Open data et transports : 8 cas d’études français inspirants (3/3)

Etienne Pichot Damon
Datactivist
Published in
8 min readJul 13, 2018

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Le 15 février dernier s’est tenu un atelier d’une journée à l’Open Data Institute à Londres, auquel Datactivist a été invité. Le thème : la collaboration franco-britannique sur les données transports. L’ODI a donc convié plusieurs acteurs du transports et des données de France et du Royaume uni, dont nous partageons ici les cas d’usages.

Lire notre article introductif

Lien vers les cas d’études britanniques

Voici les exemples du côté français, traduits depuis le rapport original de l’Open Data Institute.

Construire un commun numérique et un réseau social à partir des données de transports nationales

Ishan Bhojwani — Etalab

Résumé :

Ishan a présenté le travail d’Etalab, consistant à créer un point d’accès national vers toutes les données de transports dans le pays. Cette initiative est encadrée par une directive de l’Union européenne (UE) de 2017 pour tous les États membres de l’UE.

Les objectif d’Etalab sont de recueillir et d’améliorer la qualité des données de 330 territoires en France, tout en encourageant l’adoption de la norme NeTEx, qui a pour objectif d’améliorer l’interopérabilité des données de transport dans les États membres de l’UE.

Le travail d’Ishan consiste à rechercher et publier les données sur chaque territoire, et fournir un soutien aux techniciens et experts.

“L’idée est que transport.data.gouv.fr agisse non seulement comme un point d’accès mais aussi comme un réseau social. Donc, pour chaque jeu de données, vous trouverez le fichier mais aussi la possibilité de poser des questions directement à l’opérateur de transport sur le territoire, qui saura mieux vous répondre.”

Au Royaume-Uni, c’est Transport Systems Catapult (TSC) qui a été chargé (par le ministère britannique des transports) d’élaborer un point d’accès national.

L’histoire de l’open data en France et au Royaume-Uni: différences et similitudes

Samuel Goëta — Datactivist

Résumé :

Samuel Goëta, co-fondateur de Datactivist, a commencé par décrire comment, au Royaume-Uni, le parcours de l’open data a débuté en 2004 avec OpenStreetMap. Quant à la naissance officielle de l’open data, elle s’est produite aux États-Unis en décembre 2007, où un groupe d’experts s’est réuni pour discuter et définir le terme «données ouvertes». Par la suite, Tim Berners-Lee a travaillé sur le lancement de data.gov.uk ainsi que sur l’Open Data Institute avec Nigel Shadbolt. Pour en savoir plus

La France a des antécédents différents, comme l’a décrit Samuel : «Les données ouvertes sont apparues en France dans un contexte très particulier» — en expliquant que le gouvernement français vendait des données, mais a arrêté pour se conformer à la réglementation de l’Union européenne. En parallèle de la croissance du mouvement d’open data au Royaume-Uni et aux États-Unis, le gouvernement français crée, fin 2010, Etalab, pour coordonner le partage des données publiques.

Une autre différence entre les deux pays porte sur la loi sur la liberté de l’information (FOI), qui est bien plus forte au Royaume-Uni qu’en France. Le Royaume-Uni répond à plus de 300 000 demandes de citoyens chaque année via la plate-forme gouvernementale. Alors qu’en France, la loi est «assez ancienne et plutôt faible». Le gouvernement français n’a pas cette même exigence pour répondre aux demandes d’information des citoyens.

En ce qui concerne le secteur des transports, il a été souligné que “les gouvernements tendent souvent à ouvrir les données sans consulter le public, et sans répondre à la demande de liberté d’information”

Il a ensuite présenté une initiative de Datactivist : «Dodo Data», qui vise à améliorer radicalement la manière dont les demandes d’accès à l’information sur des ensembles de données spécifiques sont traitées.

A la fois le Royaume-Uni et la France disposent de communautés très actives autour de l’open data, et il y a un fort potentiel pour qu’elles collaborent davantage.

Travailler de manière transfrontalière en France et en Espagne

Julien de Labaca — Transfermuga

Résumé :

D’un portail de mobilité transfrontalière entre la France et l’Espagne (au Pays Basque) à un planificateur transfrontalier, en passant par un projet de données ouvertes, Julien de Labaca a présenté l’histoire de Transfermuga.

Le projet a démarré en 2015 avec une idée simple: un portail en tant que «site unique» au service de l’information sur les voyages transfrontaliers, redirigeant vers des sites existants si l’utilisateur avait besoin de plus d’informations.

Mais Transfermuga s’est rapidement rendu compte qu’un portail ne serait pas suffisant et que les utilisateurs avaient besoin d’un planificateur d’itinéraire.

Le projet était ouvert à tous les acteurs qui rejoindraient un accord cadre pour alimenter un «projet d‘open data à moyen et long terme».

Julien a expliqué que la création du planificateur d’itinéraire était principalement une opportunité de mener un projet d’open data sur les transports. Les acteurs impliqués comprenaient deux lignes de chemin de fer, trois lignes d’autobus longue distance et cinq lignes d’autobus urbains.

Julien a conclu sa présentation en évoquant l’avenir de Transfermuga, qui inclut le passage à la norme européenne NeTEx et un flux de données commun.

A retenir :

  • Le véritable challenge dans ce projet n’était pas technique, mais lié à la gestion des données et à l’approche organisationnelle du projet.
  • Ne pas négliger l’arène politique. Même si les projets sont souvent techniques, l’intervention politique (au niveau local ou national) a souvent un impact très fort sur le calendrier des différents outils.

Les challenges rencontrés lorsqu’on travaille avec les données de transports au Royaume-Uni et en France

Jean-Gabriel Audebert-Lasrochas, Trainline

Résumé :

Jean Gabriel a présenté les défis de travailler avec les données de transport français, du point de vue d’un utilisateur du secteur privé : Trainline (ex Capitaine Train), une application d’itinéraire et réservation de trains.

Le premier obstacle consiste en une confusion entre open data et données visibles par le public. Certains producteurs de données de transport en France publient dans un format qui n’est pas lisible par machine.

Le second obstacle porte sur les frais facturés pour accéder aux données via les requêtes API : dans l’industrie du transport aérien, par exemple, les transactions excessives (dépassant 1 000 requêtes) qui ne conduisent pas à une réservation sont facturées. Mais des restrictions similaires s’appliquent aux données ferroviaires en France.

Le dernier obstacle est celui de la peur associée aux “GAFA” : une préoccupation que les données ouvertes ne seraient bénéfique qu’aux grandes entreprises des Etats-Unis. Lire le cas de Transport for London, et notre article introductif.

Jean-Gabriel a conclu sa présentation en faisant part de son souhait que la prochaine réforme de la mobilité française et européenne sera l’occasion de «données ferroviaires réellement ouvertes».

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un accès obligatoire, juste, raisonnable et non discriminatoire aux données brutes (non commerciales) pour nous permettre de créer des outils centrés sur le client. En France, il existe encore des limites qui nous empêchent d’offrir un vrai service à nos clients”.

5 raisons qui montrent l’intérêt de l’expérience développeur (DX) dans l’open data transports.

Eugena Ossi — Five by Five

Résumé :

  • Premièrement, les développeurs sont des humains. Comprendre pourquoi ils utilisent les données et ce qu’ils peuvent en retirer est important, peu importe la qualité des données :

«si vous n’avez pas de développeurs qui utilisent vos données, vous n’avez rien».

  • Donner accès à la documentation est également crucial car cela facilite le travail des développeurs dans l’utilisation des données et des services.
  • Troisième raison : la transparence. Être ouvert et disposer d’API et de données fiables contribue à gagner en crédibilité auprès des développeurs.
  • Aussi, l’animation d’une communauté de ré-utilisateurs est un atout, car plus les développeurs sont impliqués, plus ils seront susceptibles de contribuer à la communauté.
  • Enfin, les développeurs soutiennent l’innovation. En effet, une fois qu’ils commencent à utiliser un produit, ils vont l’itérer et l’améliorer, en favorisant la créativité et l’émergence de nouveaux produits.

Les projets liées à la mobilité chez les clients d’Open Data Soft

Fanny Goldschmidt — OpenDataSoft

Fanny a présenté des exemples de la façon dont les clients d’OpenDataSoft utilisent leur plateforme d’open data pour partager et encourager la réutilisation de données de transports. Son message clé consistait à dire que les données liées à la mobilité peuvent être utiles en dehors du secteur-même de la mobilité, et que les partager ouvertement peut conduire à des utilisations inattendues, par un large éventail d’organisations et d’individus.

Un des exemples que partage Fanny est celui de Waze et la Métropole de Lille, qui travaillent ensemble pour mettre en place un échange de données. La collectivité utilise le service pour identifier et traiter les embouteillages plus rapidement et plus efficacement.

Autre exemple, un projet pilote à Paris : la ville a mis en place des capteurs de comptage de piétons et de vélos; capteurs de qualité de l’air; capteurs de pollution sonore et autres données de mobilité, pour réfléchir au redéploiement du trafic autour de la place de la Nation.

À Rennes, le portail open data a permis à Handimap de développer un planificateur de trajet pour les citoyens handicapés.

Open Transport : une plateforme pour l’open innovation

Bertrand Billoud — Kisio Digital

Résumé :

Bertrand, responsable du marketing et de la communication chez Kisio Digital, a présenté Navitia, un logiciel open source qui “construit des trucs sympas pour les trajets”. Il permet le téléchargement d’un logiciel open source avec six fonctionnalités (planificateur de trajet, horaires…); le téléchargement et utilisation d’une API; et l’accès à 400 jeux de données ainsi qu’à une communauté de plus de 10 000 développeurs de 25 pays.

Bien que les données soient des «données officielles» et proviennent d’exploitants de transport, elles ne sont pas toujours de haute qualité. Pour aider à résoudre ce problème, Navitia travaille avec les données d’OpenStreetMap. L’équipe a notamment mené des projets au Ghana et au Nicaragua, où ils ont nettoyé et redistribué des données sur le portail.

Cependant, la plate-forme ne produit pas de données : elle agit comme un intermédiaire entre le producteur et l’utilisateur.

“Les utilisateurs demandent des données de meilleure qualité, mais reçoivent rarement les réponses des producteurs.”

Catalogue

Zakaria Bouziane — Transdev

Résumé :

L’objectif du catalogue de Transdev est de créer une plate-forme mondiale de données ouvertes dans le secteur des transports et de construire une communauté autour de celle-ci, où les utilisateurs échangent et utilisent des données.

Pour Zakaria, développeur principal chez Transdev, l’objectif est de permettre aux utilisateurs de détecter des erreurs. Ils peuvent informer la plateforme, qui les signalent à l’éditeur. Le code est open source et les personnes sont encouragées à contribuer, copier, apprendre et utiliser le code et les données.

En ce qui concerne la construction communautaire, les éditeurs expriment souvent négativement le fait que les utilisateurs de données profitent de «leurs données» et génèrent de la valeur commerciale.

Pourtant, il faut bien préciser que la valeur réside dans la croissance du secteur des transports, comme du tourisme, et non spécifiquement dans les données elles-mêmes.

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Etienne Pichot Damon
Datactivist

Depuis plus de 7 ans et aujourd’hui en indépendant, je travaille pour l’ouverture ou le partage de données publiques : Etalab, Datactivist, Métropole de Lille.