Oui à la Tech en Afrique, mais… (partie 1)
Nous sommes encore au sortir du Challenge Cameroun VS Covid-19, et j’ai eu l’honneur de participer en tant que facilitateur pour accompagner les porteurs de projet. Je profite de cette expérience encore fraîche pour apporter une réflexion sur un sujet qui pourrait apporter de la valeur aux jeunes entrepreneurs : le rôle de la technologie dans la construction d’une startup. En effet, j’ai très souvent constaté lors de mes diverses rencontres avec des primo-entrepreneurs (première expérience entrepreneuriale) qu’ils peuvent accorder beaucoup trop d’importance à l’aspect technologique de leur projet.
Bien que cette démarche démontre une bonne capacité technique des promoteurs à construire des produits jusqu’au bout, un focus trop accentué sur la technologie peut présenter des problèmes qui seront difficilement surmontables par la suite.
Sans trop de suspens, je suis un fervent croyant des bienfaits des nouvelles technologies pour le développement du continent Africain. Par contre, je pense qu’on devrait la positionner comme un outil dans une entreprise, et non le but de celle-ci (hors-mis les sociétés de service informatique). Je me propose dans cette mini-série d’articles d’analyser ce problème dans notre contexte, et je serais honoré d’avoir ton point de vue sur cette question.
Les bonnes et les mauvaises motivations
Quelques signes peuvent mettre en alerte sur un focus trop prononcé sur la technologie :
- Pitcher son projet en insistant sur les technologies utilisées (“IA”, “Blockchain” etc…) et non sur le problème adressé;
- Avoir un produit (application mobile, plateforme web) avec plus de fonctionnalités que de réels clients;
- Avoir un produit inadapté à la problématique adressée, ni au contexte;
- Etc…
Qu’il soit prématuré, trop prononcé ou non pertinent, l’insistance sur l’aspect technologique dans la construction d’une startup peut s’expliquer par de bonnes et des mauvaises raisons :
La pénétration d’un marché relativement “mature”. Dans un marché relativement “mature”, la compétition est plus ou moins féroce, et les clients sont déjà exigeants et sophistiqués. L’entrepreneur qui veut pénétrer un marché déjà mature doit apporter une proposition de valeur qui permet de se différencier des acteurs actuels. Une bonne façon de procéder peut-être d’apporter un produit beaucoup plus concurrentiel (plus de fonctionnalités pertinentes, plus de performance, moins cher…) que les produits déjà existants. Insister sur la technologie est pertinente dans ce cas, étant donné que le modèle économique est déjà validé les acteurs actuels du marché.
La crédibilité. Une deuxième raison pour laquelle des primo-entrepreneurs commencent très souvent par la technologie est la crédibilité. En effet, en tant que première expérience, les primo-entrepreneurs peuvent manquer de crédibilité lorsqu’ils approchent des potentiels partenaires (institutionnels, privés…), clients ou fournisseurs, ce qui leur empêche d’enclencher des discussions. Ainsi, avoir un début d’application, de plateforme, ou de prototype fonctionnel peut-être nécessaire pour être pris au sérieux, et retenir l’attention de ceux-ci. Dans cette configuration, mon conseil au porteur de projet serait de concevoir le minimum requis pour aborder les discussions. Par la suite, échanger avec ces partenaires leur permettra de recueillir de nouvelles informations pertinentes pour l’évolution de leurs produits.
Entrepreneur =! Ingénieur; =! Docteur.
La compétence du promoteur. Ayant également un diplôme d’ingénieur, je crois avoir fait cette erreur plus que quiconque. En effet, plus généralement beaucoup d’entrepreneurs qui se lancent dans le développement d’une solution technologique ont un background tech (ingénieur, Docteur, Technicien…). La compétence étant immédiatement disponible, la tentation est forte de commencer à développer l’application ou la plateforme, sans vraiment en challenger la proposition de valeur, la pertinence dans l’environnement, le positionnement par rapport aux solutions existantes, etc… Si c’est votre cas, arrêtez tout !! Vous risquer de tout recommencer après 6 mois de développement.
La copie d’une solution sur un marché vierge. Un produit ayant démontré un succès en occident peut inspirer des entrepreneurs locaux à dupliquer le même produit dans leur environnement. J’ai par exemple rencontré des porteurs de projet défendant des idées d’un blablacar, d’un Revolut ou d’un AirBnB africain, des projets très sexy sur papier, mais vu qu’ils sont mal implémentés à l’environnement, conduisent à des échecs. D’ailleurs concernant ces projets, j’ai dû me rendre compte quelques mois plu-tard qu’ils n’étaient pas allé plus loin dans leur avancée.
Une autre raison importante à noter est “l’effet de mode”. En effet, se lancer dans la tech aujourd’hui “fait tendance”, par rapport à des domaines comme l’agriculture, les transports, ou l’industrie (qui ne sont pourtant pas en manque de rentabilité sur notre continent). Pour ne pas arranger les choses, on se retrouve souvent obligé de “parler tech” dans notre projet, si on veut candidater à certains concours (startup weekend, Hackaton, etc…), et obtenir des ressources en récompense pour faire avancer son projet.
Ce qu’il faut retenir…
Comme nous venons de voir, plusieurs raisons plus ou moins pertinentes peuvent expliquer le fait d’aborder une problématique entrepreneuriale par la question technologique. Personnellement, je ne pense pas qu’il y ait de règle établie, tout est une question de contexte. Alors Oui à la tech, mais pour les bonnes raisons. Le but de cet article était d’identifier quelques causes du fait qu’en tant qu’entrepreneur dans notre écosystème, on accorde un focus trop important à la technologie. Dans un prochain article, j’analyserai en quoi un focus trop important ou prématuré sur la technologie en début d’un projet peut être un handicap lorsqu’il est motivé par de mauvaises raisons.
