ÇA VA CHAUFFER !

Lou Herrmann
Anthropocene 2050
Published in
6 min readMar 9, 2020

Un kit pédagogique sur la mesure des îlots de chaleur urbains

L’École Urbaine de Lyon (EUL) s’est associée à Fréquence Écoles, association spécialisée dans l’éducation aux médias et au numérique, pour construire un kit pédagogique d’éducation à la donnée numérique environnementale : « Ça va chauffer! ».

L’équipe de “Ça va chauffer” en classe à Jules Guesde (Villeurbanne, oct. 2019)

Ce projet s’inscrit au sein du studio Ville Intelligente/Ville Apprenante de l’EUL dans le module « Apprentissage » dédié à la question des compétences et savoirs à acquérir pour devenir acteur dans la ville intelligente.
S’appuyant sur les résultats d’une recherche sur les îlots de chaleur urbains menée dans trois écoles en partenariat avec la ville de Villeurbanne, l’EUL et Fréquence Écoles ont élaboré du matériel pédagogique à destination des scolaires de cycle 3.

Origine & objectifs du projet

À l’origine de « Ça va chauffer » : un projet de recherche sur les îlots de chaleur urbains dans les cours d’école à Villeurbanne.

Ilot de chaleur urbain

En ville, on observe un phénomène météorologique très particulier appelé îlot de chaleur urbain. Il désigne des zones de surchauffe, à l’intérieur d’une même ville. Ainsi, d’une rue à l’autre, à quelques mètres de distance, la température peut varier de plusieurs degrés. Ces hausses ponctuelles et localisées de température sont en grande partie provoquées par les activités humaines et l’urbanisme.
Il existe différents types d’îlots de chaleur urbain (ICU), parmi lesquels deux en particulier (Alonso, 2019):
- Certains concernent des températures mesurées au niveau du sol ; ce sont les ICU de surface. Ils se forment en journée, lorsque le sol urbain s’échauffe et renvoie de la chaleur sous l’effet du rayonnement solaire.
- D’autres désignent les températures élevées observées plus haut dans l’air, depuis des couches basses entre le sol et les toits jusqu’à deux kilomètres de hauteur, pendant la nuit ; ce sont les ICU atmosphériques. La nuit, certains espaces urbains peinent ainsi à se rafraichir, comparés aux campagnes environnantes, car les matériaux de la ville renvoient la chaleur emmagasinée durant la journée.

Plusieurs solutions existent pour atténuer ce phénomène de surchauffe urbaine. Parmi elles figure la réalisation d’aménagements urbains plus vertueux d’un point de vue météorologique grâce à un meilleur choix de matériaux mais aussi grâce au développement de surfaces végétalisées.

Une recherche à Villeurbanne
La Ville de Villeurbanne a réalisé des travaux de réaménagement dans les cours de récréation de certaines de ses écoles. C’est notamment le cas à l’école Edouard Herriot où un revêtement clair, poreux et perméable a été installé à la place du bitume noir traditionnel et où de nouvelles plantations végétales ont été effectuées.

Les nouveaux aménagements de la cour de l’école Edouard Herriot (crédit photo : viva.villeurbanne.fr)

Ces travaux ont-ils permis de réduire les températures et d’atténuer le phénomène d’ICU dans ces écoles ?
Voilà la question que se sont posée les chercheurs Margaux Villars et Hervé Rivano, accompagnés de Lucille Alonso et Florent Renard. Pour y répondre, ils ont déployé des capteurs de température et d’humidité dans les cours des trois écoles villeurbannaises : à Edouard Herriot, où des travaux de réaménagement ont déjà été réalisés, à Louis Armand — une école proche du Parc de la Tête d’Or, où des travaux similaires sont prévus, et à Jules Guesde, où la cour de récréation est au contraire peu ombragée et en bitume noir. L’analyse des données des capteurs a permis de mesurer et de comparer les températures sur ces trois terrains avec un suivi sur plusieurs mois (encore en cours).

Des capteurs de température et d’humidité dans l’école : une opportunité pédagogique à saisir!

Capteur de température et d’humidité installé dans la cour de l’école Jules Guesde

Une fois les capteurs déployés dans les écoles, une idée a émergé : pourquoi ne pas saisir cette rare occasion pour créer la rencontre entre scientifiques, élèves et enseignant.es autour de l’enjeu environnemental que représentent les ICU ?!
C’est autour de ce désir que s’est construit « Ça va chauffer » : profiter d’une opportunité précieuse pour donner à voir aux enfants la recherche en train de se faire d’une part et travailler avec les équipes enseignantes pour construire du matériel pédagogique adapté au jeune public d’autre part. L’école élémentaire Jules Guesde a accepté de relever ce défi.

L’ambition du projet est double : il s’agit de construire un kit pédagogique visant à la fois à sensibiliser les élèves aux enjeux écologiques des îlots de chaleur urbains et aussi à les éduquer à la compréhension critique des données numériques.

Objectifs pédagogiques

“Ça va chauffer” poursuit alors trois objectifs pédagogiques principaux :

> Comprendre ce qu’est un capteur et ce qu’est une donnée, deux notions fondamentales de la ville intelligente.
> Apprendre à représenter une donnée pour la rendre lisible, la comparer et l’analyser.
> Sensibiliser à un phénomène micro-climatique pointu : les îlots de chaleur urbains.
Ces objectifs transversaux permettent de toucher à de multiples matières du programme scolaire : mathématiques, géographie, français, environnement et même arts plastiques.

Le dispositif pédagogique : contenu et déroulé

Le kit pédagogique prend la forme d’un jeu où les élèves, répartis en quatre groupes, relèvent des défis. Les données de température récoltées dans le cadre du projet de recherche ont été simplifiées de façon à constituer quatre jeu de données pour deux écoles types : une première école dont la cour est caractérisée par sa faible végétalisation et un revêtement de sol en bitume noir ; une seconde école au contraire très arborée avec des aménagements clairs et poreux dans la cour. Dans chaque école, deux capteurs ont été installés : un à l’ombre, l’autre en plein soleil.

Les défis consistent à représenter les données de température grâce à différents outils concrets de visualisation : legos, playmaïs, allumettes colorées, graines. Au fil du jeu, la difficulté des défis augmente : “Représenter la température la plus haute”, “Comparer la température la plus haute avec la température la plus basse”, “Représenter l’évolution des températures au cours de la journée”, etc.

À la fin de chaque défi, les élèves présentent leur visualisation au reste de la classe. De cette façon ils sont amenés à comparer les données entre les deux écoles et à comprendre progressivement le phénomène d’îlot de chaleur urbain particulièrement présent dans la première école.

Un dispositif adapté à différents contextes

Le kit pédagogique a été testé à cinq reprises, dans trois contextes différents.

Table ronde autour de l’expérience “Ça va chauffer” à l’école Jules Guesde (janv. 2020)

Deux classes de CM1 de l’école Jules Guesde ont accepté de servir de public pilote pour expérimenter la première version du jeu, permettant au passage de l’améliorer en fonction du retour des élèves et de leurs enseignantes (temporalité, vocabulaire, outils de visualisation, etc.). Suite à ces interventions, ces dernières ont pu se saisir de manière autonome du kit pédagogique pour aller plus loin avec leurs élèves dans les défis. L’ensemble des participant.es au projet — et surtout les élèves — ont d’ailleurs pu témoigner de leur rôle et de leur ressenti quant à cette expérience lors d’une table ronde organisée pour l’occasion.

“Ça va chauffer” a ensuite été joué avec succès à deux reprises durant le festival Super Demain organisé par Fréquence Ecoles pour un public famille. L’expérience a été renouvelée pour un public similaire lors de la semaine “ À l’Ecole de l’Anthropocène” de l’Ecole Urbaine de Lyon.

Ces expériences positives montrent que “Ça va chauffer” est un dispositif pédagogique adapté au cadre scolaire mais aussi mobilisable dans des contextes plus ouverts, sans que le jeu nécessite pour autant d’adaptations majeures. Les supports du kit pédagogique seront bientôt disponibles en licence libre sur le site de Fréquence Ecoles pour que l’expérience “Ça va chauffer” continue de faire des émules!

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On en parle ailleurs :

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