons. Pour les céréales (sorgo, millet, maïs, riz) et les légumes (pois, cacahuètes), les agriculteurs peuvent perdre de 15 à 33 % de leur récolte à cause d’un mauvais stockage. Pour ne pas arranger les choses, l’infection par des champignons des récoltes qui n’ont pas été correctement séchées avant d’être stockées peut faire se développer un champignon qui produits des mycotoxines dangereuses pour la santé des enfants.
Résultat : Réduire la perte après récolte est une approche permettant d’augmenter le revenu du foyer, ce qui permettra aux foyers d’être financièrement plus stables et d’absorber un risque plus important.
Grâce à ces observations et en les associant avec les résultats d’experts de la sécurité alimentaire et de la nutrition et avec le soutien du CIFF, Airbel développe un prototype qui s’appuie sur trois composantes :
- Pratiques positives : Identifier et encourager les pratiques existantes dans les communautés comme le lavage à la main et en diversifiant les aliments que mangent les enfants, qui sont associés à la prévention de la MAS puis en introduire de nouveaux afin de combler les lacunes et d’offrir des choix aux foyers.
- Perte après récolte : Proposer une alternative aux pratiques de stockage actuelles qui protège mieux des pertes dues aux rongeurs, aux insectes et aux champignons et qui puisse générer des revenus.
- Espèces : Fournir des espèces sans condition aux femmes enceintes et aux personnes qui s’occupent d’enfants de moins de 3 ans afin de permettre l’adoption de nouveaux comportements comme la consommation d’œufs (plutôt que leur vente) ou l’achat de savon. Également, associer les transferts d’espèces à des messages relatifs au comportement autour de l’identité et/ou des motivations des personnes qui prodiguent des soins.
Nous allons lancer un prototype dans le sud du Niger afin de mieux façonner ces trois composantes avec nos collègues basés dans le pays et les communautés que nous desservons. Le prototype sera lancé dans trois communautés qui recevront chacune un traitement différent :
- Communauté A : Transferts d’espèces sans condition
- Communauté B : Pratiques positives (intervention comportementale) + Espèces sans condition
- Communauté C : Perte après récolte (entrepôt communal) + Pratiques positives + Espèces sans condition
Au cours des prochains jours, nous donnerons des détails sur la conception de chaque prototype et nous voulons connaître votre avis ! Laissez un commentaire ci-dessous ou envoyez un e-mail à airbel@rescue.org.
À suivre : Quel rôle peuvent jouer les transferts d’espèces dans la prévention de la malnutrition ?