Oui à la Tech en Afrique, mais… (partie 2)
Dans le premier article de cette mini-série, j’ai entamé une réflexion sur : le rôle de la technologie dans la construction d’une startup. Quelque soit l’environnement (Cameroun, Côte d’ivoire, France, USA), un focus trop prononcé sur la technologie peut être une cause d’échec de son projet. Le précédent article présentait de bonnes et de mauvaises raisons qui peuvent expliquer ce phénomène dans notre environnement (le Cameroun). Pour les bonnes raisons, la technologie est au service d’une stratégie plus grande, alors que pour les mauvaises raisons, elle n’apporte pas de valeur ajoutée. Dans cet article, nous verrons les conséquences dans ce dernier cas, et ce sur quoi il faudrait se concentrer en début d’un projet, pour en maximiser sa valeur ajoutée.
En quoi c‘est un problème…
Au début d’un projet, le nombre d’informations acquises (compréhension complète du problème, technologie, conditions d’utilisations, modèle économique, réglementation juridique, langage utilisé…) est très souvent insuffisant, qu’il est très risqué de se lancer dans la conception d’un produit. En effet, l’orientation du produit peut complètement changer à la réception d’une nouvelle information. Par conséquent, choisir une solution technique en début est une décision importante et coûteuse, et les retours en arrière sont très souvent difficiles à encaisser:
- Financièrement: En fonction du type de produit (application web/mobile, produit électronique…), des fonctionnalités identifiées, des outils tiers, des compétences nécessaires, des matières premières… le coût de conception peut être plus ou moins important. Disposant très souvent de peu de moyens financiers au début d’un projet entrepreneurial, des grosses pertes peuvent s’avérer cruciales.
- Émotionnellement : au delà des pertes financières, s’engager dans la conception d’un produit crée un attachement affectif de la part des concepteurs. Repenser, modifier ou alors faire table rase sur un produit qu’on a développé peut être assez dur à encaisser émotionnellement.
- Le temps : en effet, le temps est la ressource la plus importante d’un entrepreneur. Le temps qui passe ne revient pas: une semaine, un mois mal exploité c’est de l’argent perdu dans des activités qui desservent votre entreprise, et ne vous construit pas. Toute action prend du temps, mais le temps consommé doit avoir un impact productif pour la société, et lui apporter de la valeur ajoutée. En conséquence, il doit être utilisé avec beaucoup de soins…
Dans l’article intitulé : 04 Raisons d’entreprendre en Afrique, il y a été présenté qu’Entreprendre consiste à “répondre à une problématique touchant une catégorie de personnes en apportant une solution en échange d’un paiement financier”.
Partant de ce principe, nous pouvons sans nous tromper dire qu’un projet entrepreneurial est réussi lorsqu’il répond à la problématique des personnes concernées.
En conséquence, la priorité au début d’un projet entrepreneurial ne devrait pas être sur la réalisation d’une solution (souvent précipitée), mais d’abord la compréhension de la problématique des personnes concernées. Vous devez être capables d’expliquer avec de mots simples :
- Quelle est la problématique que vous résolvez ?
- Pourquoi c’est important pour les personnes ciblées ?
- Est ce que ce problème est suffisamment important dans leur vie pour qu’ils vous paient ?
Si vous n’êtes pas capables de répondre à ces questions, alors peu importe que vous utilisiez de l’Intelligence Artificielle, de la Réalité Virtuelle, de la Blockchain… vous n’avez pas encore de business. Parler avec des potentiels clients apportera plus de valeur ajoutée que les 1000 prochaines lignes de code que vous écrirez.
Par contre, une fois répondu à ces questions, vous avez un vrai projet entrepreneurial. Dans l’équation entrepreneuriale (Solution à Problématique = paiement de Population ciblée), les paramètres sur lesquels l’entrepreneur a une influence sont : la solution qu’il leur apportera, et le paiement qu’il recevra en retour. Plus la solution sera pertinente à la problématique, plus le paiement pourra être important.
Au début de votre aventure entrepreneuriale, une solution moins élaborée techniquement, mais répondant au besoin des utilisateurs a plus de valeur ajoutée qu’une solution technique élaborée ne répondant à aucun besoin.
- Pendant ses premières années d’existence, M-pesa a démocratisé le paiement mobile, facilitant ainsi l’accès aux paiements à des millions de personnes non bancarisées par une solution USSD (SMS).
- GiftedMoM, la solution camerounaise fournissant un suivi régulier des femmes enceintes en région rurale, réduit la mortalité infantile également avec une solution USSD.
Pour ne citer que ceux-la… Une fois cette base de valeur ajoutée assise dans votre projet, il est plus facile de faire évoluer la solution avec des technologies plus élaborées pour apporter plus de performance et plus de possibilités.
Oui à la Tech en Afrique, mais…
Pour ne pas rallonger d’avantage cet article, je conclurais que la priorité pour la réussite d’un projet entrepreneurial est d’abord due à la pertinence de la solution proposée pour répondre à la problématique. Donc Oui à la tech en Afrique, mais répondre à la problématique d’abord. Bien évidemment, dans certaines conditions, et selon le type d’industrie, vous pouvez être obligés d’avoir un minimum de produit pour démarrer (c’est le cas par exemple pour avoir de la crédibilité devant de potentiels partenaires — le domaine de la santé par exemple où vous pouvez traiter des données sensibles). Dans ce cas, je conseillerais de préparer le “minimum syndical” pour être accepté comme partenaire et ensuite de le peaufiner avec les informations récupérées au fur et à mesure de l’apprentissage, pour limiter les coûts, et le temps perdu à prendre une mauvaise direction sur le produit final.