Gilets jaunes et Bitcoin : existe-t-il une convergence des luttes ?

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3 min readDec 6, 2018
Photo d’un gilet jaune prise le 1er Décembre à Paris.

Le 1er Décembre, une photo d’un gilet jaune portant l’inscription « Buy Bitcoin » est devenue virale sur les réseaux sociaux.

En 2008, la crise financière a acceléré la promotion et le déploiement de Bitcoin, nouveau réseau de paiement et monnaie anti-système. Il n’est donc pas étonnant pour certains qu’il surgisse ainsi au coeur d’une manifestation populaire, dopée par la défiance — voire la haine — envers les institutions.

Par-ci par-là ont donc éclos des théories supposant une convergence des luttes entre les gilets jaunes et les bitcoiners.

Un célèbre influenceur de la cryptosphère, Anthony Pompliano, s’est d’ailleurs fendu de ce tweet largement partagé, avec la photo en illustration :
“Les manifestations à Paris sont un développement intéressant des inégalités à travers le monde. Les gens n’en peuvent plus des gouvernements utilisant la planche à billets, qui augmente le coût de la vie et accentue la pauvreté.”

Pas de convergence des luttes, mais un biais de confirmation.

Ces postulats découlent d’un biais cognitif répandu — le biais de confirmation — , qui consiste à privilégier les informations qui valident et confirment ses propres idées préconçues ou ses hypothèses. En d’autres termes : ceux qui avancent la thèse de l’existence d’une convergence des luttes en voyant cette photo sont ceux qui ont envie d’y voir une convergence des luttes.

Aujourd’hui, rien n’indique que cette convergence existe. Nous avons contacté l’internaute qui a posté la photo originale :

“Je passais près de la place de l’Etoile sans participer à la manifestation et n’ai vu aucune présence de bitcoiners à part ce gilet.”

Un bitcoin maximalist du forum CryptoFR, lieu de prédilection de la communauté francophone pour les cryptomonnaies ajoute :

Je doute que vous trouviez un bitcoin maximalist qui supporterait les gilets jaunes. Le seul éventuel point commun c’est qu’on voudrait moins de taxes. Toutefois, si l’on met cela de côté, les deux profils sont largement opposés. Les bitcoin maximalists sont des libertariens. Les gilets jaunes sont des étatistes.

En effet, d’après le travail des Décodeurs du journal “Le Monde”, les demandes des gilets jaunes s’avèrent très proches des propositions de la gauche radicale, compatibles avec l’extrême droite, mais très éloignées des programmes libéraux.

Enfin, aucune association de bitcoiners n’a pour l’heure appelé à manifester avec les gilets jaunes.

Un point de convergence : la décentralisation.

Il existe cependant à nos yeux un point de convergence entre ces gilets jaunes et les bitcoiners : le désir d’une force décentralisée, débarrassée des corps intermédiaires.

Si Bitcoin a été créé pour qu’aucune autorité centrale ne régule son fonctionnement, aucune autorité centrale ne régule également le mouvement des gilets jaunes. Ceux-ci rejettent toute représentation et toute récupération des syndicats ou des partis politiques. Anti-système — comme Bitcoin — les gilets jaunes prônent l’horizontalité et s’oppose fortement à la nomination officielle de porte-paroles. Comme l’analysait Vincent Glad dans un article de Libération sur la structure du mouvement :

Ils conçoivent leur action dans une transparence totale et sont soumis en temps réel à la supervision et la critique de leurs congénères.

Ce type de structure n’est pas sans rappeler le concept de DAO, définie par Blockchain France comme une “organisation décentralisée dont les règles de gouvernance sont automatisées et inscrites de façon immuable et transparente dans une blockchain”. On imagine alors l’utilité que pourrait avoir cette technologie pour un mouvement de cette facture. Pourrait-on imaginer un jour qu’elle soit la structure principale d’un pouvoir législatif, régional ou national ? Aujourd’hui, cependant, il n’existe pas encore de logiciel fiable pour parvenir à cette solution.

Pour conclure, et prendre la mesure de l’incertitude qui plane aujourd’hui sur l’avenir de notre société et de ses institutions, rappelons nous cette célèbre citation tirée de La naissance de l’amour (1993) de Philippe Garrel : “En réalité on ne sait jamais ce qui se passe, on sait simplement ce qu’on veut qu’il se passe. C’est comme ça que les choses arrivent.”

Renaud Loubert Aledo, le 5 Décembre 2018.

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