Echecs ou Go : Quelle tactique pour faire advenir un autre monde ?

Alain Bezançon
Aventuriers de l'être
3 min readOct 12, 2022

Dans le rapport de force inévitable qui va voir se cristalliser des visions du monde antinomiques, il devient de plus en plus important de connaître la nature de la “partie” en cours afin d’adopter les tactiques appropriées.

Avec les échecs, deux royaumes s’affrontent pour le pouvoir absolu. La victoire appartient à celui qui terrassera le chef de la partie adverse. Dans cette organisation pyramidale, chaque pièce a un rôle précis à jouer et des possibilités de mouvements déterminées. Les règles de l’engagement sont complexes, le processus d’apprentissage est long, les joueurs en présence font appel essentiellement à leur hémisphère gauche pour les aider à résoudre des problèmes. En 1996 une intelligence artificielle bat Garry Kasparov, le meilleur joueur du monde.

Le jeu de Go est une guerre de conquête de territoire sur un plateau de jeu plus grand que celui des échecs. L’adversaire vaincu n’est pas totalement détruit, il dispose simplement de moins d’espace. Les pièces plus nombreuses ont toutes la même valeur à l’image d’une organisation plus horizontale et ouverte. Les pierres posées ont une fonction très simple, mais le nombre élevé de combinaisons d’occupation des intersections rend le jeu complexe. Les règles sont faciles à comprendre et les joueurs peuvent rapidement rejoindre la partie. Ils utilisent principalement leur hémisphère droit pour s’orienter et se positionner. Le choix des coups est souvent instinctif et difficilement reproductible d’une partie à l’autre. Il aura fallu attendre 2016 pour qu’une machine batte Lee Seedol, le meilleur joueur au monde.

La réalité de notre monde en profonde mutation est bien sûr plus complexe que ces vénérables jeux de tables, mais échecs et go nous offrent des principes tactiques forts utiles pour positionner nos actions.

Les initiatives “nouveau monde” que nous avons décrites dans un article précédent sont essentiellement organiques, décentralisées, locales et ouvertes. Plus ou moins reliées entre elles, elles se placent davantage à certaines intersections d’un plateau de go que dans l’espace quadrillé et hiérarchisé d’un échiquier. Le changement de paradigme s’inscrit dans le temps long d’une révolution silencieuse où l’essaimage et le maillage d’initiatives locales finissent par tisser un mycélium, un réseau plus ou moins visible, occupant progressivement le champ des consciences.

La conquête de ces nouveaux possibles à probablement davantage intérêt à s’inspirer du jeu de go pour devenir le modèle dominant au service du bien commun plutôt que jouer avec les règles établies de l’échiquier, héritier du statu quo de la gouvernance au pouvoir.

Dans le monde réel, les joueurs ne sont pas simplement blancs ou noirs, bons ou méchants, amis ou ennemis à tout jamais. La réalité est fluide, les influences changeantes et les personnalités se déclinent sur des nuances de gris. À la différence du jeu de go où les pierres sont blanches ou noires, le jeu de la vie nous permet d’évoluer dans la gamme chromatique et se faisant, par rayonnement et contamination positive liée à la force du nombre de contribuer à transformer le noir en blanc, l’adversaire en allié puis en ami.

Cette conquête est celle du cœur et de la conscience. Celle qui permet de révéler la Lumière nichée au plus profond de la noirceur et assurer au terme de la partie, la victoire pour le bénéfice de tous.

À nous de jouer !

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