De nouveaux récits (avec l’aide de l’IA)

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
8 min readSep 28, 2022

Cela fait un moment que je n’ai pas parlé ici d’un sujet qui me tient à cœur, car il m’intrigue et m’interroge : l’impact que peut avoir l’intelligence artificielle dans l’écriture.

L’an dernier, j’évoquais le modèle GPT-3, qui permet de générer des textes très convaincants. Depuis, on a surtout parlé de Dall-e, un autre modèle, de la même startup (OpenAi), qui permet de générer des visuels à partir de quelques mots. Il y a aussi les modèles Imagen de Google, Midjourney ou Stable Diffusion.

Avant d’explorer mes talents d’artiste visuel assisté par l’IA — même si j’utilise les créations répertoriées par le fascinant moteur de recherche Lexica.art pour illustrer cette newsletter — j’ai eu envie de me replonger dans GPT-3. Car l’IA a rencontré un autre de mes centres d’intérêt du moment : la nécessité de développer de nouveaux récits et de nouveaux imaginaires, pour accompagner la nécessaire transition écologique et la rendre acceptable — et même mieux, désirable — par le plus grand nombre.

Cela s’est déjà produit dans l’histoire. Saviez-vous par exemple que le gouvernement britannique avait fortement encouragé les magazines de mode, dont Vogue, à rendre désirable la sobriété pendant la seconde guerre mondiale ? C’était l’une de mes découvertes de cet été, à Arles, lors de la visite de l’exposition consacrée à la photographe de mode et ancien mannequin Lee Miller… Qui était aussi photoreporter de guerre, reconnue pour ses images des camps de concentration allemands.

Mais je m’éloigne un peu du sujet*.

Je me suis donc demandé si GPT-3 pouvait nous aider à imaginer de nouveaux récits. Pour cela, j’ai eu l’idée de partir de quelques-uns des “pitchs” des récits de science-fiction publiés dans la collection “Dyschroniques” de la maison d’édition Le Passager Clandestin.

J’ai notamment lu d’une traite cet été “La vague montante”, dans laquelle, “en 1955, Marion Zimmer Bradley imagine une société d’abondance frugale soustraite à l’empire de la technologie.”

Partons donc de ces quelques lignes. Je souligne les “prompts” que j’ai utilisés pour nourrir ou relancer l’IA, le reste étant totalement généré par l’algorithme d’OpenAI…

Imaginons une société d’abondance frugale soustraite à l’empire de la technologie.

Dans une société d’abondance frugale, les gens sont extrêmement conscients des besoins environnementaux et des limites de la planète. Ils vivent donc de manière plus frugale, c’est-à-dire en consommant moins et en produisant moins de déchets. La technologie est toujours présente, mais elle est utilisée de manière beaucoup plus simple et écologique. Les gens se concentrent davantage sur les relations humaines et la nature, et moins sur les biens matériels.

Concrètement,

cela se traduit par des habitudes telles que manger moins de viande, acheter des produits locaux et écologiques, faire plus de sport, etc.

Mais aussi

par un mode de vie plus social, car les gens ont davantage de temps pour se voir et faire des activités ensemble.

La transition a été progressive

étant donné que cela représentait un changement fondamental de paradigme pour la plupart des gens. La majorité des gens ont accepté ce changement car ils ont compris que c’était nécessaire pour préserver la planète. Les plus réticents ont été ceux qui ont dû renoncer à leur mode de vie consumériste et technologique, mais ils ont été progressivement convaincus par les bienfaits de ce mode de vie plus simple et plus écologique.

Pour les convaincre

on leur a montré comment cela pouvait être aussi confortable et gratifiant, voire plus, que leur ancien mode de vie.

Finalement,

cette société est plus heureuse car les gens ont compris que le bonheur ne vient pas forcément de la consommation et de la possession de biens matériels, mais aussi de la qualité des relations humaines et de la beauté de la nature.

Et qui dirige cette société ?

Il n’y a pas de dirigeant unique de cette société. Les gens collaborent et travaillent ensemble pour atteindre un but commun.

Oui, on est en plein dans l’utopie et les bons sentiments, mais ça fait plutôt envie…

J’ai reproduit l’exercice avec un autre pitch, un peu plus subversif, celui de la nouvelle “Le Mercenaire” de Mack Reynolds, publiée en 1962.

Imaginons l’émergence d’un complot contre le progrès économique

et social.

Ce complot pourrait être mené par des groupes qui profitent du status quo et qui craignent que le progrès économique et social ne mette fin à leurs privilèges. Ils pourraient s’opposer aux réformes économiques et sociales en mettant en avant des arguments fallacieux et en essayant de les faire passer pour des vérités. Ils pourraient aussi tenter de manipuler les médias pour qu’ils ne donnent pas une image positive du progrès économique et social. Ces groupes pourraient également tenter de s’allier avec des forces politiques réactionnaires pour bloquer le progrès et étouffer toute voix dissidente.

Néanmoins,

il est important de noter que le progrès économique et social est inévitable et que ces groupes ne pourront pas arrêter le mouvement vers un monde plus juste et plus égalitaire.

L’IA ayant arbitrairement décidé d’accoler “social” à “progrès économique”, j’ai repris l’expérience avec un point cette fois-ci :

Imaginons l’émergence d’un complot contre le progrès économique.

Des groupes d’activistes et de militants anti-capitalistes commencent à s’organiser pour perturber les plans de développement économique des gouvernements et des entreprises. Ils mènent des campagnes de désinformation pour décourager les investissements, sabotent les infrastructures et les projets de construction, et organisent des grèves et des manifestations pour empêcher le progrès économique.

Leurs actions ont un impact négatif sur la croissance économique, entraînant une diminution des investissements et des emplois. Les gouvernements et les entreprises sont de plus en plus confrontés à des difficultés financières, ce qui met en péril le progrès économique et social. Les groupes anti-capitalistes voient alors leur influence augmenter, ce qui leur permet de mener une campagne encore plus efficace contre le progrès économique.

Néanmoins

à mesure que les difficultés économiques s’accumulent, les groupes anti-capitalistes finissent par perdre de l’influence. La population en vient à les rejeter, car elle est de plus en plus consciente des répercussions négatives de leurs actions. Le progrès économique peut alors reprendre, car les gouvernements et les entreprises sont en mesure de mettre en place des politiques et des investissements favorables à la croissance.

Bon, le moins qu’on puisse dire, c’est que cette IA n’a rien d’une anarchiste

Mais… si je change de suggestion, en l’orientant dans une autre direction :

Ces succès

leur donnent de l’espoir que, à terme, ils parviendront à mettre fin au capitalisme et à établir un nouveau système économique plus juste et plus égalitaire. Cela reste cependant une tâche difficile, car les groupes anti-capitalistes doivent faire face à de nombreux défis, notamment la répression des gouvernements et la résistance des entreprises.

Mais

si leur campagne est suffisamment puissante et bien organisée, elle peut avoir un impact important sur le progrès économique et social, et contribuer à changer le cours de l’histoire.

Finalement, cette difficulté de l’IA à sortir du cadre est plutôt rassurante : on aura quand même besoin de l’humain pour imaginer de nouveaux récits !

Après ça, j’ai testé une dernière fois l’algorithme avec le pitch le plus intrigant de la liste, celui de “Pigeon, canard et patinette”, de Fred Guichen, publié en 2016, à la suite d’un concours de nouvelles :

Imaginons que des impasses de la toute-puissance naîtra le pouvoir de la fragilité.

C’est possible.

Et c’est tout ce que l’IA a généré… Là, j’avoue, je suis carrément resté sur ma faim !

J’ai donc modifié quelques paramètres, et je n’ai pas été déçu…

Imaginons que des impasses de la toute-puissance naîtra le pouvoir de la fragilité.

Le pouvoir de l’inutilité et de la piété.

Imaginons une révolution de l’amour qui aura pour nom : solidarité.

Imaginons des foyers de fragilité où la vie est plus importante que la réussite.

Imaginons des écoles où l’amour est plus important que les résultats.

Imaginons des médias où l’amour est plus important que le profit.

Imaginons des églises où l’amour est plus important que le pouvoir.

Imaginons des corporations où l’amour est plus important que les bénéfices.

Imaginons des institutions où l’amour est plus important que l’efficacité.

Imaginons des gouvernements où l’amour est plus important que la technologie.

Imaginons des économies où l’amour est plus important que l’argent.

Devant ces excès d’idéalisme, j’ai décidé de remettre une pièce dans la machine… je n’étais pas au bout de mes surprises !

Je vous laisse méditer là-dessus, pour conclure :

Imaginons que des impasses de la toute-puissance naîtra le pouvoir de la fragilité.

« L’accès à la fragilité est un accès à la vie. »

La fragilité, c’est ce qui fait la beauté de la vie.

La fragilité, c’est ce qui fait de nous des êtres humains.

La fragilité, c’est ce qui fait que nous n’avons pas le pouvoir de tout maîtriser.

La fragilité, c’est ce qui fait qu’il y a des mystères.

La fragilité, c’est ce qui fait qu’il y a des limites.

La fragilité, c’est ce qui fait qu’il y a de la fragilité.

La fragilité, c’est ce qui fait que nous sommes fragiles.

Benoit Zante

*Autre digression : je vous conseille la série de LSD, La Série Documentaire de France Culture, consacrée à la grande peste, et tout particulièrement l’épisode 7, “écrire après la peste noire”. “C’est une rupture qui est très largement inconsciente, mais avec en revanche une conscience claire du fait que les temps étaient en train de changer et qu’il fallait de nouvelles formes pour raconter ces nouveaux temps,” explique notamment un des historiens interrogés.

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