#Difficile

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
5 min readSep 29, 2020

Je vous parlais il y a quelques semaines des Napoléons, qui avait “osé” organiser un événement physique au milieu de l’été, malgré les incertitudes. Mais alors que la seconde vague redoutée est bel et bien là et que les restrictions s’accélèrent, les organisateurs d’événements ne savent toujours pas sur quel pied danser.

Beaucoup optent pour le “virtuel” par défaut : on ne compte plus les grandes conférences annoncées initialement en physique qui basculent en 100% digital cet automne (The Next Web, DMexco, Mipcom…) quand d’autres sont purement annulées (Money2020). Avec une complexité supplémentaire : la compétition est rude et la barre est de plus en plus haute…

Par exemple, Inbound2020 organisé par Hubspot proposait une expérience assez innovante, autour d’une conférence de 2 jours, mais avec la possibilité de visionner ensuite chacune des interventions à la demande, y compris avec uniquement le son. Pour la dimension sociale, chaque participant a son propre avatar, ses objectifs… et ses “pronoms”, pour être totalement inclusif (on est aux Etats-Unis…). L’interface est par contre déroutante : on évolue dans une ville virtuelle, avec ses passants, ses salles de conférence… et ses panneaux publicitaires pour les sponsors. Mais c’est ludique et différent des autres événements virtuels.

Autre cas intéressant, à plus petite échelle : l’Oslo Innovation Week. J’ai eu la chance d’y participer les deux années passées, invité par les organisateurs. Cette année, tout est en ligne, mais la dimension internationale n’est pas oubliée : l’événement est une vitrine pour le pays et la ville. Les équipes RP ont fait un travail impressionnant pour garder le lien avec les journalistes, malgré la distance. Salle de presse virtuelle, groupe Instagram privé pour suivre les coulisses de l’événement… et même livraison de repas surprise à domicile, à l’autre bout du continent, grâce à Uber Eats !

En fait, par rapport au printemps dernier, où tout le monde a été pris de cours, il pèse sur les organisateurs d’événements, quelle qu’en soit la taille, une contrainte supplémentaire : après plusieurs mois de webinars bricolés sur Zoom, les attentes des participants ne sont plus les mêmes. Pour les événements en ligne, la barre est de plus en plus haute et la concurrence plus rude que jamais.

Dans l’économie des conférences, salons, festivals, le contenu n’est qu’une partie de l’équation, plus ou moins importante selon les cas. Là, en ligne, il devient central, voire l’unique proposition de valeur. Les organisateurs qui misaient tout sur la mise en relation, du networking informel ou des espaces d’exposition ont les plus grandes peines du monde à transposer ces éléments en ligne. Or, il ne leur reste plus aujourd’hui que le contenu pour exister en ligne… sauf que tout le monde propose du contenu, du Youtubeur aux médias établis.

Certes, la plupart des événements professionnels sont positionnés sur des niches très précises, où la concurrence en termes de contenus de qualité est relativement faible. Mais celle-ci s’accentue fortement. Face à la faible barrière à l’entrée, les habituels sponsors de ces événements peuvent être tentés de faire leurs propres événements virtuels. Et puis, les barrières géographiques sont tombées : les événements aux Etats-Unis sont maintenant accessibles de partout. A l’inverse, cela signifie aussi que l’audience potentielle d’événements à Paris ou en région s’élargit grandement.

Reste la notion même d’”événement” : comment créer un “momentum” en ligne, qui fait que le public voudra regarder la conférence en direct, en même temps que tout le monde, alors qu’il est bien plus confortable de visionner des contenus à la demande… Beaucoup d’organisateurs sont encore trop attachés à la structure classique des événements, sur un ou deux jours. Evidemment, cela a du sens en physique, mais en ligne, cela correspond assez peu aux usages. Qui peut (et veut) bloquer 2 jours dans son agenda pour une conférence virtuelle ? A part pour quelques événements référents, avec des annonces et des exclusivités, une stratégie de (courts) rendez-vous réguliers a, me semble-t-il, bien plus de sens.

Collision from Home, la version nord-américaine du Web Summit est malheureusement un bon exemple de ce qu’il ne faut surtout pas faire… Un comble pour une structure qui se vendait depuis longtemps comme une plateforme technologique plutôt qu’une entreprise d’événementiel : l’expérience en ligne était assez catastrophique, avec ses 3 flux de discussions Zoom peu intéressantes, diffusées en parallèle, pendant trois jours, sans possibilité de les visionner ensuite à la demande (depuis, les vidéos des interventions ont été mises en ligne, mais ce n’était pas l’idée au début). Pour le Web Summit cet hiver, espérons que l’expérience soit meilleure !

A l’inverse, les Cannes Lions, au travers d’un format plus proche de la Webtv (avec des créneaux attribués à chaque sponsor) que du webinar, proposait une sélection de contenus très qualitative (et étonnamment assez peu promotionnelle), alternant discussions en plateau, échange sur Zoom, documentaires, showreel, cas clients…

La situation actuelle est aussi une occasion pour des événements de référence de sortir de leur cadre initial : Mailchimp et Amazon ont donné aux films sélectionnés à SXSW l’accès à une audience potentielle bien plus large que lors du festival physique, Ars Electronica Festival, habituellement cantonné à Linz, en Autriche, s’est exporté dans de nombreuses villes du monde, tout comme House of Beautiful Business s’apprête à le faire avec son concept de “Great Wave”… Bref, malgré les contraintes, les cartes sont rebattues et les opportunités d’imaginer de nouvelles choses demeurent nombreuses.

Clairement, l’écosystème de l’événementiel est à un tournant majeur, qui laissera des traces durables, même lorsque l’épidémie sera loin derrière nous. Les événements qui n’auront pas su garder le lien avec leur communauté pendant cette période compliquée auront beaucoup de mal à retrouver leur place après une ou deux années sans édition physique. Difficile aussi d’imaginer à l’avenir un événement qui ne sera pas un minimum hybride ou qui se contentera de proposer des tables-rondes mal préparées. Pour faire revenir les gens dans les salons et conférences, il faudra une promesse encore plus forte que par le passé, autour de l’exclusivité et de l’expérience…

— — — — — — — — — —

N’hésitez pas à prendre le temps de m’écrire pour me partager vos réactions, avis, coups de coeur, coups de gueule… et à partager cet article ;)

Vous souhaitez recevoir directement par e-mail les prochains articles? Un formulaire d’inscription est disponible ici.

A bientôt !

Benoit Zante

--

--