Web Summit 2021 : les lanceurs d’alerte à l’honneur

Benoit Zante
TLDR by Benoit Zante
4 min readNov 9, 2021

Les débats ont dû être assez animés entre les équipes commerciales et éditoriales du Web Summit lors de la préparation de l’événement, qui faisait son retour en 100% présentiel à Lisbonne la semaine dernière…

D’un côté, cette grand-messe a besoin de la participation (et de l’argent) des “big tech”* pour asseoir sa légitimité. Avec 40 000 visiteurs en trois jours, le Web Summit se présente en effet toujours comme le plus gros événement tech en Europe (vs. Vivatech, 26 000 “seulement” en présentiel en juin dernier, pour 140 000 participants au total).

De l’autre, être un événement tech de référence oblige à mettre sur le devant de la scène les questions qui fâchent, dont celle de la régulation et du contrôle de ces mêmes “big tech” qui le sponsorisent depuis des années…

Soyons honnêtes, les équipes du Web Summit s’en sont assez bien tirées : les sujets chauds n’ont pas été mis sous le tapis, bien au contraire, mais parfois au prix de grands écarts.

Dans la même journée, on pouvait ainsi écouter Tom Taylor, d’Amazon, présenter sa vision de l’internet de demain, qui sera selon lui “ambiant” et omniscient, et, quelques heures plus tard (mais sur une plus petite scène), boire les paroles de Christopher Wylie, le lanceur d’alerte de Cambridge Analytica, devenu directeur de recherche chez H&M (étonnante reconversion, non ?)

Si on en croit le représentant d’Amazon, “l’avenir de la technologie grand public est l’intelligence ambiante, qui utilise l’IA pour relier des appareils et des services d’une manière qui apporte bien plus de valeur que le terminal seul.” Traduction : demain, Alexa (ou Astro, sa version robot) sera capable d’allumer la lumière, le chauffage ou votre grille-pain sans que vous le lui demandiez, parce qu’elle “saura” que c’est ce dont vous avez besoin…

Ainsi, cet internet de demain “vous comprend[ra] et s’adapte[ra] en conséquence. Il [sera] là quand vous en avez besoin et il passe[ra] à l’arrière-plan quand vous n’en avez pas besoin. Il [sera] capable d’agir pour vous.

Heureusement, Christopher Wylie est là pour rappeler que pour que cet internet omniscient fonctionne, il faudra évidemment fournir encore plus de données personnelles et renoncer encore un peu plus à notre vie privée… Sous couvert de “savoir ce que nous voulons”, les plateformes nous font en fait faire ce que, elles, souhaitent nous voir faire.

Face à tous les risques inhérents à un monde où tous nos faits et gestes sont enregistrés et analysés pour permettre à des IA de nous servir du café, le scandale Cambridge Analytica ne sera bientôt plus qu’un simple fait divers

Dans le futur rêvé par Christopher Wylie, les plateformes devront apporter, avant tout lancement de nouvelle fonctionnalité, la preuve que leurs services ne sont pas dangereux pour leurs utilisateurs, la démocratie et la société… comme doivent déjà le faire les “big pharma”, par exemple (sans que cela ne les empêche de générer des “big profits”…).

Une autre lanceuse d’alerte sortie de l’ombre tout récemment, Frances Haugen, était aussi la grande star de la soirée d’ouverture (aux côtés d’un Français, Nicholas Julia, le co-fondateur de la licorne NFT Sorare). Avec justesse, elle a pointé du doigt la fuite en avant de Facebook, qui choisit d’investir des dizaines de milliards de dollars dans un nouveau territoire (le fameux métavers), sans avoir au préalable consolidé ses services de base.

Deux jours plus tard, Chris Cox, le Chief Product Officer de Facebook (pardon, Meta), venait lui répondre, en défendant la vision (et l’utilité) du Metaverse. Sans trop de succès : il n’a pas eu droit à une keynote “descendante” comme Amazon, mais à une visio avec des questions assez offensives, de la part d’un journaliste un brin dubitatif sur l’intérêt du Metaverse et la capacité de Facebook d’y assurer la sécurité des utilisateurs…

Au passage, il est intéressant de voir se détacher deux visions pour le futur de l’internet “occidental” (la Chine étant en train de se “découpler” totalement) : l’internet “ambiant”, omniprésent mais transparent, pour Amazon, Google et Apple, vs. les metavers immersifs pour Facebook et Microsoft… Ces deux visions convergeront peut-être à l’avenir ou ne se concrétiseront jamais.

Face à eux, peut-être qu’une troisième voie s’imposera : celle d’un Web 3.0, décentralisé, ou les acronymes DeFi, DAO et NFT auront définitivement fait oublié celui de GAFA. Mais c’est un tout autre sujet !

Benoit Zante

*Avec Facebook renommé en “Meta” et Google devenu Alphabet depuis longtemps, il est plus que temps d’abandonner l’appellation très limitante de “GAFA”. Non ?

— — — — — — —

N’hésitez pas à prendre le temps de m’écrire pour me partager vos réactions, avis, coups de cœur, coups de gueule… Et à partager cet article ;)

Vous souhaitez recevoir directement par e-mail les prochains articles ? Un formulaire d’inscription est disponible ici.

À bientôt !

--

--