CRISPR des ciseaux moléculaires dignes de Dune

Où l’on apprend à mieux connaître ce Jesus-CRISPR (superstar ?) qui nous sauvera tous. Bienvenue dans la Tour de Babel. Car à la racine de la médecine de demain se trouve un outil placé au coeur des civilisations et de leurs valeurs morales, religieuses, économiques, juridiques, culturelles. Oui, cet outil est une simple paire de ciseaux. Qui veut jouer à Pierre Papier Ciseaux ?

CATHERINE COSTE
Chroniques biomédicales
17 min readMar 11, 2024

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Attachez vos ceintures, décollage imminent pour la Elon Musk school, une école informelle de creative writing développée en Californie voilà plus de 10 ans. Avec des élèves francophones de Californie, mais aussi d’Asie et d’Europe, nous étudions des ouvrages de science-fiction et ils écrivent la leur. En gros, cela veut dire qu’ils se rêvent ainsi…

Dune The Movie 1

… et que moi je prêche dans le désert ;-) ;-)

Cet extrait de cours en ligne est dédié à mon ancien prof de géopolitique du temps où il démarrait tout juste l’émission Le Dessous des Cartes sur Arte, Jean-Christophe Victor, fils de Paul-Emile Victor. Jean-Christophe était alors un ami de mon prof de linguistique à Paris X-Nanterre, fac où j’ai démarré mes études, et il était venu recruter des étudiant(e)s pour assister aux débuts du “Dessous”. C’est avec lui que j’ai appris à croiser les perspectives, à “prendre du recul et monter au balcon”, comme me disais un chirurgien pionnier du temps que je travaillais à aider à développer la chirurgie mini-invasive en Europe, avec Intuitive Surgical Inc. Par la suite, après avoir étudié la génomique et la biologie grâce aux fameux MOOCs de MITx qui étaient censés toucher la Terre entière mais qui ont un peu fait pschiittt (euh oui, je parle comme cela à mes élèves, mais ne vous inquiétez pas, cela fait 10 ans que ça dure), j’ai décidé de partir en Asie afin d’enrichir la sélection d’ouvrages de SF à faire découvrir aux élèves. A Singapour, Taïwan, Hong-Kong, Chine, Japon : que de pépites découvertes, de jeunes auteurs tout juste traduits en anglais, ou pas encore… Avec la traduction assistée par ordinateur, et quelques notions de chinois et de japonais (dans une ancienne vie j’étais linguiste), le projet n’est pas (totalement) aussi fou qu’il en a l’air. Je voulais comprendre Le Dessous des cartes de CRISPR… afin d’apporter une sorte de boussole aux élèves.

CRISPR, les ciseaux moléculaires découverts aujourd’hui (enfin hier soir à 21:00) et déjà ils remodèlent la géopolitique mondiale, avec des coups de ciseaux ressemblant à des prises de bec. Mon programme a l’air ambitieux, et comme toujours, quand on veut péter plus haut que son cul, on se prend une claque. Après avoir tenu un blog sur l’éthique et les transplantations d’organes sur Blogspot (démarré en mars 2005) durant plus de 5 ans à plein temps (je suis tout de même arrivée, moi et surtout les témoignages de proches et soignants) à Steve Jobs mourant (la greffe post-cancer, c’était pas un bon plan). De là j’ai fait les MOOCs de MITx (plateforme EdX) pour comprendre “la médecine de demain” : génomique, bioinformatics… Et après avoir fait le tour de l’Asie (ouf !!) c’est dans la médiathèque près de chez moi à Pertuis (haha) que je trouve cet ouvrage glaçant, un classique que je ne connaissais absolument pas (trou noir dans ma raquette) :

Appelez-les des « pièces de rechange ». Ils (ou elles) avaient fait un choix : la prison pour leurs crimes ou la semi-liberté comme serviteurs volontairement attachés à une personne particulière. Mais pour prix de ce singulier servage, leur contrat incluait l’obligation de faire don à leur maître de tout organe ou membre corporel dont la greffe s’avérerait nécessaire en cas de maladie ou d’accident. Tel était le risque. Joe Sagar employait des serviteurs de ce type dans la ferme où il élevait des animaux extra-terrestres. Sans se poser de questions. Mais quand Carioca Jones, célèbre star de la télévision, lui rendit visite, le fragile équilibre commença à se fissurer, dans cette société vivant sur une Péninsule post-cataclysmique. Ce volume réunit le roman Les Crocs et les griffes avec les quatre nouvelles du même cycle.

Dans cette fiction ingénieuse (animaux marins trafiqués génétiquement et vendus à de riches propriétaires comme des animaux domestiques “inoffensifs”), on assiste à la découverte par un personnage d’une société ayant inscrit dans sa loi des progrès médicaux “figés” (or par nature la médecine progresse, on ne soigne pas aujourd’hui comme on soignera dans 100 ans ou il y a 100 ans). Vous me direz, rien de nouveau, en France par ex. le don d’organes est inscrit dans la loi. Sauf que là, c’est inscrit dans le système juridique de tout un pays (Péninsule Nord : riches vivant dangereusement, forts besoins de pièces de rechange ; Sud ensoleillé et pauvre, migrants détournés à des fins de trafic privé d’organes par un directeur de prison corrompu, ladite prison est aussi la Banque Nationale d’Organes, comme collusion d’intérêts c’est pas mal). Dans cette société orchestrée autour du business de la génomique, d’inégalités sociales instrumentalisées et détournées, de journalistes devenus des pros de l’opinion publique à attiser comme un bon feu de cheminée en hiver au détriment de l’information, de whistle-blowers avides de gloriole et amoureux de leur seule image, prêts à toutes les manipulations et excès pour servir leur image, le lecteur fait son chemin seul, avec pas même un personnage pour le réconforter face à ce tableau glaçant : le don d’organes inscrit dans le code pénale d’une société attachée aux valeurs du libéralisme à tout crin. Voilà qui laisse peu de place à la recherche, me direz-vous. Inscrire la médecine conventionnelle dans le système judiciaire du pays c’est figer une médecine qui s’est mise en place à une époque où ses pionniers eux-mêmes la voyaient comme une phase transitoire, en attendant mieux. Chacun sait que la médecine des transplantations d’organes peine à être industrialisée sans tomber dans des excès violant les droits humains (trafic d’organes en période de guerre, etc). On le sait avant de lire le livre, pas vrai ?

Mais je vois que certains ont déjà compris où je voulais en venir avec mes gros sabots. Eh oui, CRISPR. Les ciseaux moléculaires. Maintenant, chers élèves, je vous propose le même exercice : on va se prendre pour Michael G. Coney (disparu en 2005, pile quand j’ai commencé mon blog sur les transplantations, tiens !) et on va y aller de notre petite saga glaçante. Et puis à la fin, on verra si elle est réaliste ou pas. Ce sera à vous de juger, hein ?

Mais avant d’effectuer le grand plongeon (gare aux éclaboussures, cher lecteur !) je voudrais reporter ici la remarque judicieuse d’une élève ayant vu Dune 1 et 2 : on sait que Dune est une SF sur l’écologie. Comment vivre avec la nature et s’adapter à elle plutôt que de s’évertuer à la faire s’adapter à nous. Il en va de même pour la médecine : ne pas découper le corps humain et le ficeler selon des spécialités elles-mêmes saucissonnées par organe-silo. A l’ère de la médecine génomique dite “de précision”, que voudra dire “cancer de tel ou tel organe”, alors que cette chercheuse nous parle d’un travail de détective conduisant à détecter une mutation ou défaut de fabrication de protéine donnant deux maladies totalement différentes, identiques pour leur seule sévérité : une à l’oeil et l’autre au rein ?

https://www.ted.com/talks/anna_greka_the_world_s_rarest_diseases_and_how_they_impact_everyone

Bon il est temps de cracher le morceau. Pourquoi je vous ai gonflés avec mon tour du monde à la noix ? Eh bien pour vous dire ceci : dans la médecine qui se prépare à Mach 2, il y aura deux orientations radicalement différentes (monde oriental et monde occidental), mais un seul outil : CRISPR. L’avion a décollé, j’espère que vous avez attaché vos ceintures. Eh non, ce n’est pas un SpaceX Dragon, tout juste un vieux coucou qui vole, la Elon Musk school n’a pas du tout le même budget, désolée cher lecteur si on déçoit vos attentes. Mais on a quand même des projets qui déchirent, voir ici par ex.

Mais revenons à nos moutons, pardon, à nos dunes (je prêche dans le désert). Pour l’instant, personne ne se sent concerné. Côté monde occidental, on parle de “rare disease” et d’”orphan drugs”, on imagine bien que maladie rare et médicament orphelin, ça ne parle pas à grand monde, quelle que soit la langue employée, hein ? Et pourtant ! Vu le pognon engagé (CRISPR, vaccins anti-cancer à base d’ARN messagers) et les discours aux investisseurs côté USA, la médecine de demain va ratisser large, le “rare et l’orphelin” ne seront que le souvenir d’une époque où les chercheurs, prudents, ne voudront pas risquer de se mettre à dos les populations chrétiennes. Oui on manipule le génome on va opérer l’embryon mais ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas transmissible aux générations suivantes. On ne joue pas à Dieu. On se rappelle les débuts des transplantations d’organes, peu acceptées dans la population (le coeur symbole de la personnalité la plus intime pour les croyants orthodoxes russes, par ex, ou les Musulmans pour qui le corps mort doit être enterré entier, ou encore les Japonais n’ayant pas validé la mort encéphalique n’y voyant qu’un constat légal de décès anticipé pour permettre un prélèvement d’organes)… Donc avec CRISPR, pareil, on y va mollo… et ensuite on espère que ça deviendra mainstream, comme les transplantations. Sauf que les transplantations peinent à s’industrialiser et que si on le faisait ça donnerait plutôt ce qui est décrit dans “Péninsule” de Michael G. Coney… Du coup on reste avec nos listes interminables de patients en attente de greffe, on vend de l’espoir mais bien des patients dans le monde meurent en attente de greffe qui ne vient jamais, ou trop tard, ou qui ne prolonge la vie que de quelques années… tout de même appréciable, hein ? On pense à Steve Jobs dans sa fin de vie… Appréciable, mais pas idéal. On cherche donc à faire mieux qu’hier, quoi de plus normal et pourquoi s’en cacher ?

Passons côté Est, à présent. Et vous allez bientôt voir qu’ “ils ont partagé le ciel”, comme dans le roman de l’auteure Est-Allemande Christa Wolf du temps du Mur séparant les deux Allemagnes… En Chine, on n’en a rien à faire de manipuler du vivant pour faire en sorte de débarasser une génération et toutes celles qui suivent de mutations génétiques ou autres dérèglements causant d’invalidantes maladies. Au contraire, c’est pile poil ce qu’on veut faire. La jeunesse c’est l’avenir économique du pays, on doit la maintenir en bonne santé, et rendre les traitements accessibles. Si vous parlez à des ingénieurs en Chine, ils vous diront que les chercheurs cherchent, quand ils trouvent ils donnent au gouvernement, lequel donne à la population. Par donner, entendre vendre à juste prix. Pas de polémiques, pas de journalistes. Le bouddhisme oriental dit que chacun doit se prendre en charge pour s’améliorer, et ce n’est en rien jouer à Dieu que de le faire, c’est même le devoir le plus sacré de chacun de nous. Et nous voici en plein dans la médecine à l’ère du Big Data : sauver une génération et toutes les suivantes (!!?) d’une maladie qu’elles n’auront jamais et dont elles n’auront même pas eu conscience d’en être porteuses un seul instant…C’est le modèle économique du pays qui compte sur les forces vives de la nation avant tout. Si tu es parent, tu dois tout faire pour avoir un bébé avec la meilleure santé possible. Si tu le fais pas, c’est de ta faute, me disait ma prof de chinois il y a 10 ans déjà. Pendant ce temps, une mère américaine vous dira que la maladie de son enfant a été voulue par Dieu.

Prenons du recul, montons au balcon. J’ai passé du temps aux USA et en Chine. Deux pays impérialistes, deux modèles économiques — aux USA la médecine génomique soignera ceux qui peuvent payer et ne devra pas être transmissible de génération en génération pour ne pas heurter les convictions sociétales, notion de consentement du patient, et de traitement récurrent car il faut que le nouveau système médical mis en place soit aussi rentable. Qui dit pays impérialiste dit politisation de l’outil CRISPR, lequel est un peu l’épice de Dune, dans cette histoire…

Prenons à présent le Japon. Pays bouddhiste, lui aussi, mais ne cherchant pas à vous enrôler dans l’un des deux camps rivaux, comme avec les USA et la Chine, ou chacun se saute plus ou moins à la gorge. Le Japon fait, mais ne dit pas qu’il fait. Il avance à bas bruit. Reposant, non ? Personne pour vous sauter à la gorge en vous poussant dans vos retranchements : pour ou contre le “germline gene editing” ? (induire des mutations génétiques transmissibles d’une génération aux suivantes). Si t’es pour t’es Chinois, si t’es contre t’es Américain. Bah non, il existe (au moins) une troisième voie, ou alternative… Au Japon, on parle tranquillement de l’acceptance ou non de telle ou telle technique de thérapie génique, dans telle ou telle population. Gageons et espérons que bien des pays du monde entier vont se rallier à une troisième voie moins… bruyante (totalitaire?)

Deux systèmes, un seul outil (CRISPR). Cela peut devenir dangereux… En tout cas, ne nous attendons pas à être correctement informés dans un contexte aussi extrême, tendu. On imagine dans Dune un journaliste informant sans excès ni désinformation sur l’épice… Bah non, y en a pas.

Voilà, cher lecteur. C’était mon prêchi-prêcha du jour, et le tour dans mon vieux coucou rouillé est déjà fini, il va falloir songer à se poser (le carburant coûte cher par les temps qui courent !) Mais pendant qu’on rejoint la piste d’atterrissage laissez-moi ajouter ceci :

Tout comme l’épice dans Dune, les ciseaux moléculaires CRISPR et leur développement scientifique prennent une connotation politique pour les USA comme pour la Chine. En pratique, quelles conséquences ? On a vu qu’en Chine, on prévoit de modifier les embryons afin d’éradiquer une fois pour toutes une maladie donnée. Ce ou ces changements sera ou seront transmissible(s), donc, de génération en génération. Le consensus est à l’échelle de la société et de ses structures juridiques, morales, religieuses, économiques, culturelles, cultuelles, etc. Un outil scientifique soumis à des usages différents selon qu’on sera aux USA ou en Chine, présuppose que les deux pays soient pionniers en la matière et possèdent l’intégralité des brevets, se dotant ainsi d’une parfaite autonomie, sans dépendre du pays concurrent (Chine versus USA et vice-versa). Un peu comme ceci (pour simplifier) :

La zone hachurée est compliquée à gérer si on y ajoute des règles d’éthique (non scientifiques) étant propres à un camp et non à l’autre. On voit que chacun (USA et Chine) doit aller vite pour avoir le moins de problèmes dans la zone hachurée, question propriété intellectuelle et autres brevets.

Si une fac a les brevets pour une technologie “germline” (thérapie ou modification génique transmissible de génération en génération) mais impose des restrictions d’usage à cette technologie, cela peut gêner l’autre camp. On solutionne ce problème en trouvant une autre technique menant au même résultat, et c’est là un principe général dans la recherche. Voici un exemple : la technologie B brevetée est dans la zone hachurée mais les restrictions d’usage imposées vont gêner le camp “germline”. Il y aura un accord pour positionner cette technologie B dans le camp “non germline” (restrictions : pas de transmission de génération en génération) tandis que l’autre camp mettra au point une technique B prime (B’) lui permettant de faire du “germline editing” avec, tout en disposant des brevets, donc sans entrer en conflit avec le camp disposant du brevet B, situé dans la zone “non germline” du fait des restrictions d’usage imposées par le propriétaire de ce brevet.

Donc comme ceci :

B n’est plus dans la zone hachurée, il est “éclaté” en deux : une position dans le camp “non germline” et une position dans le camp “germline” mais sous forme de variante de la technique originale déjà brevetée et imposant des restrictions d’usage. B’ en tant que variante aura son propre brevet.

Sur les zones non hachurées, les deux pays, USA et Chine, sont en concurrence financière. Sur les zones hachurées, USA et Chine sont en compétition ou concurrence technique.

Sur les zones non hachurées, les deux pays, USA et Chine, sont en concurrence financière. Il s’agit de lever des fonds auprès d’investisseurs. Pour cela, il faut cocher toutes les cases (politiques, économiques, sociétales etc). Or ces cases ne seront pas les mêmes selon qu’on sera en Chine ou aux USA. Et l’argent est une ressource limitée…

Sur les zones hachurées, USA et Chine sont en compétition ou concurrence technique. Il faut être le premier à breveter, pour ne pas dépendre d’un autre pays pour ce que l’on veut faire. Ah mais voilà, nous atterrissons déjà…

Il est temps de dérouler le tapis rouge pour l’accueil à la sortie de l’avion : place aux questions des élèves. Déjà, une remarque judicieuse : dans l’univers de Dune, donc dans un futur très lointain, il n’y a pas de “machines pensantes” (“thinking machines”), ces dernières ayant lutté contre les humains par le passé. Des ordinateurs et des robots dotés d’intelligence artificielle, donc. “Tu ne feras point de machines à l’esprit de l’homme semblable” : l’un des Dix Commandements de Dune, pourrait-on dire. Et nous on est en plein Chat-GPT…

Nous sommes donc partis sur un topo général concernant l’AI, niveau lycée. L’AI est un raccourci pour désigner de l’AI générative, c’est-à-dire qui génère du contenu vraisemblable. Dans ce domaine, il y aura des succès et des échecs, c’est encore très spéculatif aujourd’hui. Faut-il baser tout son cursus d’études sur l’AI générative (c’est-à-dire qui génère du contenu) ? Bah non, c’est un peu risqué. Pour le moment, on essaie de déterminer des domaines où générer du contenu plausible apporte un vrai plus. L’AI générative on l’aura compris, c’est chat GPT. Créée-moi une Tour Eiffel à la façon de Van Gogh par ex. On essaie de générer du contenu de plus en plus plausible en espérant qu’à un certain stade, cela permettra de générer du contenu qui soit non seulement plausible, mais exact / rigoureux / véridique.

Quelles sont les différentes générations de l’AI ?

https://static1.pocketlintimages.com/wordpress/wp-content/uploads/2024/01/how-to-create-ai-artwork-with-chatgpt-4.jpg

https://www.pocket-lint.com/how-to-make-images-with-chatgpt-ai-generated-art/

Il y en a eu plusieurs, en effet. La première ce sont les programmes de jeu de stratégie comme le Go ou les échecs. Maintenant ça marche très bien mais ça ne sait rien faire d’autre. Ce n’est donc absolument pas généralisé. La deuxième, ce sont les systèmes d’expert (système expert) ayant pour but de capter l’expertise de certains humains et de la reproduire. On en attendait beaucoup parce qu’on n’en percevait pas les limites. Maintenant, on cerne les limites et on voit que ça ne fait pas tout, loin de là ! On est plutôt dans un marché de niche. Puis il y a eu les réseaux de neurones. Pour l’AI générative, encore une autre étape, c’est pareil : on n’en a pas encore perçu les limites donc on pense avoir trouvé le Graal, une fois de plus. Quand on comprendra mieux ce qu’on a trouvé, on essaiera d’améliorer la plausibilité de l’AI générative pour tenter d’améliorer son exactitude du même coup.

On va probablement buter sur une limite, la même que celle qui est décrite par le théorème de Gödel disant qu’un système mathématique ne peut être à la fois complet et exact. C’est le théorème dit d’incomplétude.

On va probablement buter sur une limite, la même que celle qui est décrite par le théorème de Gödel disant qu’un système mathématique ne peut être à la fois complet et exact. C’est le théorème dit d’incomplétude. Cela concerne le champ des mathématiques mais par analogie on pourrait l’appliquer à l’intelligence artificielle. Il faudra alors accepter les limites de l’AI générative pouvant être à la fois incomplète et à la fois présentant des erreurs… Dans un diagnostic médical effectué par l’AI c’est un problème : faut-il augmenter le nombre de diagnostics quitte à avoir plus d’erreurs, ou faut-il limiter les diagnostics et dans ce cas l’AI pourra être amenée à répondre : “je ne sais pas” ? Pour le moment, avec chatGPT, on place le curseur assez loin pour pousser à produire du contenu. Quitte à ce que l’AI nous sorte un portrait artistique vraisemblable (et donc avec des erreurs, du style une personne dont une main a six doigts). A chaque fois on a eu une génération d’AI nous laissant entrevoir des perspectives d’application illimitées. Puis on s’est rendu compte des limites. On peut imaginer qu’il en ira de même avec l’AI générative. Cette dernière aura donc une utilité (à l’avenir) dans un cadre qui n’est pas encore défini, mais c’est juste qu’aujourd’hui on n’en cerne pas encore bien les limites. Il est néanmoins probable que ce ne sera pas l’alpha et l’oméga du traitement de données puisqu’il y a fort à parier que les applications seront limitées. C’est en tout cas ce qui s’est passé à chaque fois pour les générations précédentes…

Avant que je vous entretienne au sujet d’une offre d’emploi dans les dunes du désert mais alléchante tout de même, faisons donc un petit tour à la librairie de l’aéroport puisqu’on passe devant…

On voit bien mes ongles noirs, habitués à gratter la terre du désert… Je regarde le livre à la va-vite, un peu dans le désordre. Cela semble intriguant… Voici donc un petit rétro-planning du futur. Y a du boulot…

Même au milieu du désert, on parle du quantique…

Biology and IT have merged! Genomics: our software making its own hardware.

Cette fusion entre biologie et informatique, tout un programme ! Et ça n’est que le début…

Eric Lander, professeur de génétique et mathématicien, Broad Institute, Boston. C’était en 2013 il me semble… ou bien fin 2012 ? Où en est-on ? Des élèves me proposent de lancer un podcast qui s’appellerait “Back-to-the-future medicine”. Où en est-on aujourd’hui dans cette feuille de route pour le moins ambitieuse ?… Le mariage entre informatique et génomique n’est pas un long fleuve tranquille. D’ailleurs la route de l’ARN messager n’a rien de soyeux, quand on voit tous les anti-vax et les campagnes de haine se déchaîner sur les réseaux sociaux…

Et donc voici la réponse d’Eric Lander et de sa dream team du Broad Institute de Boston, en mode “back-to-the-future medicine”. Des slides (diapos) toutes récentes puisqu’elles datent de cette semaine (mardi 19 mars 2024) :

Source :

https://www.youtube.com/live/XdW-wkAs_Tw?si=-D1s-gUBsRRF1yv7

Bon mais on cause, on cause… Nous voilà arrivés au petit salon de thé de l’aéroport. J’ai quant à moi un faible pour cet endroit. Vous prendrez bien un thé à la menthe et une petite (li)corne de gazelle ? Puisqu’on est dans le désert, profitons des mirages (oasis, licornes de la start-up nation…) tout en sirotant un bon thé à la menthe, voulez-vous ?

Ici apparemment, on prépare la santé en 2050 :

Voyons-voir le comité scientifique de ce salon…

Dr. Min S. Park, Chief Scientific Officer, Sanimed International

Dr. Ahmad Abou Tayoun, PhD, FACMG, Director, Al Jalila Children’s Genomics Center of Excellence; Associate Professor of Genetics, MBRU

Dr. Shaikha Almazrouei
Lead Researcher, Technical Innovation Institute (TII)

Patrick Merel PhD
Genomics and Molecular Biotech Sr Director, Technical Innovation Institute (TII)

Prof. George P. Patrinos
Professor and Head of Laboratory; Editor-in-Chief, The Pharmacogenomics Journal, University of Patras

Dr. Julie Decock
Scientist, Qatar Biomedical Research Institute

Mohamed Nagy
Head of Personalized Medication Management Unit, Children’s Cancer Hospital, Egypt

Prof. Fatma Al Jasmi
Chair of Genetics & Genomics Department, UAE University College of Medicine & Health Science

Prof. Bassam Ali
Professor in Molecular and Genetic Medicine & Leader of the Genetics and Development Research, UAE University

Ah, vous voudriez travailler plus tard dans le secteur des biotechs ? Allons en toucher deux mots au directeur Biotech du TII à Abu Dhabi, il est juste à la table d’à côté. Le TII, c’est le Technical Innovation Institute. Quand on parlait de licornes…

“Si l’IA les intéresse, ils peuvent tenter MBZUAI ici à Masdar City (Abu Dhabi), golden visa, appartement payé, argent de poche, tout est fourni si dossier accepté, et une chance de bosser ensemble 🤓”

Masdar City à ce qu’il paraît n’est pas au milieu du désert mais au milieu du nouveau Abou Dhabi (ben techniquement, c’est quand même au beau milieu du désert, hein ?) Le but serait de positionner l’émirat comme leader dans le secteur des énergies renouvelables. Quand on parle de feuille de route ambitieuse…

Eh oui cher lecteur, l’épice et son parfum nous monte au nez… Dans Dallas, feuilleton TV à succès des années 1980 (1978 en fait), l’épice c’était le pétrole. Au fait, Larry Hagman dans Dallas, il avait les yeux bleus, non ? Comme quoi l’épice ne fait qu’évoluer avec son temps. Il nous faut suivre sa feuille de route si nous voulons participer à l’aventure.

Cher Jean-Christophe Victor, je voudrais vous remercier d’avoir formé des étudiants à se poser des questions, tenter d’observer le dessous des cartes, en toutes circonstances. A mon tour, à bord de ce vieux coucou rouillé, c’est ce que je m’efforce de faire…

Catherine Coste

Twitter: CATHERINE COSTE

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CATHERINE COSTE
Chroniques biomédicales

MITx EdX 7.00x, 7.28.1x, 7.28.2x, 7.QBWx certified. Early adopter of scientific MOOCs & teacher. Editor of The French Tech Comedy.