Les histoires d’un étudiant sans histoires

Partie 2 — Une énigme…

Alma Mater
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4 min readDec 18, 2017

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Retrouvez la première partie ici : Partie 1

Cela faisait quelques semaines que Clément n’était pas rentré dans l’appartement de Raph, et il n’était pas étonné de le voir dans le même état que lors de sa dernière visite. L’appartement, composé d’une seule et même pièce, était dans un piteux état : la vaisselle empilée depuis quelques jours dans le lavabo dégageant une odeur nauséabonde, les cahiers de cours disséminés à la fois sur la table basse centrale, le lit et le sol, mais aussi le poster de Star Wars : L’Empire Contre-attaque comme seule décoration sur le mur blanc. En plissant les yeux, l’invité pouvait même voir des moisissures sur la jonction entre le mur et le plafond près de la baie vitrée. A ne pas en douter, s’il était venu sans connaître le locataire des lieux, il aurait quand même su qu’il s’agissait d’un appartement étudiant.

Clément eut un sourire narquois en voyant que le visage de son ami était à l’image de son habitation : il semblait comateux, et ses yeux injectés de sang laissaient transparaître un regard embrumé. Se souvenant de sa question précédemment posée, il reprit le sujet de plus belle :

« Dis-moi tout alors, comment était-elle ?

-Qui ça ? Demanda Raph d’une voix faible trahissant son mal de tête, alors qu’il se frottait les yeux.

-La meuf d’hier soir ! La petite asiatique ! Tu sais, c’était au… (Il prit le temps de se remettre les idées en place) troisième bar ! »

Des fragments de souvenirs revenaient peu à peu à l’esprit de l’homme aux cheveux blonds : en effet, cette histoire lui disait quelque chose. Il s’agissait d’une jeune femme étudiante comme lui en biologie, de petite taille, fine, au teint ambré et asiatique, mais il ne se souvenait en rien de ce qu’il aurait apparemment fait avec elle. Peut-être que le sms venait d’elle…

« Le MacLaren’s Pub, ajouta-t-il après un petit temps de réflexion. C’était le bar en question.

-Exactement, répondit-il immédiatement, mais n’essaye pas de fuir ma question. Dis-moi tout ! (Il insista sur le tout avec une telle puissance que les maux de tête de son ami franchirent brièvement une intensité encore jamais atteinte.)

-Je ne fuis rien du tout, avoua l’étudiant. Je me rappelle à peine du bar… Et ce qui se passe après, j’en ai encore moins idée. »

Raph raconta rapidement son lever difficile, et montra le sms qu’il avait reçu quelques heures auparavant d’après l’accusé de réception.

« Pourquoi ne lui as-tu pas envoyé un message en retour, idiot ?! S’exclama Clément.

-Parle moins fort, commença l’autre, parce que, premièrement, je l’ai vu juste avant que tu frappes à la porte, et deuxièmement, même si tu m’apportes un élément de réponse, qu’est-ce qui te dis que c’est bien elle ?

-Tu te crois assez fort pour pécho deux filles en une même soirée, alors que tu n’arrives même pas à les aborder en temps normal ? Je veux bien que l’alcool fasse des miracles, mais là… »

Une pointe de colère passa sur le visage de Raph, puis de déception : il savait que Clément avait raison, cela serait fort étonnant si c’était le cas, mais il ne trouva rien de mieux que de dire sur un ton monocorde :

« C’est quand même plus probable que les champignons buccaux. »

A cette déclaration, Clément hocha de la tête avec une expression sérieuse, en croisant les bras. Cette phrase était devenue un tic de langage à l’université et tout le monde en connaissait la signification : elle était issue d’une légende étudiante, où la protagoniste avait réussie à embrasser langoureusement, lors d’une soirée, un mec un peu louche. Le lendemain matin, elle se réveilla avec des nausées, des douleurs et une bouche asséchée. Elle prit alors rapidement rendez-vous chez le médecin qui la prit dans la même journée, et celui-ci lui déclara qu’elle devait immédiatement aller au commissariat pour porter plainte, car dans sa bouche se trouvait des champignons, qu’on ne peut normalement que trouver sur des cadavres. Peu de personnes croyaient à cette histoire, mais elle avait rapidement fait le tour du campus, créant ainsi cette expression.

« Tout de même, rajouta Clément. Il faut lui répondre : c’est quand même quelqu’un de la fac. Tu n’es pas curieux ? Il paraît que tu utilises ton machin plutôt bien, en plus ! »

Un éclair de génie traversa l’esprit de l’homme aux cheveux bouclés, lui faisant oublier son mal de tête :

« Attends, la jeune asiatique mignonne, elle n’est pas de la fac, n’est-ce pas ?

-Non, elle est de Diderot, il me semble… Ce qui veut dire que ce n’est pas elle. »

Après un moment de silence, Clément attrapa le téléphone, et écrivit un SMS, avant même que Raph n’ait eu le temps d’agir, ce qui ne l’énerva que sommairement : il aurait dû s’y attendre. Il savait qu’il était plus habile que les autres avec un smartphone, et qu’il connaissait son mot de passe en forme de R.

En récupérant son téléphone, il put lire le SMS suivant : « Pas de soucis, on peut même se voir avant si tu veux ! La journée n’est pas finie. ;) »

Avant même de tourner son visage vers l’auteur de ce crime pour l’insulter amicalement, son téléphone se mit à vibrer : c’était le même numéro qui l’appelait.

Guillaume Girier

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